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Retraites : Un coût KO

Réforme en France

Une bataille en retraites sans borne

Un arbitrage bonus–malus aurait pu servir de solution

Piqué d’être le seul président à n’avoir pas réformé les retraites durant son mandat, Emmanuel Macron de France s’est lancé tête la première avec une réforme mal ficelée, aux antipodes de celle à points ; cela aura un coût faramineux qui aurait pu combler le déficit budgétaire des retraites.

La mesure phare de recul de l’âge de départ à 64 ans est l’étincelle qui a embrasé la forêt française depuis quelque temps, au moment ou l’espérance de vie en bonne santé moyenne est de 63 ans pour les hommes et 64 ans pour les femmes.

  • 62,8 ans est l’âge moyen de départ à la retraite, calculé sur la base du flux de départs à la retraite chaque année au moment où l’Insee estime (2018) que 25% des salariés les plus pauvres sont déjà décédés à 62 ans, l’âge théorique de leur retraite actuellement.

Un arbitrage bonus–malus permettrait de trouver un terrain d’entente

De notre correspondant en France

L’Hexagone est traversé par un vent du désert aux multiples rebondissements : augmentation brusque de l’inflation, réforme des retraites sous hautes tensions, manifestations sauvages en continu dans la métropole, etc.

Entre juillet 2021 et 2022, la flambée des prix est passée de 1,5% à 6,8% et atteint même 7,2% en début 2023. La stagnation des salaires face à cette inflation a suscité une colère noire des populations, attisée par la réforme des retraites. Des tensions éclatent en marge des manifestations dans la capitale, à Rennes et autres villes. Les préférences personnelles de Macron ne sont pas épargnées : par exemple, ” la Rotonde” , brasserie prisée par le couple présidentiel, a été incendiée. On rappelle que c’est dans ce même établissement que le candidat Macron avait fêté sa qualification pour le second tour de la Présidentielle en 2017 face à Marine Le Pen…

La réforme des retraites macroniste s’appuie principalement sur deux piliers : la suppression des régimes spéciaux et, surtout, le report de l’âge légal de départ en retraite, qui passerait progressivement de 62 à 64 ans. La mesure-phare de recul de l’âge de départ à 64 ans est l’étincelle qui a embrasé une forêt.

L’article 49 alinéa 3, dit de « censure provoquée », permet au gouvernement, au cours des débats sur un texte qu’il présente, d’engager sa responsabilité sur ce texte. Le gouvernement Borne, sans bornes, reste ferme sur sa volonté à vouloir prendre 2 ans en 2 secondes en appuyant sur le bouton rouge 49.3.

Mais pourquoi Emmanuel Macron s’est-il à ce point entêté sur la réforme des retraites ?

« La foule  n’a pas de  légitimité  face aux élus » Sauf que les élus le sont grâce à la foule

Une raison évidente tient à la personnalité d’Emmanuel Macron et sa pratique très solitaire et verticale du pouvoir. Piqué d’être le seul président à n’avoir pas réformé les retraites durant son mandat, il s’est lancé tête la première avec une réforme mal ficelée, aux antipodes de celle à points. Les observateurs ont ici comme impression que Macron voudrait s’approprier de la célèbre phrase apocryphe « L’Etat, c’est moi », attribuée au roi de France Louis XIV. Dans une République, les élus du peuple gouvernent pour le peuple ; d’où la nécessité d’accorder une importance capitale aux revendications.

De plus, une nouvelle « Macronade » ? Ce néologisme qualifie les expressions marquantes de Macron, qui a estimé mardi 21 mars au soir devant les parlementaires de son camp que « la foule » n’avait pas de « légitimité » face aux élus. Son affirmation omet que ces élus le sont grâce à la foule.

La colère des manifestants est-elle justifiée ?

Revenons-en à la vérité par les chiffres.

        • L’espérance de vie en bonne santé moyenne est de 63 ans pour les hommes et 64 ans pour les femmes.
        • 62,8 ans est l’âge moyen de départ à la retraite, calculé sur la base du flux de départs à la retraite chaque année.
        • Selon l’Insee (2018), 25% des salariés les plus pauvres sont déjà décédés à 62 ans, l’âge théorique de leur retraite actuellement.
        • En 2021, moins de la moitié des 61 ans sont en emploi, 1/4 est en retraite anticipée et 1/4 sans emploi ni retraite. Parmi ces « sans emploi ni retraite » 30% vivent sous le seuil de pauvreté.
        • La durée moyenne de la retraite était de 25,5 ans avant la réforme Sarkozy, aujourd’hui elle est de 24,5 années et tomberait suite à cette réforme à 23 ans en 2030.

Le citoyen lambda n’est pas dupe. Il peut aussi faire de la pédagogie :

  • Le budget total des retraites est de 345 milliards par an ;
  • Le déficit annuel temporaire des retraites après 2027 est estimé à 12 milliards.

Où le trouver ?

Au même moment, la fiscalité est asphyxiée par les plus riches :

  • La fraude fiscale s’élève à minima 80 milliards chaque année ;
  • La fortune des milliardaires français augmente de 100 milliards par an depuis

début 2020.

Sans compter les cadeaux de l’Etat aux :

  • Plus riches, à minima 16 milliards ;
  • Entreprises, à minima 20 milliards.

Couvrir 12 milliards de déficit, l’Etat a-t-il vraiment cherché partout ?

Et après on veut s’inquiéter de la riposte sauvage des manifestants pour contrecarrer cette réformer dans toute sa forme.

Un arbitrage bonus–malus permettrait de trouver un terrain d’entente. En effet, les domaines d’activités sont divers et variés, certains avec un degré de pénibilité plus élevé que d’autres. Par exemple, il est plus facile à un informaticien de travailler jusqu’à 62 ans qu’à un technicien de surface. Il serait donc incohérent de fixer un âge-seuil de départ à la retraite pour tous.

En toute équité, on peut conserver l’âge actuel de la retraite avec une marge de plus ou moins delta, soit 62 ± δ.

A 62 ans, on touche une retraite normale.

Un actif qui part en retraite à (62−δ) ans impacterait sa rémunération par un malus.

A (62 + δ) ans, un bonus est octroyé sous forme de prime qui s’ajoute à la retraite normale.

Par conséquent, chaque citoyen qui fera un choix l’assumera pleinement. Le principe de liberté dans la devise.

En définitive, le gouvernement est invité à dialoguer afin de mettre fin à ces manifestations répétitives qui paralysent le pays. Il ne faut pas perdre de vue que les dommages collatéraux de celles-ci devront être réparés et cela aura un coût faramineux qui aurait pu combler le déficit budgétaire des retraites.

Séga Fall MBODJI,

Paris