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Presse : Nègre ou Noir ?

Presse-Victor Noir

Nègre de service

Son meurtre suscita une forte indignation populaire et renforça l’hostilité envers le Second Empire

La presse au temps des noms d’emprunt, des soufflets, des duels avec témoins, des libelles et des meurtres

Victor Noir, nom de plume d’Yvan Salmon, né le 27 juillet 1848 à Attigny (Vosges) et mort à Paris le 10 janvier 1870, est un journaliste français tué à l’âge de 21 ans d’un coup de feu par le prince Pierre-Napoléon Bonaparte, cousin germain de l’empereur des Français, Napoléon III.

Victor Noir est le fils de Joseph Jacques Salmon, horloger puis meunier, installé à Attigny, et de Joséphine Élisabeth Noir. Il a pour frère aîné Louis Salmon, dit Louis Noir, combattant de la guerre de Crimée, correspondant au journal « La Patrie », puis rédacteur en chef du journal « Le Peuple ».

En 1867, Victor Noir devient le rédacteur en chef de « La Gazette de Java » publiée en une unique livraison et ayant la particularité d’être rédigée en javanais.

En mai 1868, Victor Noir est le rédacteur en chef du « Pilori », hebdomadaire éphémère qui présente l’originalité d’être imprimé en caractères rouges et auquel contribuent notamment Arthur Arnould, Alexis Bouvier, Louis Combes, Édouard Lockroy, Eugène Razoua et Jules Vallès.

Drame d’Auteuil


La scène du meurtre reconstituée dans une gravure parue dans un magazine de l’époque.

À la fin de l’année 1869, un journal bastiais intitulé « La Revanche » écrit des mots insultants contre la mémoire de Napoléon Ier. Son neveu, le prince Pierre-Napoléon Bonaparte – qui s’était retiré de la vie politique depuis le coup d’État du 2 décembre 1851 de son cousin Napoléon III –, ne supporte pas cet affront. Il sort de sa réserve et répond à cette attaque par un article virulent, paru dans le journal « L’Avenir de la Corse ». Il y désigne ses adversaires corses comme « des traîtres et des mendiants » destinés à être massacrés, jetés à la mer et mis « les tripes au soleil ».

La polémique enfle entre les journaux insulaires. Le journal « La Marseillaise » d’Henri Rochefort, opposant systématique au régime, mène alors une campagne contre l’Empire. L’erreur de « La Marseillaise » est de s’immiscer dans une « affaire corse ». Pierre Bonaparte n’admet pas l’insulte personnelle contre sa famille de la part d’un obscur « manœuvre de Rochefort ». Le célèbre et bouillant journaliste reçoit donc du prince un « cartel » provocateur. Rochefort, d’un tempérament vif, est de longue date un familier des duels. Il s’est jadis frotté au prince Murat lui-même. Il envoie donc au prince Bonaparte ses deux témoins employés au journal : Jean-Baptiste Millière et Arnould, lesquels vont arriver trop tard au lieu de rencontre.

Entretemps, Paschal Grousset, de Neuilly, ardent patriote corse et correspondant parisien de « La Revanche », ressent lui aussi l’injure. Grousset a précédemment travaillé au journal dynastique « L’Époque » comme collaborateur scientifique et au journal « Le Rappel ». Afin d’obtenir du prince Bonaparte la rétractation de son article injurieux ou à défaut la réparation par les armes, il dépêche deux témoins amis, Ulric de Fonvielle et Victor Noir. Ceux-ci arrivent à treize heures au domicile du no 59 rue d’Auteuil et sont reçus par le prince, tandis qu’à l’extérieur Grousset attend dans une voiture le résultat de l’entrevue en compagnie d’un confrère journaliste et écrivain, Georges Sauton.

Le prince est contrarié. Ce sont les témoins de Rochefort, envers qui il éprouve une haine farouche, qu’il attend. Il dit n’avoir rien à répondre à Grousset, mais demande à ses témoins s’ils se considèrent comme solidaires des « charognes » de Rochefort et de son équipe. Fonvielle et Victor Noir répondent qu’ils sont « solidaires de leurs amis ». La rencontre tourne mal, le prince sort de sa poche un revolver chargé et armé, tire par six fois et blesse mortellement Victor Noir.

Fonvielle rapporte que Noir aurait reçu un soufflet alors que le prince déclare par écrit s’être senti menacé après avoir été frappé au visage par le « grand » (Victor Noir). Selon Bonaparte, Fonvielle aurait eu un revolver dans sa poche. Il aurait tenté de s’en servir, mais, dans la précipitation, ne serait pas parvenu à l’armer.

Sur les six coups de son revolver, Bonaparte ne tire qu’une balle fatale. Fonvielle échappe aux balles mais Noir, touché à la poitrine, s’enfuit par l’escalier et s’écroule sous le porche.

D’après l’acte de décès, il meurt peu après qu’on lui ait tiré dessus, à 14 heures, au no 27 de la rue d’Auteuil (actuel no 42). Il s’agissait d’une pharmacie.

Émile Ollivier, le chef de gouvernement, fait arrêter Pierre Bonaparte et, prudent, fait organiser les funérailles de Noir à Neuilly-sur-Seine, au cimetière ancien, en présence d’une foule immense, et suivant le vœu de la famille, permettant ainsi de limiter les débordements, loin des quartiers populaires de Paris.

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