Premier ministre: Juridiquement présent, matériellement absent P. MBODJE
Virtuel lui-même, sa griffe l’est aussi
Tout acte législatif posé par le président de la République pourrait être attaqué en l’absence de la contre signature du Premier ministre seul capable d’endosser les actes. Juridiquement présent mais matériellement absent, ce Premier ministre n’entre pas forcément dans des délais imposables au président de la République. C’est l’interstice dans lequel veut s’engouffrer le pouvoir pour un rendez-vous post-Législatives. Un esprit malin pourrait même déposer une motion de censure contre un gouvernement sans légitimité et démissionnaire. Mais puisque lui-même est virtuel, la contre-signature du Premier ministre l’est tout autant.
Juridiquement, le Premier ministre est là ; le président doit juste lui donner une existence matérielle en le nommant, ce qu’il refuse de faire, emporté qu’il est, Macky Sall, par ce que le Professeur Ngouda Mboup appelle le « bonheur présidentiel » né d’une nouvelle légitimité le 6 février 2022 ; juridiquement et virtuellement, ce qui arrange les choses, surtout au niveau de la contre-signature des décrets présidentiels : le Droit est dit et respecté, même positif.
Le « bonheur » du Professeur Ngouda Mboup n’est pas seulement « présidentiel, oppositionnel et national » et n’engendre pas seulement une « nouvelle légitimité » qui renvoie le Premier ministre aux calendes grecques ; ce bonheur a regonflé à bloc la majorité qui passe sous silence l’absence de légitimité d’un gouvernement sans primus inter pares physique, de surcroît théoriquement « démissionnaire » depuis le vote du projet de révision constitutionnelle n°38/2021 du 10 décembre 2021 : le pouvoir ne peut plus prendre de décision non endossée (Article 43 de la Loi fondatrice). Certes, au sens juridique, il est là mais il est loin, le Premier ministre quand le président n’est pas lié par un délai de nomination. Si on l’accepte virtuel, toutes les conséquences de Droit suivent.
« Par contre, on fait un jumelage institutions-Pm » ; le Premier ministre devient ainsi une position médiate et immédiate président-peuple-administration et l’interface est chef de la majorité et interface de la minorité : si le président est irresponsable durant l’exercice de sa charge, les décrets, lois portent la contre signature du Premier ministre. Conclusion d’un puriste : « Macky Sall est donc tenu de nommer le Pm ».
Et s’il est virtuellement présent ? D’autant que la frontière est ténue, voire inexistante en l’article 43 entre pouvoirs propres du chef de l’État et les pouvoirs partagés dans ce même article. Autant se demander alors quelle est la légitimité du gouvernement actuel sans Premier ministre, de surcroît démissionnaire. Le Pr Ngouda Mboup avance une explication : « Juridiquement, le Premier ministre existe ; il suffit de le matérialiser » et c’est là que seraient intervenus le tailleur de luxe et les autres hauts conseillers de la perspective Août 2022 et même les alliés comme le Parti socialiste, d’autant que le « bonheur » inonde alliés et têtes d’œuf de l’Alliance pour la République (Apr) : le communiqué du 7 mars du Think tank de l’Émergence est par exemple plein d’espoir d’une inversion des tendances pour une majorité qualifiée en juillet prochain.
En raccourci, « le gouvernement n’est plus valable : il doit y avoir à sa tête un Premier ministre ; si le président de la République a une obligation de nommer, il n’est cependant pas tenu dans des délais » assène le professeur Ngouda Mboup. C’est le raccourci de ces têtes pensantes de la République, conseillers du prince, pour faire durer d’une « nouvelle légitimité grâce au sport ». D’autant que l’euphorie du 6 Février inonde une opposition au profil bas, « moins audible » devant la Coupe, le stade du Sénégal non encore officiellement baptisé, des « actes de conservation de la popularité et de l’état de grâce : le Ter2 et l’excursion vers Aréna avec la rencontre sur le basket, le format de rencontres avec les jeunes sur le numérique,… ».
Il n’empêche : tout acte renvoie à la Constitution, loi de fonction du président et de son Premier ministre, tout décret vise la Constitution : on doit en respecter l’esprit et la lettre : partager. De manière concrète, pas virtuellement.