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Polygamie : haut les cœurs !

Polygamie

Le cœur de ces dames chavire

Les hommes, destructeurs de la sérénité familiale

La polygamie est une situation matrimoniale très normale pour les musulmans avec quelques restrictions et conditions. Tout couple ayant signé la polygamie à l’état civil peut s’agrandir si l’homme en sent le besoin. Mais la perception de cette situation diffère d’une femme à une autre. Même les hommes ont une approche de la polygamie différente de celle des femmes. Ces dernières sont obnubilées par la polygamie pour des raisons valables ; elles accusent les hommes d’être la source des frustrations émanant des membres de la famille.

Par Khadidiatou GUEYE Fall,

Cheffe du Desk Société

Les femmes ont peur de la polygamie. Quelques rares l’approuvent pour occuper la deuxième place ou la troisième place. Les premières femmes appelées Awo considèrent que l’arrivée d’une seconde épouse dans la vie de leur mari est le déclenchement de l’instabilité familiale. La polygamie est en effet un régime matrimonial très en vigueur. Dans la religion musulmane, il est permis à l’homme d’épouser 4 femmes mais à condition qu’il les traite même au pied. Pour les femmes, les hommes sont incapables de respecter les conditions avancées par la religion. Raison pour laquelle elles craignent ce régime.

Mère Ayta, est une Awo. Son défunt mari en avait épousé deux autres. L’arrivée de la seconde épouse avait perturbé la quiétude de sa famille. ” Je me suis mariée très tôt, à l’âge de 17 ans, avec un homme pieux et responsable. Après 18 ans de mariage, il a épousé une femme qui avait l’âge de notre fils ainé. Celle-ci n’était pas dans les dispositions de rester à la maison pour le ménage et la cuisine. Je m’occupais de la maison avec l’aide d’une de mes filles.

Deux ans après l’arrivée de ma coépouse, elle a donné naissance à un enfant. Donc elle était contrainte de rester à la maison faire une pause avec les études pour s’occuper de son bébé. Mais il s’est avéré que c’était la chose à éviter. La femme passait la journée à surfer sur internet alors que moi qui avais l’âge de sa mère je m’occupais de la maison. Sans en parler avec mon mari, j’ai appelé la femme pour lui demander de m’épauler sur les tâches ménagères chaque quatre jour, le temps que je m’occupe de son bébé. La réponse de cette dernière a été tellement arrogante ; j’ai appelé sur le coup mon mari pour lui expliquer les faits. Il a rappliqué pour gérer la situation. A ma grande surprise, il a tout jeté sur moi, me taxant de jalouse. Depuis ce jour, je ne parviens plus à me considérer comme une femme de monsieur. Sa seconde femme réussissait à le mettre en mal avec ses propres enfants qui n’avaient plus reconnu leur père. Depuis ce jour, la maison reste tout le temps sous tension.

L’arrivée de la troisième m’a un peu sauvée car, la seconde femme ne me cherchait plus. Elle a changé de cible et c’était tout le temps des querelles entre elles. Mon fils aîné avait même décidé de quitter la maison pour se concentrer sur ses études ” raconte mère Ayta.
Elle poursuit : ” A un moment donné, j’avais pitié de notre mari qui n’avait plus cette tranquillité d’esprit. Pour mener une vie paisible, je me suis mise à l’écart des disputes et querelles. Tout ceci pour dire que la polygamie n’est pas maudite par les femmes mais c’est la façon dont les hommes traitent leurs femmes qui entraine la rivalité entre co-épouses “.

La proportion de polygames dans le groupe des hommes mariés est passée de 37,6 % en 1992 à 17,2 % en 2011. Cette diminution est flagrante en milieu urbain où la proportion passe de 30 % à 10 %. La polygamie demeure plus fréquente chez les hommes non scolarisés (23,2 %) que chez ceux ayant suivi des études (9,8 %). (Google)

Surveillante dans une école publique, Fatimata Diop n’est pas contre la polygamie ; elle disqualifie la manière dont les hommes, surtout sénégalais, pratiquent la polygamie. Son histoire avec la polygamie titille l’empathie. Son mari lui a trouvé une co-épouse qui était sa bonne dans sa maison. Pour l’amour de ses enfants, elle est restée dans le mariage, mais avec toutes les sortes de violences verbales qu’une femme pourrait supporter venant de son mari. Mais le problème se situe sur les conséquences de l’acte : ” Les enfants de Fatimata Diop ont grandi en ayant un œil sur le comportement de leur père et de leur tante vis-à-vis de leur mère. Mes enfants sont allés jusqu’à maudire leur père à cause de son attitude envers moi et la façon dont il traite les enfants de ma coépouse. Pourtant, je leur rappelle que quoi qu’il en soit, c’est leur père, qu’ils lui doivent respect et considération. Malheureusement, à cause de son comportement avec mes enfants, ces derniers n’avaient aucune considération pour leur père. Ceci a entraîné les querelles et l’intolérance entre ses enfants. Tout cela pour vous montrer que les hommes sont parfois la cause de la déstabilisation des familles. Au lieu de prendre en charge et le contrôle de toute la famille, ils divisent leur famille et optent pour le camp de la dernière. C’est la raison pour laquelle je suis contre la polygamie “.

Ce jeune de 22 ans veut rester monogame à l’avenir. Pour lui, les hommes dans leur majorité ne cherchent que leur épanouissement personnel et n’ont rien à faire de la stabilité de leur foyer ou de ce que ressentent leurs enfants. ” En tant que homme, je suis contre la polygamie, du moins de la polygamie pratiquée au Sénégal. La posture des hommes n’encourage pas. Ayant vécu et grandi dans une famille polygame, je refuse de faire subir à ma femme ce que ma mère a vécu, je refuse que mes enfants subissent la même chose que moi ” promet le jeune, pensionnaire à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Notre interlocuteur a été affecté par le niveau d’inégalité entre les épouses de son père, la rivalité, la jalousie et les batailles psychologiques qui se cultivaient entre demi-frères. Les tensions et disputes entre sa mère et ses co-épouses, ses frères et ses demi-frères influaient sur les résultats de ses évaluations scolaires, d’où l’impact négatif que la polygamie porte sur le développement social de l’enfant.

Certaines femmes n’ont jamais dénigré la pratique de la polygamie jusqu’à ce qu’elles la vivent autrement. Sous couvert de l’anonymat, cette dame extériorise ses chagrins. Son histoire  a traumatisé son existence. Son mari a contracté un autre mariage avec une autre femme en cachette alors que son mari avait signé avec elle la monogamie. Elle n’est au courant du forfait de son mari que 3 ans après. La trahison a été tel un couteau sur le dos. Depuis cet épisode, elle n’arrive plus à concevoir la perception et la pratique de la polygamie par les hommes sénégalais.

La polygamie au Sénégal et comme dans d’autres pays d’Afrique n’a d’avantage que pour l’homme, avec des inconvénients qui pourraient affecter le sentiment de l’enfant ou de l’épouse. Pour les femmes, le régime polygame peut être choisi par tous les hommes, mais c’est dans la pratique inégale que naissent les frustrations des enfants et des femmes.