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Passé-Présent : 20 Juin 1940, Les tirailleurs sénégalais sont massacrés à Chasselay D’après Christian Eboulé

Contrairement au dicton populaire, il faut s’en soucier comme de l’An 40, surtout du 20 juin 1940, avec le massacre des tirailleurs sénégalais à Chasselay, durant la seconde guerre mondiale. Des Lions sont tombés, en prélude à Thiaroye, 4 ans plus tard, toujours avec l’effondrement de l’armée française et/ou malgré une libération aux allures de défaite. Car si le massacre de Chasselay est assimilé à un crime de guerre, Thiaroye 44 aussi l’est.

La campagne de France de mai-juin 1940 s’est soldée par l’effondrement de l’armée française en quelques semaines. La bataille de France a été également marquée par les massacres de tirailleurs sénégalais perpétrés par les troupes nazies. Intitulé Juin 1940. Combats et massacres en lyonnais, le dernier ouvrage de l’historien français Julien Fargettas lève un coin du voile sur les circonstances de l’un des plus connus de ces crimes commis à Chasselay, près de Lyon, le 20 juin 1940.

C’est une funeste histoire de tueries individuelles et collectives. Des massacres de tirailleurs sénégalais perpétrés en France, durant la Seconde Guerre mondiale, par les troupes allemandes. Un crime de guerre.

Lyon ville ouverte

Aujourd’hui, le massacre de Chasselay, dans la région lyonnaise, reste le plus connu des crimes commis par les troupes du troisième reich contre ces soldats africains. Ils vont être les victimes du racisme du régime nazi. En effet, à partir du 19 juin 1940, les soldats allemands vont se livrer à une série d’exécutions sommaires de tirailleurs sénégalais, mais aussi de quelques soldats européens, officiers ou sous-officiers qui, la plupart du temps, tentaient de s’opposer à l’assassinat de leurs hommes faits prisonniers.

Nous sommes en juin 1940, les troupes allemandes foncent vers le sud du pays après être rentrés dans Paris le 14 juin 1940.

Au sein de l’armée française, la résistance à cette ruée repose alors essentiellement sur des initiatives individuelles ou des unités isolées. Ainsi en est-il de l’armée des Alpes qui entend constituer un nouveau front qui va de Lyon à la frontière suisse. Dans leur stratégie de défense, les militaires français projettent alors la destruction des ponts de la ville de Lyon.

Ayant appris cette décision qu’il juge désastreuse pour l’agglomération lyonnaise, le préfet Emile Bollaert prévient dans la nuit du 17 au 18 juin 1940 Edouard Herriot, maire de Lyon et président de l’Assemblée nationale, qui se trouve alors à Bordeaux où s’est réfugié le gouvernement.

« Après plusieurs rebondissements, écrit Julien Fargettas, il réussit à trouver le domicile où loge le maréchal Pétain. Ce dernier est encore dans son lit lorsqu’il reçoit Edouard Herriot. Le nouveau Président du Conseil accepte de déclarer Lyon « ville ouverte ». Le maire de Lyon doit néanmoins encore batailler pour imposer cette décision. »

Malgré ce statut de ville ouverte qui permet à Lyon d’éviter des combats meurtriers, mais aussi de préserver l’intégrité de ses ponts, les militaires français décident de se battre au nord et au sud de la ville. Et parmi les unités engagées sur le terrain, l’on retrouve le 25e Régiment de Tirailleurs Sénégalais.

Le massacre de Chasselay

Le 19 juin 1940, à Chasselay-Montluzin, les troupes allemandes vont rencontrer une résistance inédite. Les officiers français et les tirailleurs sénégalais se constituent finalement prisonniers. Ces hommes, pourtant prisonniers de guerre, sont exécutés par des soldats allemands.

Jusqu’à présent, les circonstances précises du massacre de Chasselay étaient plutôt mal connues des spécialistes. Et en l’absence de preuves irréfutables, certains historiens attribuaient cette tuerie à la tristement célèbre division SS-Totenkopf. Aujourd’hui, l’ouvrage de Julien Fargettas, auquel a collaboré le collectionneur privé Baptiste Garin, lève un coin du voile sur ces événements grâce notamment à la découverte de l’album photo d’un soldat allemand.

« Nous savons donc à présent avec certitude, écrit Baptiste Garin, grâce à ces photographies, que le massacre des tirailleurs du 25e Régiment de Tirailleurs Sénégalais le 20 juin 1940 à Chasselay a été commis par deux chars de la 2e section de la 3e compagnie du 8e régiment de Panzer, intégrés à la 10e Panzerdivision. »

Les huit photographies contenues dans le vieil album acheté par Baptiste Garin sont à ce jour les seules connues de cet épisode tragique. Sur l’un de ces clichés, l’on voit un groupe de tirailleurs marchant le long d’une route les bras en l’air, suivis de près par des soldats allemands en armes et un char du 8e régiment de Panzer. Au premier plan, l’un des militaires donne le sentiment de hurler des ordres.

Le plus glaçant c’est sans conteste cet autre cliché sur lequel l’on aperçoit les visages terrifiés des tirailleurs sénégalais. Et lorsqu’un caporal en uniforme noir des panzers, leur commande de se diriger vers le champ qui se trouve juste à proximité, tous comprennent certainement qu’ils vont être fusillés.

Deux autres photos montrant de la fumée qui s’échappe de l’avant des chars allemands prouvent qu’ils ont fait feu sur le groupe de tirailleurs. D’ailleurs l’ensemble des corps, une quarantaine au total, est visible sur deux autres photographies.

Une rage sanguinaire

Ces exactions ne sont malheureusement pas les seules commises par l’armée allemande dans la région lyonnaise. A Montluzin et à Lissieu, les soldats allemands vont faire preuve d’une terrible rage sanguinaire dont vont témoigner les sœurs de Nevers du couvent de Montluzin.

« Dans le couvent, écrit Julien Fargettas, un tirailleur blessé refuse de se rendre. Finalement fait prisonnier, il est traîné dans la cour et achevé à coups de baïonnettes. Près de la chapelle Saint-Joseph, deux blessés gisent à terre. Le soldat français est écarté alors que son camarade africain est également achevé […] En 1942, dans l’enceinte du couvent, une fosse commune contenant les corps de six tirailleurs sera ouverte pour en extraire les dépouilles. »

Dès la fin des combats et malgré la défaite, les populations locales s’occupent des dépouilles de ces soldats morts pour la France et leur rendent un premier hommage. Au lendemain du massacre de Chasselay par exemple, une soixantaine de volontaires se retrouvent sur place, creusent une fosse commune et procèdent à l’inhumation des tirailleurs assassinés. Les objets et papiers trouvés sur eux permettent de les identifier et d’établir une liste des victimes.

 « La tâche n’est pourtant pas aisée, précise Julien Fargettas. Ce sont des centaines de cadavres qu’il faut ramasser, enterrer, identifier, recenser. Tout cela sous les yeux de l’occupant encore présent pour quelques semaines. » Aujourd’hui, le Tata sénégalais de Chasselay construit dans l’immédiat après-guerre permet de rendre hommage à toutes les victimes militaires de 1940 en région lyonnaise.

Christian Eboulé

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