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Parcours, Fallou « Onglerie », De talibé à gérant: « J’ai même été ramasseur d’ordures pour gagner ma vie… » Par Ndeye Fatou DIONGUE

Dans la vie, partir de rien pour réussir n’est pas chose impossible. Fallou en est une preuve vivante. Pourtant au Sénégal, la vie du « ndongo-daara » (jeune apprenant à l’école coranique) n’est pas du tout aisée. Beaucoup d’entres eux sont victimes de maltraitances physiques et psychologiques. Par contre d’autres s’en sont sortis et ont réussi dans la vie. Tel est le cas de Fallou Ndiaye, un jeune homme qui a été talibé en passant par marchand ambulant et  qui aujourd’hui gère sa propre boutique.

« Je m’appelle Fallou Ndiaye, j’ai 38 ans. Je suis natif de Linguère. Marié et père de deux filles. Je n’ai pas fréquenté l’école française, mais plutôt l’école coranique. Je travaille dans le domaine du commerce et de l’esthétique. Je vends des bijoux et des produits cosmétiques.

Pour ce qui est de l’esthétique (pédicure, manucure, soin du visage, pose faux ongles, pose faux cils etc.), je ne l’ai appris nulle part. C’est ma curiosité qui m’a mené dans ce domaine.

Je m’active dans le secteur de la vente depuis mon arrivée à Dakar, il y a de cela 20 ans ou plus. Depuis que j’ai terminé l’apprentissage du saint Coran. A part cela, j’ai aussi de l’expérience dans l’agriculture.

Difficultés rencontrées

J’ai rencontré d’énormes difficultés dans ma vie. Et je dirai tout simplement que tout individu doit faire face aux difficultés de la vie quotidienne, les affronter avec courage pour que, le jour où il connaîtra des moments de bonheur, il sache le gérer et soit fier de raconter son parcours.

Le premier jour où j’ai mis les pieds à Dakar, les difficultés ont débuté. Déjà, le fait d’être « talibé » et de quitter sa ville natale pour une autre ville, sans savoir où aller, était un lourd fardeau. A cela s’ajoute le fait que je ne dépends de personne depuis lors. Avec toutes les charges qui m’incombaient : location, petit-déjeuner, déjeuné, dîné, tout…Je ne l’espérais nulle part ailleurs. Je m’en remettais à chaque fois au bon Dieu.

A l’époque, je faisais mes petites bricoles jusqu’à collecter de quoi louer une chambre. Je n’ai eu ni l’aide d’un oncle, ni d’une tante ou d’un quelconque membre de ma famille.

J’ai même été marchand ambulant, ramasseur d’ordures, porteur de paniers de poissons, vendeur de légumes et de maïs. Dès fois aussi, j’installais ma tente au marché devant les cantines des autres commerçants et je vendais tout ce qui était à ma portée, de légal. Je peux dire que j’ai tout vendu sauf de la drogue ou de l’alcool.  Surtout les produits cosmétiques, j’en ai vendu toutes sortes.

Par la suite, j’ai aussi vendu des sacs et des chaussures mais actuellement je suis plus dans la vente de bijoux et l’esthétique.

Ma philosophie c’est qu’il n’y a pas de sot métier.

Le métier d’esthéticien en tant qu’homme

C’est un métier comme tous les autres, je l’exerce avec dignité sans aucune gêne. Avec une clientèle féminine qui vient en masse se faire belle, surtout lors des week-ends et des événements (mariages, baptêmes, anniversaires, Korité, Tabaski et fêtes de fin d’année entre autres…). C’est un business qui marche très bien pour moi et je rends grâce au bon Dieu.

Réussites et plus beaux moments

Je peux dire que ma plus grande réussite est la maîtrise du saint Coran. Ce qui me rend le plus heureux, c’est lorsque je récite les khassaïdes de Cheikh Ahmadou Bamba, que je comprends facilement d’ailleurs (machallah). Ça me procure un immense plaisir. C’est une chose que je ne regretterai jamais de toute ma vie.

Le fait d’avoir fondé une famille et de gérer ma propre boutique climatisée avec quatre employés et tout alors que je ne suis parti de rien, un simple talibé. Je considère cela comme une réussite. Comme dit le proverbe, la réussite est au bout de l’effort.

J’en profite pour remercier mes employés qui sont très braves.

Défauts et Qualités

Je peux dire que mon plus grand défaut est que je m’énerve vite des fois, mais seulement pour de bonnes raisons. Je ne me fâche jamais sans motif valable. Et ça passe vite d’ailleurs.

Comme qualité, je dirais mon sens du partage. J’aime partager tout ce que j’ai avec mon entourage.

Message à la jeunesse

Aux jeunes, je leur dis tout simplement de travailler et de rester sur le droit chemin. Croire au bon Dieu et respecter leurs parents.

Moi personnellement, quoi que je fasse, aussi important que ce soit, je marque une pause pour prier.

Quelqu’un qui veut vraiment réussir dans cette vie, doit travailler à la sueur de son front pour le mériter dignement.

Quelqu’un qui vous promet le paradis en vous conseillant de ne pas suivre le bon Dieu, sachez que c’est une personne qui vous trompe. Utilisez la chicotte ! Prenez vos distances et méfiez-vous !

J’ai fait face à beaucoup de situations difficiles depuis mon arrivée à Dakar mais j’ai toujours gardé la foi et je persévère dans tout ce que j’entreprends.

Dans cette vie, rien n’est facile. Mais tout arrive à point à qui sait attendre. »