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Les cornes du bélier Complicité, conviction, salut

Chronique : Les cornes du bélier

 

Complicité, conviction, salut

De notre correspondant en France

J’immolerai mon bélier comme mon père et le père de mon père l’avaient jadis fait.

Non châtré, un beau bélier se dresse devant moi en relevant les cornes, et me fixant du regard pour me défier, semblable à un adversaire de taille qui compte sauver son honneur, et moi, de sauver aussi mon bonheur comblé d’exhortation.
Le jour de l’Aïd al-Adha entre sacrificateur et mouton, c’est tout un rituel pour ne pas dire une complicité liée à une conviction religieuse dont la finalité est le salut.
Demain, jour d’offrande envers Dieu, je sacrifierai à la tradition en levant le regard vers le ciel. Puis, debout et droit dans mes spartiates neuves dotées de semelles en cuir, je ne clignerai pas les yeux. J’immolerai mon bélier comme mon père et le père de mon père l’avaient jadis fait dans la loyauté et la résignation, en contemplant la bête au pelage noir et blanc, sans un cri, aller directement au paradis promis. Je regarderai droit devant moi, en talibé « Tidjan » enchanté, prêt, résolu et plein d’abnégation pour offrir en holocauste, ce moment de fête pouvant renouveler ma foi en mon créateur.
Si « l’homme est toute vérité, la femme est toute séduction » disait l’autre ; subséquemment, ce jour-là sera immémorial : il sera particulier comme si pour la première fois, le soleil brillera autrement. La fête sera si belle que le soleil qui se lèvera à l’Est et se couchera à l’Ouest sans attirer l’attention semblera suspendu. Ce sublime cheminement mêlé à l’euphorie, où le temps était figé durant toute la journée telle une éternité, marquait l’évènement. Tôt le matin, les hommes accompagnés de garçons fiers, se vêtiront comme de vrais « Sassoumanes », le bonnet incliné d’un côté de la tête, pour aiguiser l’attrait des femmes toutes éméchées, mais qui, certes, ne se laisseront pas « terrasser » aussi facilement sans prendre leur revanche.
Coquettes le soir venu, parées de leurs bijoux cliquetant en sourdine, affublées et endimanchées de soie, de broderie et de « Ganya », elles rivalisaient de joliesse et de magnificence entre elles, pour pouvoir ravir la vedette aux célibataires et aux monogames.
Aussi, affriolantes et ensorceleuses, elles déambuleront en véritables maitresses toute la journée, jusque tard dans la nuit.

Tidiane SENE,

Toulouse