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Léna Diagne Fal : Inégalée !

Léna Diagne Fal,

«Madame Mon Frère»

Léna Diagne Fal n’a pas seulement invité ses sœurs à refuser la minorisation en les incitant à participer pleinement à la vie politique locale et nationale ; elle est aussi allée défier les hommes sur leur propre terrain en militant chez eux, au poste de secrétaire général de l’Union régionale de Dakar. Ce qui lui valut ce sobriquet fort original de « Madame Mon Frère ! ». Elle est tombée au combat, les armes à la main, le premier février 2016 ; elle a semé une graine qui ne saurait mourir, suivant un parcours inégalable.

 

Amie, Si

Tu Tombes

Caroline Faye

Son nom apparait pour la première fois au

Parlement pour la législature 1973-1978 auprès des quatre mousquetaires de l’époque :

Seynabou Cissé de Kaolack,

Caroline Faye de Thiès,

Anne Marie Sohai de Ziguinchor.

 

 

 

Aïssata De
assistante de Recherche – IAD

Législature 1957 à 1963 : aucune femme parlementaire / 80 députés

Législature 1963 à 1968 : Une (1) seule femme parlementaire / 80 députés

Législature 1968 à 1973 : Deux (2) femmes parlementaires / 80 députés

Législature 1973 à 1978 : Quatre (4) femmes parlementaires / 80 députés

Haoua Dia Thiam

Législature 1978 à 1983 : Huit (8) femmes parlementaires / 100 députés

Législature 1983 à 1988 : Treize (13) femmes parlementaires / 120 députés

Législature 1988 à 1993 : Dix huit (18) femmes parlementaires / 120 députés

Législature 1993 à 1998 : Quatorze (14) femmes parlementaires / 120 députés

Le vote de la loi sur la parité absolue homme/femme le 14 mai 2010 (Loi n° 2010-11 du 28 mai 2010) dans toutes les institutions totalement ou partiellement électives est l’étape finale de la longue marche du combat des femmes, au Sénégal ; il est aussi la révélation de la ferveur et de l’ardeur féministes du président Wade qui, bien que freiné par le Conseil constitutionnel en 2007 et ses frères et sœurs en 2009, est d’abord revenu par un amendement qui institue la vice-présidence, au sens féminin du terme asexué qui lui permet de nommer qui il veut, surtout quand il s’agit du genre et du nombre, avant de recourir à la force de la loi par le truchement des institutions parlementaires (Assemblée nationale et Sénat) avec la loi sur la parité.

Me Wade s’inscrivait ainsi dans une mouvance mondiale ayant pris racine avec la constitution de l’espace ouest-africain, mais particulièrement avec la fin de la Deuxième guerre mondiale, avec des étapes menant à 2010, presque un siècle après.

Copenhague (1980), Nairobi (1985) et enfin Beijing (1995) consolideront cette longue marche vers le genre, autre étape vers la parité, avec la nécessité manifeste dès 1975 d’assurer une certaine autonomie à la politique de la femme, par l’Année internationale de la Femme, avec la mise en place du Mécanisme national «Genre» (Mng).

Deux ans auparavant, une dame intégrera le Parlement sénégalais, à la suite de l’unique Caroline Faye. Avec Anne-Marie Souhaï et Awa Dia Thiam, Léna Diagne sera de celles qui participeront activement au parachèvement du combat des femmes au Sénégal, entamé, il est vrai, avec le clan des Saint-Louisiens du début du siècle ; il s’accélèrera véritablement à partir de 1946, au sortir de la Seconde guerre mondiale.

« Au Sénégal, l’apparition des femmes dans la politique intervient dans les quatre communes coloniales qu’étaient Gorée, Rufisque, Saint-Louis et Dakar. Ces premières citoyennes de droit français ne se mobilisèrent ni contre la polygamie, ni contre l’excision ou contre d’autres droits plus personnels. Elles revendiquèrent au plus le droit d’accéder à l’école au sein d’une élite urbaine de fonctionnaires et de traitants qui, de Durant Valentin (1848), François Carpot (1900), Blaise Diagne (1914), à Ngalandou Diouf (1934), Lamine Guèye (1945) et Senghor dans les années 50, voulaient assimiler la culture française, sans être eux-mêmes assimilés. Là comme ailleurs, les grandes mobilisations des femmes africaines dans l’espace politique prirent tout leur sens face au travail forcé et toute leur ampleur à la fin de la Seconde Guerre mondiale, sous la houlette du Bloc africain ou des National Congress anglophones ». (Fatou Sow : « Les femmes, le sexe de l’État et les enjeux du politique : l’exemple de la régionalisation au Sénégal », Clio, numéro 6-1997, Femmes d’Afrique).

Avec la Décennie des Nations Unies pour la Femme à Mexico (1975), Léna Diagne représente le Sénégal et les femmes sénégalaises à plusieurs rencontres internationales en Afrique, en Europe, en Asie et aux Etats-Unis. C’en fut notamment le cas au sein de l’Organisation Pan-Africaine des Femmes d’Alger, et au Séminaire international d’Istanbul de 1972 sur la Planification familiale. Vice-Présidente de la Commission de la femme des Nations-Unies, elle y siègera à plusieurs reprises pendant dix (10) ans.

Son passage est marqué par plusieurs événements majeurs dans la vie de l’Institution internationale qui donnent un aperçu de son combat politique, certes, mais aussi personnel, c’est-à-dire reposant sur des convictions, potentialités et aptitudes professionnelles et éthiques propres : elle a fait adopter par l’Assemblée Générale la Résolution décrétant 1975 « Année Internationale de la Femme » ; elle a participé activement à la première Conférence Mondiale des Nations-Unies de l’Année Internationale de la Femme, à Mexico, en 1975. A l’issue de cette rencontre, en tant que membre de la 3ème Commission (Economique et Sociale) de l’Assemblée générale des Nations-Unies, le groupe de travail au sein duquel elle a siégé a réussi à faire adopter une résolution déclarant la décennie 75-85 «Décennie des Nations-Unies pour la Femme » (Egalité, Développement et Paix), prélude à ce sera le combat des femmes pour le Genre et la Parité.

Cette dame née un 23 janvier à Saint-Louis est diplômée de l’école des Sages femmes d’État, dans la toute première cohorte.

La jeune Léna Diagne avait déjà séjourné en France à l’âge de 13 ans, en 1948 ; elle avait voyagé à bord du « Florida » pour se joindre à un camp international, en Bretagne, au sein du Mouvement des Éclaireurs.

Après le diplôme, la jeune sage femme sert pendant plusieurs années à la Maternité de l’hôpital Aristide le Dantec. Confrontée à cette époque déjà aux problèmes qui se posent aux femmes de toutes les conditions sociales, surtout dans le domaine de la Protection Maternelle et Infantile (PMI), elle s’intéresse à la Planification familiale et suit des stages dans cette filière à l’Université de Chicago, aux Etats-Unis d’Amérique, et à l’Université de Montréal, au Canada. Elle est par la suite affectée au Bureau de l’Education sanitaire où elle crée la première Association Sénégalaise pour le Planning familial, ancêtre de l’Asbef.

En 1967, elle est membre du bureau du Conseil National des Femmes de l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS), elle qui était auparavant militante du PRA-Sénégal de 1958 à 1968. Admise au Bureau Politique de l’U.P.S. (devenu Comité Central) en 1969, elle est conseillère municipale de Grand-Dakar aux élections de 1970. Soucieuse du devenir de la femme, elle dont la vocation était d’assister celles qui donnent la vie et désireuse de les aider à se libérer, elle crée le Foyer de la femme de Grand-Dakar avant de s’intéresser aux activités de développement en initiant au début des années 80 l’opération « Une Femme Un Gramme d’Or»  pour financer le développement du Sénégal et lutter (déjà) contre la pauvreté et la désertification (opération « Une Femme un Arbre »). Puis elle va militer chez les hommes pour les obliger à partager avec leurs sœurs les lieux de décision et de pouvoir. Seule femme au secrétariat général de l’Union régionale de Dakar qu’elle dirige, elle se verra affubler du nom de « Madame Mon Frère ! ». La bataille pour l’égalité s’accélérait.

Madame Léna Fal Diagne a reçu plusieurs décorations étrangères, en particulier la médaille d’Officier de la Légion d’Honneur française. Elle a également été décorée des palmes Académiques.