GMT Pile à l'heure

La Ligne du Devoir

Ima, musique et film

Cinéma & musique

Ima, deux fois

le même goût

Nzebi, Dadju !

 (Nzebi = « Talent », en Lingala, langue parlée au Congo)

Étant une chanson de Dadju, Ima est aussi un long métrage dans lequel le célèbre chanteur Dadju (7,7 millions d’adeptes sur Instagram) joue le rôle principal. Un « Nils Tavernier movie » tourné en juillet 2021 à Kinshasa.

Par Chérifa Sadany Ibou-Daba SOW,

Cheffe du Desk Culture

Né le 2 mai 1991 à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, Dadju est un auteur-compositeur-interprète et acteur franco-congolais, issu d’une famille  musicale. Gaston Djanana Tchika, son papa, est un chanteur du groupe « Viva la Musica » de Papa Wemba. Il fait partie d’une fratrie de 14 enfants, dont certains sont chanteurs : Maître Gims par exemple. En 2016, il décide de faire du solo avec son premier single nommé « Reine », certifié single de diamant. En 2018, Dadju a été nommé  «Révélation française de l’année » aux Prix musicaux de la NRJ. Sorti le 13 mai 2022, « Cullinan », le troisième album de Dadju (reconnu pour son talent de chanteur d’amour), en a conquis plus d’un avec son 8ème titre « Ima » qui est une déclaration d’amour forte.

 « J’ai retrouvé mon avenir, il est caché dans ton corps

Et les clés que j’aime utiliser n’ouvriront pas ta porte

Regarde-moi donner ma vie, regarde-moi changer la tienne, J’immortalise

Mais aujourd’hui, pour que demain s’en souvienne,

Tu demanderas si je te mens, mon cœur parlera directement

Ferme les yeux, écoute-le dire tout c’que j’pense de toi maintenant

Je ne cherche aucune ressemblance, savoir que tu n’fais pas semblant

C’est suffisant pour m’persuader qu’avec toi, rien n’sera comme avant

Laisse-moi te voir quand c’est fini

Te voir après qu’tout ça soit terminé

Laisse-moi te voir quand c’est fini

Avant qu’c’est terminé

Ima, Ima, Ima, Ima

Ima, Ima

Ima, Ima, Ima, Ima, yeah-yeah… »

(extrait de la chanson Ima).

Dans ce refrain, Dadju répète le nom de son être cher avec tant de tendresse et de sensibilité. Ces mêmes sensations se retrouvent dans le film éponyme qui met en scène Dadju, Karidja Touré, Rebecca Juliana, Nick Mukoko.

Apparition de Dadju au cinéma

A partir d’une idée originale de Dadju, « Ima »  est un long métrage tourné au Congo, pays d’origine de la chanteuse. Le film relate l’histoire d’amour agitée entre l’artiste, qui joue son propre rôle, et Ima, interprétée par Karidja Touré, une jeune femme de Kinshasa. « Ima » conduit le spectateur dans un monde qui se veut le reflet exact de ses convictions, de ses choix et ses prises de positions à travers le thème :  L’amour, ce sentiment vif et à caractère passionnel qui est un thème cliché qu’on retrouve fréquemment dans les œuvres mais qui est aussi traité à chaque fois de manière différente, talentueuse et pertinente.

Dans ce synopsis, Dadju se rend à Kinshasa, la ville de son enfance, pour donner un concert dans quelques jours. Laetitia, une de ses plus grandes fans, rêve d’y assister mais le concert affiche complet. Elle supplie alors son père de jouer des connexions de son patron Yavan, un puissant et riche homme d’affaires, pour lui trouver des places. Celui-ci convainc Dadju de se produire pour un concert privé dans sa propriété, espérant ainsi séduire la sœur de Laetitia, l’envoûtante Ima. Mais pendant le concert, le coup de foudre est immédiat pour Dadju qui ne quitte plus Ima des yeux…

L’héritier inégalé du cinéma

Nils Tavernier, 58 ans, hérite de la profession des mains de ses parents. Son père Bertrand Tavernier est réalisateur, auteur du film «Enfants gâtés» duquel Nils fait sa première apparition en tant qu’acteur. Grand réalisateur et documentariste de talent, Nils reconnaît qu’il aime faire des films qui tiennent le même discours et qui traitent de l’exclusion, du handicap, de la différence, etc. « J’essaye de faire des films qui vont faire grandir », informe-t- il.

Dans Ima, Nils Tavernier raconte l’amour dans sa définition la plus simple en ajoutant de l’iode.

« […] Autre truc que j’avais rajouté dans le scénario et qui me donnait de l’énergie pour faire le film, c’est qu’on est sur une planète qui est en train de brûler. C’est dû à plein de facteurs évidemment à consolation.  Je pense qu’il faut évidemment freiner la consommation et je pense qu’il faut freiner malheureusement la natalité dans les pays pauvres. On s’aperçoit que dans les pays en voie de développement la natalité est très très élevée. A Kinshasa, les femmes, elles font six à sept enfants par femme. Donc selon moi, la seule manière de freiner la natalité c’est l’éducation des petites filles qui est en train de chuter librement en Afrique. Donc le  personnage de Ima, la fille dont Dadju tombé amoureux, est une fille qui avait envie d’être autonome financièrement (ce qui est une notion en Afrique assez rare au milieu populaire), qui avait envie de faire des études et de s’occuper de la biodiversité et ça c’était un chemin de valeurs que j’avais envie d’offrir à ma fille. Tout d’un coup, on sortait de l’archétype de la fille qui va s’habiller mignonne pour draguer un mec qui a du pognon pour accéder à des valeurs de la société capitaliste. Moi j’ai envie de dire à ma fille qu’elle peut s’habiller un peu pourrie, que c’est pas grave que les marques, c’est pas important qu’elle peut devenir autonome et ça avait de la valeur. Moi ça mettait de la valeur dans le film », informe-t-il à travers un entretien qu’il a accordé à « Filmo ».

Par ailleurs, Dadju, qui est Ambassadeur de la rumba congolaise dit avoir eu envie, à travers « Ima », de sensibiliser son public sur la protection des forêts et sur la condition féminine : « Il était déjà important pour moi de placer l’histoire à Kinshasa. Je suis congolais d’origine, je voulais vraiment tourner ce film là-bas, montrer ce pays magnifique, son authenticité. Loin des clichés sur l’Afrique. Je voulais montrer que la vie y est la même qu’ailleurs, malgré les drames. Qu’il y a aussi de la joie, de l’entraide. J’ai voulu faire jouer ma propre mère qui travaille pour mon association « Give Back Charity » venant en aide aux femmes victimes de violences sexuelles ».

La beauté de Kinshasa dans « Ima »

Parlons-en !

La subtilité avec laquelle le réalisateur Nils Tavernier, à travers « Ima », a raconté l’Afrique en vendant l’image de la capitale congolaise, en relevant les femmes qui y vivent au rang des reines, est juste épatante. Dans la même veine, « Ima », qui s’inscrit dans la romance, prend progressivement l’aspect documentaire. Nous reconnaissons ici le doigté du réalisateur Nils Tavernier qui est également documentariste. Ce qui d’ailleurs lui donne en outre la capacité de placer rapidement la caméra, même dans des réalisations fictives.

L’âme du pays a été retrouvée à travers des scènes qui se sont déroulées dans la commune de Bandalungwa, de la Gombe, à Shaumba, à Rotana, au Fleuve Congo Hôtel ou au Parc de la vallée de la N’sele d’où a été convoqué le côté linguistique et écologique du pays dans ce projet de fiction française en République démocratique du Congo. Même si dans le déroulé du film certaines scènes sont plus divertissantes que cinématiques, Nils Tavernier, avec la compatibilité de ses acteurs, a pu faire sortir l’érotisme des scènes d’amour sans faire appel à la vulgarité, à la perversité. Il a réussi de la manière la plus talentueuse à intensifier ces moments sans avoir recours à s’embrasser. Seul le regard est suffisant pour émerger et transmettre les émotions attendues au cinéma.

« Ce n’est donc pas sous le regard noir que nous devrions voir les pays africains ». Ce cri du cœur est subtilement remarqué dans certains films africains. Dans « Ima », le réalisateur Nils Tavernier, après avoir réussi à persuader le spectateur de se reconnaître dans le film, a montré qu’il existe une façon totalement différente d’apprécier la RDC qui préserve jalousement ses richesses naturelles et culturelles.