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Hubert Fauntleroy Julian (1897-1983): L’Aigle noir du Négus, Icare des temps modernes

Hubert Fauntleroy Julian, surnommé l’Aigle noir, est né à Trinidad le 5 janvier 1897. En 1922, à l’âge de 25 ans, il survole des défilés en soutien à Marcus Garvey. Il a ensuite pris des leçons de pilotage auprès d’Air Service, Inc. et a acheté un avion pour se rendre en Afrique. Après s’être envolé pour l’aérodrome de Roosevelt, lorsqu’il a tenté de partir en juillet 1924, l’avion s’est écrasé et a brûlé. Il a survécu et a passé le mois suivant dans un hôpital de Long Island. En 1929, il réussit un vol transatlantique deux ans plus tard que Charles Lindberg pour se mettre au service du Négus Haïle Sélassié, empereur d’Éthiopie. Non sans des trous d’air.

Retour sur l’histoire oubliée des toutes premières ailes du Négus.

En 1930, après s’être envolé pour l’Éthiopie, l’empereur Hailé Sélassié accorde à Hubert Fauntleroy Julian la citoyenneté éthiopienne et le nomme colonel. Un an plus tard, en 1931, il est devenu le premier homme noir à voler d’un océan à l’autre au-dessus du continent américain et a également battu le record du monde de vol d’endurance avec un vol sans escale de 84 heures et 33 minutes.

En 1935, Julian a commandé la petite armée de l’air éthiopienne lors de l’invasion italienne de ce pays par l’armée de Benito Mussolini. Quatre ans plus tard, Julian a produit le mélodrame classique, Lying Lips, qui mettait en vedette Robert Earl Jones, père de James Earl Jones. En 1965, en collaboration avec John Bulloch, il écrit l’autobiographie de 200 pages, Black Eagle.
Hubert Fauntleroy Julian, alias l’Aigle Noir, et la première personne noire à obtenir une licence de pilote aux États-Unis, est décédé à New York le 19 février 1983.

D’après certaines sources cependant, Hubert Fauntleroy Julian, c’est l’histoire d’un rendez-vous manqué. Celui d’un aventurier antillais qui a voulu, bien avant la vague rastafari, participer à accompagner dans la modernité le seul État libre d’Afrique de l’Entre-Deux-Guerres : l’Éthiopie. Son rêve était de porter – littéralement – les couleurs du Négus au firmament en bâtissant une aviation moderne pour Haïlé Sélassié.

Hubert Fauntleroy Julian est né en 1897 à Trinidad-et-Tobago. Parti sur le continent, il apprend à piloter au Canada. À 19 ans, il obtient sa licence de pilote. A 21 ans, il s’installe à New-York où il devient un des pionniers de l’aéronautique. Il exerce notamment la profession d’acrobate parachutiste. Il gagne une certaine notoriété avec son saut sur Manhattan le 23 avril 1923. Cet exploit lui vaut le surnom de « l’Aigle noir ». En 1924, il annonce vouloir traverser l’Atlantique par avion : le défi reste, à cette date, inédit. Hubert Julian entend bien être le premier pilote à le réaliser. Son plan de vol en dit long sur les intentions sous-jacentes de ce projet : outre le calcul du parcours de la traversée (Floride-Brésil-Libéria), il annonce vouloir pousser son voyage… jusqu’en Ethiopie ! Et afin de bien mettre en lumière son ambition réelle, il baptise son hydravion Ethiopia I. Il décolle le 4 juillet 1924 de la Harlem River. Mais son appareil, qui date de la Première Guerre mondiale, ne tient pas le choc : à peine quelques minutes après le décollage, l’avion d’Hubert Fauntleroy Julian subit une avarie et l’avion s’écrase dans Flusing Bay.

Si l’Aigle noir n’a pas traversé l’océan Atlantique, sa réputation, elle, a bien traversé les continents et les mers. Il est approché par des représentants du Négus en vue de la cérémonie de couronnement de l’empereur Haïlé Sélassié. Recruté pour organiser des acrobaties aériennes en vue des cérémonies du couronnement, l’Aigle noir fait si forte impression dès ses premiers vols dans le ciel d’Abyssinie que le Négus l’adopte : Hubert Fauntleroy Julian se voit donner la citoyenneté éthiopienne, le grade de colonel de l’Armée impériale et la mission de créer la flotte aérienne du Négus. Celle-ci est composée de trois appareils. L’Aigle noir doit former les pilotes. Les répétitions se multiplient à l’approche du couronnement, programmé au 2 novembre 1930.

Fin octobre 1930, lors de la répétition générale des festivités, le drame se produit. Aux commandes du Gypsy Moth de Havilland, l’appareil personnel du Négus qu’il était interdit de piloter avant la cérémonie du 2 novembre 1930, Hubert Fauntleroy Julian exécute une série d’acrobaties aériennes. À l’issue d’une manœuvre à basse altitude, il tire sur le manche à balai de l’appareil pour le redresser… Mais les commandes ne répondent pas et le précieux appareil s’écrase. En brisant le joyau de la maigre flotte aérienne éthiopienne, la disgrâce de l’Aigle noir est totale. Il est invité à quitter l’Ethiopie. Il regagne New-York.
En 1935, l’Aigle noir propose de se mettre au service d’Halé Sélassié face à l’attaque fasciste sur l’Ethiopie. Malgré son évidente volonté de combattre les Italiens dans les airs pour le compte du Négus, l’Aigle noir reste cloué au sol, toujours persona non grata à la cour d’Addis-Abeba. Haïlé Sélassié, quant à lui, souffre très gravement des faiblesses de son aviation squelettique en 1935-1936 : le Duce a déplacé dans la Corne de l’Afrique l’essentiel de sa flotte aérienne et recourt aux bombardements aux gaz toxiques. Malgré leurs efforts, les quelques conseillers aériens européens du Négus ne parviennent pas à endiguer la vague fasciste. La guerre d’Ethiopie a été perdue dans les cieux, six ans après la cascade ratée de l’Aigle noir.

Soucieux de sa réputation, il clame à qui veut l’entendre qu’il reste dans les meilleurs termes avec le Négus… sans que grand monde y croit. Soucieux de sa postérité, il publie à Londres en 1964, avec l’aide de John Bullock, son autobiographie sous le titre de Black Eagle : Colonel Hubert Julian. L’Aigle noir, aventurier Antillo-Américano-Ethiopien sans égal, a continué entre temps sa carrière de mercenaire aérien, de pilote à gages jusqu’à trafiquant d’armes. Il meurt en 1983, à l’âge canonique de 97 ans, à New-York. Mais jamais, à son grand dam, il n’a pu réparer le crash de 1930.

Le 8 mars 1935, dans une lettre à André Schaeffner, Michel Leiris évoque la mémoire de l’Aigle noir : « On annonce qu’un grand aviateur noir américain dit l’Aigle de Harlem s’est mis au service de l’empereur d’Abyssinie ; je me demande ce que ce fait deviendrait dans le crâne de nos amis dogons, s’ils l’apprenaient : assurément rien, et c’est cela qui toujours sera dommage ! »

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Sources :
Wikipedia
Jean-Pierre Bat pour Bloc «Africa4»