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Henné time : Un prix extravagant

Henné Time

La vogue d’exhibition 

à la veille du mariage

La cérémonie coûte cher aux hommes

Le henné time est une variante de la vieille version traditionnelle peulh de l’enterrement de la vie de jeune fille à l’occidentale. Entre utilité et gaspillage, les mariées accordent un budget

colossal à cette pratique devenue plus importante que le moment

de sceller l’union à la mosquée.

C’est devenu un passage obligé pour célébrer le mariage, le henné Time. Depuis plus d’un an, les futures mariées tiennent à la cérémonie du henné Time. Riche en couleurs traditionnelles, cet avant-goût du mariage coûte la peau des fesses. Pour les jeunes filles célibataires, ça vaut le coût. Les hommes, quant à eux, ignorent l’utilité de cette tendance loin de l’essentiel.

Par Khadidiatou GUEYE Fall,

Cheffe du Desk Société

Sur les réseaux sociaux, les vidéos de « henné time » enregistrent plus de vues. Les filles en sont devenues obsédées. Encore célibataires, les jeunes filles ne comptent pas rejoindre la maison conjugale sans se retrouver autour du décor traditionnel avec un tatoueur de henné. La tendance est allée jusqu’à devenir un impératif à prendre en compte sur le montant de la dot.

Préférant garder l’anonymat, cette jeune fille n’a que 24 ans. Elle est obsédée par la cérémonie de henné time. D’après elle, le mariage ne se célèbre qu’une seule fois dans la vie, donc il vaut mieux en faire tout ce qu’on avait envie de faire. « Je suis pour le henné time. Il n’y a rien de mal à se faire appliquer du henné sur les mains et pieds. C’est une manière de se retrouver avec ses amies, de passer un bon moment dans la mesure où, une fois mariée, certaines libertés ne nous seront pas acceptées », dit-elle.

Depuis quelques mois, l’image de henné time s’est détériorée. Au début, il s’agissait d’une cérémonie appelée enterrement de vie de jeune fille. Cette expression empruntée à l’Occident s’accordait avec les tenues de la future mariée et de ses hôtesses d’honneur.

Pour demeurer naturel et valoriser la culture sénégalaise, le henné time a vu le jour. Malgré qu’il soit la tradition du mariage peulh, les Sénégalaises ont su apporter leur touche ethnique en s’habillant selon l’appartenance ethnique. En d’autres termes, la cérémonie reconnaît une certaine modernisation. C’est ce que Maimouna Ly, une femme peulh explique en ces termes : « Le henné time, je dirais bien que c’est une coutume peulh modernisée : avant le henné se faisait dans la discrétion dans une maison où seule la mariée et quelques personnes l’accompagnent. C’était un moment sacré de rappeler à la mariée ses obligations dans son ménage, lui retracer l’histoire de ses ancêtres et tant d’autres ».

L’origine du henné time provenant de la communauté peulh, avec des objectifs précis, Maimouna se désole de la tournure de l’événement devenu une séance d’exhibitionnisme. « Aujourd’hui les Sénégalaises ne peuvent pas dire que leur henné time est inspiré de la culture peulh car la rivalité de prestance et de perversité ne correspond pas avec l’originalité de la cérémonie. C’est plutôt de l’exhibitionnisme, de la danse la plus extravagante, qu’il faut s’attendre dans ces henné time qui se font parfois tard la nuit sans aucune surveillance des parents », ajoute Maimouna. Cette dernière pense également que le henné time est une sorte de fête de gaspillage qui n’a aucun sens car le respect de la coutume et de la religion n’y est présent.

Mariama Fall, une femme mariée, est du même avis que Maimouna Ly. Avec l’aperçu de la cérémonie à travers les réseaux sociaux, elle déduit que cette tendance du henné time est en train de prendre une tournure exhibitionniste sexuelle.

« Beaucoup de jeunes filles font du suivisme mais ne connaissent vraiment pas l’origine du henné time et en font un événement folklorique. Notons aussi qu’il y’a certaines qui le font toujours dans les règles de leur culture, surtout les Halpular. A mon avis, c’est du gaspillage. En plus, c’est une pratique qui n’est nullement nécessaire dans la mesure où c’est pas inscrit dans la religion. Et avec cette tendance, le henné time demande trop de frais inutiles : tu fais appel à des bongomans, payes la décoration, une bâche, un photographe, la personne qui applique le henné. Vraiment, cette pratique est à revoir, aller même jusqu’à conscientiser les jeunes filles », s’explique Mariama.

L’aspect budget devient l’équation des hommes. Ces derniers ne comprennent pas l’engouement que leurs prétendantes ont cette tendance.

MaSèye est célibataire. Ce bijoutier compte vraiment se marier après le Ramadan. Mais cette tendance du henné time hante le sommeil du bijoutier. « J’ai peur de donner une dot qui puisse payer un henné time. D’après ce que j’ai vu, le mariage dure 3 jours : le jour du henné time, le jour du mariage proprement dit et le premier jour chez la belle-famille. Un simple bijoutier comme moi qui arrive à peine à joindre les deux bouts sera incapable d’assurer un tel budget », fait savoir MaSèye.

MaSèye est un parmi les hommes qui trouvent insensée la tendance du henné time par certaines mariées.