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Femmes divorcées, femmes martyres Difficile de remonter la pente

Société-Les femmes divorcées martyres de leur statut

Seules les plus courageuses

surmontent les péripéties de la vie

Des relations sont faites à vie, d’autres deviennent des rescapés d’un mariage poison. Mais dans notre société, une séparation ne doit pas survenir. Les femmes sont condamnées à rester dans un mariage quoi qu’il advienne. Dans un mariage toxique, elle doit tout supporter : il est hors de question de quitter le foyer conjugal pour divorcer. Tous les yeux sont braqués sur toi. Tes faits et gestes sont visionnés et rapportés. Les portes d’une vie normale se ferment et laissent l’occasion aux vicieux de vous enfoncer dans un monde de perdition. Certaines parviennent à se relever et refaire leur vie sans y compter les hommes.

Par Khadidiatou GUÈYE Fall,
Cheffe du Desk Société

En Afrique et au Sénégal en particulier, la pression qui pèse sur la femme est énorme. Cette pression commence à l’adolescence : étant célibataire, la société presse la femme à se marier ; après le mariage, la procréation ne doit pas retarder, car la femme risque d’être stigmatisée et d’être traitée de femme infertile. Cette même femme soumise doit accepter les coups bas de la belle-famille, les violences verbales et le caractère de son mari. Quand la situation dans la vie de couple dégénère, seul le divorce est la solution mais la société trouve cela anormale : la femme divorcée ne peut plus occuper la place qu’elle avait dans sa propre famille. Elle est parfois rejetée par son propre sang. Pour des parents, le mariage de leur fille doit être une fin en elle.

Mme Sow vit cette situation depuis 5 ans. Mariée alors qu’elle était encore étudiante à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Madame Sow avait convenu avec son mari émigré de poursuivre les études. Après la naissance de leur fils, madame est restée deux années entières sans recevoir un appel de son mari. Durant ces deux années, elle faisait l’objet de médisance au sein de la belle-famille et supportait tout. Ne pouvant plus tolérer l’abandon de son mari et les propos déplacés venant de la belle-famille, elle décida de rebrousser chemin. Aucune nouvelle de son mari ne lui a donné l’espoir de rester dans son foyer. Elle rentre chez ses parents.
« Les chambres étaient dispatchées entre mes frères et mes sœurs. J’étais obligée de cohabiter avec mes nièces qui avaient une chambre assez grande avec des matelas étalés à même le sol. La journée, je demandais à ma mère de garder mon fils pour que j’aille déposer mon Cv dans les entreprises. La nuit, je me trouvais un petit matelas pour m’y étaler avec mon fils. Mes sœurs qui n’étaient pas encore mariées me montraient que je n’étais pas la bienvenue. Un jour, l’une d’elle m’a même dit : Tu aurais pu rester chez ta belle-famille rek en attendant que nos frères construisent des chambres sur la terrasse. Au moins tu avais une chambre à toi seule, mais ici tu es obligée de t’entasser avec nous alors que nous sommes déjà nombreuses », raconte Madame Sow, les yeux scintillant de larmes.
Elle ajoute que cette situation la motive à aller chercher du travail chaque matin pour ne revenir que le soir.
Depuis qu’elle a obtenu un poste de responsabilité dans une petite entreprise immobilière, elle reçoit plus de considération. Elle participe aux dépenses quotidiennes et assure la scolarité de son fils et celle de sa nièce. Madame déplore le statut brisé des femmes divorcées : « Ça fait mal de voir comment on traite les femmes divorcées dans les maisons, à moins qu’elles ne soient indépendantes. Au Sénégal, une femme qui quitte son foyer ne mérite pas de respect. Qu’en est-il de l’homme divorcé ?
Si entre le mari et la femme la vie de couple ne peut plus se faire, la séparation à l’amiable est une solution : chacun mérite de refaire sa vie. Alors pourquoi on manque de respect aux femmes divorcées ? ».
L’air remontée contre les agissements que la société a sur les femmes divorcées, Madame Sow taxe la société sénégalaise d’être la source du divorce et de traumatisme de certaines femmes divorcées surtout qui n’arrivent pas à être économiquement indépendantes, en plus des charges de leurs enfants.

Dans la société sénégalaise aussi, certaines femmes sont vues après le divorce comme des prostituées. Il y a des hommes pernicieux qui n’ont affaire qu’avec les femmes divorcées. Pour eux, ces femmes sont des proies faciles et ils tentent sans retenue de le découvrir.

Thiaba a vécu ce manque de respect notoire à l’égard des femmes. D’une forme gracieuse, Thiaba ne laisse aucun homme indifférent avec sa démarche nonchalante. Mère de deux petites filles, elle a divorcé pour se sauver des violences conjugales. Elle explique l’origine de son divorce avant d’aborder les propositions qui s’offrent à elle : « Je me battais tout le temps avec mon mari à cause de ses sœurs qui me prenaient pour leur esclave. Pour éviter que mes enfants grandissent au milieu des tensions, j’ai demandé le divorce pour vivre une vie sereine avec mes filles. Dieu merci, je n’ai pas été rejetée par ma famille ; au contraire, mes frères m’ont soutenue et ont pris la charge les frais de scolarité de mes deux filles qui sont dans une école privée. Mon plus jeune frère m’a aidé à ouvrir une mercerie et je m’en sors bien. Mais c’est comme si les hommes avaient mon flaire : ils viennent chaque jour dans mon magasin pour faire des propositions salaces qui me mettent hors de moi. C’est comme si on leur disait que je veux une partie de jambes en l’air. Je vous jure que depuis mon divorce je n’ai plus confiance aux hommes, leur présence me dérange même. Je ne suis pas la seule ; ils courent après toutes les femmes divorcées pour se satisfaire ».
Thiaba précise que si des hommes ont le courage de venir l’aborder, c’est parce que des femmes divorcées leur ont facilité l’accès.

Mais il n’en manque pas de femmes divorcées encore plus sûres d’elles et prêtes à se concentrer sur leur progéniture et sur leur travail. Veuve pendant plusieurs années avec 4 enfants, Sokhna Awa a fait le deuil de son mari il y a presque 8 ans. Elle n’avait pas encore trouvé un homme digne qui pourrait ressembler à son défunt mari. Sous la pression familiale, elle s’est unie avec un ami de sa famille. Mais le mariage n’aboutit pas à cause des tensions entre sa coépouse. « Je ne voyais pas la sécurité que j’avais à mon premier mariage dans cette union. En tant que chef de famille, mon mari devait me protéger. Mais c’était le contraire, il m’attaquait même quand j’avais raison. Puisque je n’avais rien à gagner ou à perdre dans le mariage à part le faire parce que c’est une recommandation, rien ne me retenait dans ce foyer. J’avais un travail décent et j’étais respectée par tout le monde. J’ai alors rompu avec cet homme. Actuellement, mes enfants me suffisent pour être heureuse et leur avenir compte le plus pour moi vu qu’ils sont orphelins de père : je joue le rôle de père et de mère à la fois », lance Sokhna Awa, âgée de la quarantaine.

Le statut des femmes divorcées au Sénégal est négligé au plus haut niveau. Certaines sont rejetées par leur propre famille et par la société. D’autres reçoivent toutes sortes de propositions de la part des hommes. Les vicissitudes de la vie ne les épargnent pas malgré qu’elles respectent leur religion et optent pour l’indépendance se concentrant sur la réussite de leur progéniture.