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Études-L’abandon en genre et nombre La famille fragilise souvent les ambitions

Abandon des études

Les motifs varient

de l’homme à la femme

La passion et la charge familiale fragilisent l’ambition d’étudier

Par Khadidiatou GUÉYE Fall,
Cheffe du Desk Société

Au Sénégal, l’école française détient une place importante. Mais après une certaine durée, les élèves quittent l’école pour s’adonner à d’autres activités : certains prétextent un bas niveau pour ne pas pouvoir exceller, d’autres donnent des raisons sans logique. Le plus souvent la classe de CM2 marque l’étape d’abandon. Pour les filles, les motifs sont dénombrables et compréhensibles dans certains cas. Plusieurs paramètres entrent en jeu quand la décision de quitter l’école se présente.

 

Parmi les parents et grands-parents, rares sont ceux qui ont été sauvés de l’abandon des études : la majorité a renoncé aux études dès l’école primaire avec un faible niveau. Le sexe le plus présent parmi eux est le féminin, sans pour autant sous-estimer le nombre de garçons qui délaissent les études.
En effet, du côté des filles, l’abandon peut s’expliquer : le sexe faible ne pouvant pas endosser la charge familiale, les filles étaient souvent motivées à rester à la maison pour s’occuper des tâches ménagères. Sokhna Laly Diop donne l’exemple d’une fille qui a très tôt abandonné les études pour se consacrer aux travaux domestiques.

Du haut de ses talons avec sa mise de femme émancipée, Sokhna Laly donne l’apparence d’une femme instruite et professionnelle. Elle raconte comment elle a quitté l’école pour une raison qu’elle trouvait valable mais qu’elle considère maintenant comme inconsciente : « J’ai étudié à Yeumbeul. À l’époque, je vivais avec ma mère, mes frères et sœurs. Mais j’avais une grande-sœur qui s’était mariée et qui n’habitait pas loin de mon école. À l’heure de la récréation, je courais chez elle pour l’aider sur les tâches ménagères d’autant plus qu’elle était dans une grande maison familiale. Sans voir l’heure passer, je me concentrais sur comment aider ma sœur à préparer le repas et nettoyer la maison. J’y reste jusqu’à 13 heures pour rentrer à la maison. L’après-midi, je reviens en classe avec des explications bidons. À un moment donné, j’étais plus passionnée par l’activité d’aide-ménagère que par les études. Et puisque mes notes n’étaient pas fameuses en classe, je me suis confiée à ma grande-sœur. Avec sa complicité, elle a accepté de me couvrir. Pour que ma mère ne soit au courant de rien, elle a demandé ma garde. Ma mère accepta aussitôt. J’étais passionnée par la cuisine. Par la suite, ma grande-sœur partait gérer son salon de coiffure et moi je m’occupais de la maison. Et jusque-là, je n’ai pas repris les études. Mais au fur et à mesure que je grandissais, je me rendais compte que j’avais commis l’erreur de ma vie. Actuellement, je suis mère de quatre enfants, il m’est impossible de trouver du temps pour apprendre ne serait-ce que comment écrire correctement ».

Sokhna Laly se débrouille bien à l’oral mais l’orthographe lui joue de mauvais tours. « Je sais que si j’avais du temps pour moi, je pourrais m’en sortir. Actuellement je suis une bonne épouse, mère et une artiste culinaire indomptable mais je suis incapable d’écrire une phrase correcte à mon mari qui est un cadre dans une société de la place », regrette Sokhna Laly.

Cette femme de la trentaine se nomme Sophiétou Lô. Comme plusieurs femmes, elle a renoncé à la classe des nobles en CM2. Son cas est différent de celui de Sokhna Laly. Orpheline de père, elle s’est vite responsabilisée pour prêter main-forte à sa mère qui devait endosser les charges de la maison. « J’ai abandonné l’école pour aider ma mère. Cette dernière évoluait dans la transformation du mil et était très sollicitée dans ce domaine. Alors, après le décès de papa, je me suis orientée vers la transformation des céréales et vers le commerce. Malgré que je n’ai pas continué les études à l’école, j’apprenais dans le tas. Je parviens à écrire et à lire correctement sans l’aide de personne. Je ne regrette pas d’avoir abandonné l’école pour venir en aide à ma mère, sauf que mes enfants sont plus cultivés que moi » déplore Sophiétou Lô, femme au foyer.

Ce monsieur s’appelle Oumar. il a abandonné les études à cause de la mauvaise influence de ses amis qui étaient des délinquants mineurs : pour un instant, il a été détourné du droit chemin ; aujourd’hui il est émigré aux États-Unis pour chercher un avenir meilleur. Il explique : « Parfois, les motifs d’abandon des études sont divers : on peut abandonner par manque de moyens, c’est-à-dire que la personne peut être intelligente et aimer ce qu’elle fait mais que sa famille ne dispose pas de ressources financières pour l’aider ».

Le motif d’abandon le plus récurrent chez les hommes, c’est le fait que la famille se trouve dans une situation précaire et qu’ils sentent le devoir de lui venir en aide pour changer les situations financières de la famille. Ils abandonnent les études pour chercher un emploi afin d’avoir des ressources. Dans d’autre cas, les plus constatés chez la femme, elle abandonne les études pour suivre ses passions qui est différentes des études scolaires ; elle fait une formation professionnelle, soit la coiffure, la couture ou le maquillage.