GMT Pile à l'heure

La Ligne du Devoir

Être célibataire vierge à 50 ans: Et s’il suffisait d’aimer ? Chérifa Sadany Ibou-Daba SOW

Le célibat est un statut pas souvent bien vu dans la société sénégalaise,  surtout quand on l’est jusqu’à 50 ans. Binta Mbaye en est pourtant consciente. Elle a souffert des murmures, des ruptures et bien d’autres calomnies. Découvrez comment elle a réussi à vivre à fond en solo.

Apprivoiser la solitude à 50 ans pour une personne qui n’a jamais été mariée parait difficile. Binta Mbaye, à 50 ans, est célibataire. Elle ne s’est pourtant jamais lassée de trouver par tous les moyens un partenaire pour la vie, chaussure à son pied, littéralement. « J’ai passé toute ma jeunesse à rêver et à prier d’avoir un mari. Mon rêve de petite fille ne m’a jamais quitté. Je me voyais mariée à 22 ans comme mes sœurs », avoue-t-elle.

Issue d’une grande famille, Binta en est la cadette. Malgré son âge, elle n’a cessé de prendre soin d’elle par obligation d’abord, ensuite pour faire mordre à l’hameçon. Chez elle aux Parcelles assainies, elle prend soin de tous. Ce qui lui vaut des prières : “ Yalla naga am dieukeur bou bax″, lui souhaite la famille surtout ses frères. Qui la raillent souvent lorsqu’elle se fait belle :  ” Xana aladji bi gay séntou ?, ont-ils l’habitude de dire sur un ton taquin.

Ces prières la réconfortent et l’aident à garder la foi. « Je ne l’ai jamais perdue, la foi. Certes, il m’arrivait d’être triste et envieuse. C’est évident : toutes mes nièces se sont mariées. La plus petite a une fille en âge de se marier donc c’est normal que je me sente parfois confuse ou inquiète mais j’ai réussi toujours à surpasser mes émotions et à avoir confiance en Dieu ».

Elle reprend : « Au début, la situation ne me pesait pas. Mais elle a commencé à m’intriguer quand j’ai fêté mais 40 ans. Ce jour-là j’ai souhaité avoir un seul cadeau, une dot », se rappelle-t-elle, en ajoutant : « Ma mère en avait plus souffert. Elle avait pitié de moi : donner en mariage ses six filles et des petites-filles sauf moi la traumatisait. De ce fait, elle a dépensé énormément d’argent chez les marabouts pour qu’ils me viennent en aide. De l’argent, des tissus, même des bijoux en or, elle les avait échangés contre une bouteille d’eau bénite capable de décanter ma situation. Mais à chaque fois, le problème persistait : Dieu n’avait pas encore donné son accord ».

Comment gère-t-elle la situation latente qui perdure ? Est-ce grave d’être célibataire ?

Non ! Mais jusqu’à cinquante ans, alors là, peut-être bien que oui. En effet, le besoin de proximité et de sécurité fait partie de la nature humaine. Plus les années passent, plus la solitude et l’immersion dans nos propres pensées prennent place. Les interjections du monde extérieur nous dérangent. Et si tant de personnes souffrent de vivre seules à 50 ans, Binta Mbaye toujours vierge, fait partie de celle qui ose en parler ouvertement.

« J’ai fait quelques rencontres réelles qui n’ont jamais abouti et pourtant je ne suis pas exigeante, peut-être un peu trop prudente voire méfiante. Mais ces caractères ne m’empêchaient pas de trouver des prétendants. Jusqu’à 39 ans, j’avais la chance de faire des rencontres. C’est au-delà de cet âge que j’ai réellement commencé à compter sur des mises en relation ».

Quel est votre genre d’homme, si je peux me permettre ? 

Sourire aux lèvres, elle répond avec facilité et fait savoir qu’elle n’a jamais été sélectionneuse. Un bon mari musulman la suffisait « Parce qu’en fait, lorsqu’on est musulman, un vrai croyant, dit-elle, on aura comme référence le Prophète (Saw) pour bien s’occuper de son épouse », fait-elle savoir.

Cordon bleu, coquine et courtoise, Binta Mbaye incarne la règle des trois C. Sur ce côté, elle n’a rien à envier à personne. Elle s’assume et dit être capable de bien gérer un ménage, même à 50 ans, âge qu’on ne lui donne pas à première vue.

« Je me suis toujours mis en confiance. Jamais je n’ai accepté que des regards de l’extérieur me déstabilisent. Même lorsque des amies insinuaient que des djinns m’accompagnent (“dama am Rapp’’) et me conseillaient d’aller me faire soigner : je refusais catégoriquement de les laisser me perturber. Mon seul souci était de recevoir des prétendants à mon âge. Ça me gênait. Pourtant, ils étaient de grands responsables qui savaient comment me rendre visite. Mais intérieurement, j’avais honte de les voir chez moi, bien que j’aie la disponibilité et la liberté de les recevoir. Mais comme je dis souvent, vivre dans la maison familiale n’est pas toujours facile : on ne peut pas y passer inaperçu. Je leur exigeais donc de m’appeler au téléphone au lieu de fréquenter souvent ma maison en présence des enfants. J’imposais et jusqu’à présent mon caractère, je me fais belle, et surtout je vis pleinement, c’est le plus important ».

Binta a certes les épaules larges pour accepter sa situation mais il existe un détail important qu’elle semble omettre : la progéniture. « J’en suis consciente, ma famille aussi, c’est pour cela que ma grande-sœur, celle que j’aide dans son restaurant, m’a donné sa fille quand elle avait un an.  Avoir des enfants à mon âge paraît difficile mais je ne dirais pas impossible car Dieu est le maître des maîtres. J’ai appris l’histoire de Mariama, je suis une fidèle Layenne », ajoute-t-elle.

Pourquoi vous mettez vos phrases à l’imparfait ?

« Parce que je me suis mariée il y’a une semaine deux jours, niarel xaritou djieukeureum » rit-t-elle aux larmes.

Eh bien voilà il suffisait d’y croire !