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Drame à sacré-cœur: Des Sénégalais accusent la dépression Chérifa Sadany Ibou-Daba SOW

Psst, psychologue !

Des Sénégalais ont commencé à s’intéresser à la psychologie depuis ce drame qui s’est déroulé à Sacré-Cœur dimanche passé. Des questions sur la santé mentale de l’être humain ont été inlassivement posées à travers les réseaux sociaux. La polémique va toujours bon train.

Ce n’est pas la première fois que des tragédies de ce genre paniquent la capitale sénégalaise. L’on se souvient encore du colonel des douanes qui a tué sa fille de 6 ans le 25 Août  2020. Encore aujourd’hui, un autre drame social qui fracture la dividende démographique sénégalaise. Une atrocité de ce niveau a suscité un débat chez la population quand un père de famille tue ses trois enfants avant de se donner la mort. Dans ce micro-trottoir, quelques-uns uns ont répondu à la question : « Pourquoi, au Sénégal, ont longtemps été banalisées les maladies psychologiques ? ».

Mody Bâ Thiome, 27 ans donne son point de vue : « Parce que les Sénégalais ne connaissent pas tout simplement la psychologie et son importance pour la société.  Généralement, les personnes qui souffrent de maladies telles que la dépression ou la dépendance affective sont étiquetées de fous rejetés et mal compris.

Dans ce sillage,  il est parfois difficile de faire comprendre aux Sénégalais le véritable problème. »

 Il détaille : « Sans une prise de conscience de leur part, on ne peut vraiment pas espérer grand changement.

Ils sont dans une réalité qui aujourd’hui est devenue indélébile. Pour déprogrammer cela, ça risque de prendre du temps voire même jamais», pense-t-il.

Dans la même logique, Alassane Ndiaye essaye de situer le problème  : « La société sénégalaise est méconnaissable. Nous attendons toujours qu’il y ait une catastrophe pour nous remettre en question ou déceler des manquements. Je l’ai toujours dit : la psychologie n’a jamais été la culture occidentale, c’est une science qui étudie la santé mentale de l’être humain, pas juste la peau blanche. C’est cette mentalité qui nous empoisonne. Et puis,  pourquoi il n’y a jamais d’émissions dans ce sens pour éclairer les Sénégalais sur la psychologie ? Nos télévisions ne font focus que sur la politique et la sexualité. Les plus grandes questions philosophiques, sociologiques, psychologiques ne sont posées que dans des livres et qui sont le plus souvent critiqués avec frénésie. »

Riad Kawar lui n’a pas attendu les télévisions pour sensibiliser. Sur son compte Facebook, il donne de façon détaillée son avis sur l’état dépressif : «  Nous pouvons toutes et tous avoir un petit coup de mou déprimé pour une raison ou pour une autre mais il faut savoir que près d’une personne sur cinq a souffert ou souffrira toujours de dépression il s’agit donc de la première cause d’incapacité dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et du premier facteur de morbidité également. La dépression peut toucher chacun d’entre nous à des degrés de gravité divers. Il est important donc de garder en tête que la dépression, ce n’est pas une phase qui passe tout seul pour une baisse de moral, de tristesse ou de déception. C’est une véritable maladie qu’il ne faut pas minimiser », fait-il savoir.

Dépression et psychologie, est-ce pour les Blancs ?

Mody Bâ Thiom est accablé par ce genre de mentalité, cette pensée infondée : « Attendez ! nous sommes tous des personnes à ce que je sache. Blancs ou noirs, nous avons tous les mêmes sentiments, nous sommes tous animés par la peur, l’amour, la haine et ainsi de suite. Au contraire,  je pense plutôt que la psychologie doit être plus employée par les Noirs qui ignorent complètement cette science qui, en d’autres termes, rassure notre équilibre intérieur. Il faut que le Sénégalais prenne l’habitude de consulter un psy. C’est un geste médicalement humain », dit-il avant de partager ses sentiments sur l’événement dramatique. « C’est tragique et triste, triste de voir des enfants innocents mourir comme ça et un homme qui aurait pu refaire sa vie. Encore une fois les Africains ont toujours du mal à comprendre que faire souffrir une personne a des conséquences internes et très dévastatrices, une trahison peut amener une personne à ce suicider. Ils agissent en mettant leurs intérêts en avant et oublient l’état de l’autre personne qui peut avoir une fin tragique comme celle de ce dimanche. J’ai été peiné ».

Pas plus peiné que ce jeune étudiant à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar qui  constate que les maladies psychologiques  deviennent courantes en Afrique. Adama Hann de son vrai nom, il s’explique : « La majorité de la société pense que c’est seulement ceux qui sont qualifiés de fou (la plupart ils sont “irrécupérables”, on peut dire) qui ont besoin de psy. La détresse psycho-sociale n’est pas prise en compte par nos  habitudes sociales, nos us.

Rappelons que la plupart les “badienes”(tantes) s’occupaient des filles et les “nidjaay” (oncles) jouaient le rôle de psy dans la société d’antan (tout récemment certes) ; mais les familles se sont disloquées pour la plupart et ce sont des amis (des jeunes de la même génération) qui les relèvent à présent. Il faut noter que ces jeunes sont sans expériences. Maintenant,  pour les pro de la psy notre société peine à les reconnaître par réticence,  devant faire une confidence devant une personne étrangère à la famille. Est considéré comme faible celui qui confie ses détresses.

Absence de confiance ou la peur que le psy déballe tout (par manque de professionnalisme) ?

 Le coût de la consultation aussi vu que la plupart de nos compatriotes ne vont à l’hôpital qu’en cas d’urgence », éclaircit-il avant de proposer une solution pour amener les Sénégalais à changer leur manière de percevoir la Psychologie.

« À ceux qui sont réticents,  pour moi,  il faut une sensibilisation de grande envergure de tout un chacun.

Il faut démystifier le travail des psy (les convaincre que ce n’est pas uniquement pour les Blancs) et rendre accessible le coût des consultations.

De plus en plus de personnes manifestent le désir de se faire consulter par un psy mais ils ne savent pas par où est-ce qu’il faut aller et ils ont peurs des coûts de consultations.

Il faut admettre que les réticences peuvent se comprendre puisqu’il n’y a aucune politique dans ce sens,  contrairement aux Blancs. Mais les modes de vies sont presqu’universels maintenant, surtout dans les grandes villes,  et il faut impérativement des psy pour tous ces chagrins et consorts »

« Pour conclure », dit-il, « les cas de suicides, de hara-kiris, d’isolement en cas de retraite sont très présents dans les pays occidentaux, même avec des psy un peu partout.» terminé -t-il par l’ouverture d’une brèche.