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Circulation : la détresse

Circulation

Le Sénégal encore

en détresse…

Par El Hadj Ibrahima NDAW

Les faits sont têtus : depuis le naufrage du bateau le « Joola », l’on ne cesse d’alerter sur l’éventualité de la survenance d’une catastrophe pouvant occasionner beaucoup de pertes en vies humaines. Des citoyens respectables et de bonne moralité, devant l’ampleur des dégâts du « Joola » et la permanence des risques d’accidents, ont écrit et alerté avec des propositions à l’appui. Il faut comprendre que si le gouvernement existe, c’est pour travailler pour le peuple. Ce peuple, à travers certains démembrements, est à écouter attentivement. Ce n’est pas le cas dans le Sénégal d’aujourd’hui.
Je me rappelle particulièrement les réflexions de son Excellence Makhily Gassama, ancien ministre et ancien ambassadeur, qui disait : « Au Sénégal, nous devons faire face au lancinant défi sécuritaire ». Un défi qui nous interpelle depuis le naufrage du Joola. Et dans une belle et poignante lettre adressée aux plus Hautes autorités du pays, il s’en est ému dans cet extrait que je vous livre : « …La disparition, en un jour, en quelques maigres heures, de presque 2.000 de nos compatriotes dont la plupart sont des jeunes, mérite notre attentionhélas, souvent trop distraite. Il est urgent d’en tirer quelque chose d’utile, un bien que nous ne devons qu’à cette catastrophe, mais comment ? Utiliser le 26 septembre de chaque année comme un instrument précieux pour célébrer l’ordre, le geste qui sauve, pour lutter contre le désordre, le geste qui tue, en d’autres termes, faire de cette date la Journée nationale de la sécurité. Elle sera célébrée dans toutes nos régions, dans les villes comme dans les villages, dans nos écoles : des rencontres animées par des spécialistes de la sécurité, par des sociologues, des universitaires, des associations apolitiques, des ONG, des corps comme la Gendarmerie et la Police, des débats dans les médias, des prières dans les mosquées et les églises, etc. Occasion exceptionnelle de faire l’état des lieux, chaque année, en terme de sécurité… ».
Cette journée que préconise l’homme de culture aurait pu déboucher sur un acte fort, produit de toute la Nation, pour préserver notre bien le plus précieux, la vie, en plaidant pour un système de sécurité qui réprime fortement le désordre (un Pacte social consensuel pour la Sécurité). Car les accidents de la circulation, aussi nombreux qu’invraisemblables, causés parfois par des véhicules recouverts de grappes humaines, sous le regard de nos agents de sécurité, laissent parfois pantois. Et dans les familles endeuillées, seul Dieu est pointé du doigt car, pour tous, tout a obéi à la « volonté divine ». Quand serons-nous véritablement responsables de nos actes ? Que couvent les promesses du Paradis et de l’Enfer si nous ne sommes pas responsables de ces actes ?
Le Général Fall, pour sa part, insiste sur la désobéissance légendaire des Sénégalais qui n’aiment pas les règles.
« Dès que les règles sont contraignantes, ils veulent faire autre chose. Nos démons, c’est également notre propension à parler de tout et de rien en réfléchissant et travaillant moins ; on appelle cela faire de la « politique politicienne ».

Je l’admets, au vu de tout ce qui passe, que la politique politicienne est en train de nous déshumaniser progressivement. Toutes les valeurs qui faisaient notre fierté vacillent et si nous n’y prenons garde, vouloir les revivifier risque d’être un vrai travail de Sisyphe. C’est également la théorie de Léopold Sédar Senghor qui soutient que les Sénégalais sont « un peuple fluctuant …, à affectivité volcanique et à réaction immédiate… » qu’il faut gérer comme tel. C’est un trait culturel et les sociologues doivent nous en dire plus.
Je pense aussi, pour ma part, que ce qui vient de se passer à Sikilo à Kaffrine prouve encore une fois que l’État sénégalais n’a pas de mémoire. C’est donc un laxisme terrible qui nous a conduit à ce douloureux drame, même si des interlocuteurs soutiennent que nous avons dans nos archives de droit et de règlements tous les moyens disponibles pour juguler le phénomène. Toujours est-il que le spectacle des bus, des cars rapides nous renvoie toujours l’image insolite des masses humaines agglutinées sur les marchepieds des véhicules bondés à certaines heures de la journée. La relation d’accidents mortels qui jalonnent les routes fait souvent état de l’imprudence de quelques conducteurs ivres de sommeil, d’alcool ou de chanvre. Les passerelles qui surplombent certaines artères, plus que des éléments de sécurité pour les usagers, dressent leur majestueuse et imposante silhouette comme de simples objets d’art. La liste est longue de toutes les imprudences que, quotidiennement, les Sénégalais commettent et qui peuvent être source de tragédie.
Alors, que faut-il faire pour nous éviter ces morts inutiles ?

Une profonde réflexion doit se faire en association avec les segments de la société. Il nous faut un consensus à nul autre pareil. Sensibiliser la société et l’amener à assimiler les notions de morale et d’éthique dans une société organisée. Il faut revoir son rapport quasi-charnel à l’argent et au gain facile.
Les guides religieux qui ont une parcelle d’autorité qui sont des relais importants doivent être impliqués dans ce travail de sensibilisation.
Comme je l’ai déjà dit, « nous implorons tous ceux qui ont une parcelle d’autorité de nous ouvrir les yeux sur les indispensables mesures de sécurité, afin que pareille tragédie en mer, sur terre ou dans les cieux ne se reproduise plus au Sénégal ».