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Assemblée : Applaudissez !

Législatives

Le député sénégalais,

un éternel applaudisseur

Le parti avant la patrie

Les élections législatives sont actuellement sur toutes les langues. Les coalitions dont leurs listes ont été validées ont sillonné le territoire pour battre campagne. Du côté de la population, la mobilisation pour certains meetings a été une réussite. Néanmoins, la procédure du suffrage et l’objet principal pour ces élections restent obscurs chez le peuple. À la rencontre de certains citoyens, le besoin de communiquer davantage sur la fonction du député est plus d’autant fort plus que ce dernier s’accole à une image autre que la bonne.

Par Khadidiatou GUÈYE Fall,
Cheffe du Desk Société

Le rôle d’un député est sans doute relayé dans les débats télévisés. Ceci n’atteint pas la majorité des Sénégalais. Car, des citoyens sénégalais ignorent le rôle qu’un député peut avoir à l’Assemblée.

Ndèye Anta est une dame de la soixantaine, retrouvée dans un salon de coiffure en train de se tresser. Interpelée sur la mission principale des députés à l’Assemblée nationale, elle répond : « Les députés sont élus pour siéger à l’Assemblée nationale en faveur du président de la République ».
La réponse de Ndèye Anta pose la polémique. Car, même ignorant la vraie mission d’un député, elle relate la réalité à l’Assemblée nationale.

Avec un rire moqueur, Gnilane, la propriétaire du salon de coiffure, montre par un geste de la main que sa cliente est passée à côté. « Je ne suis pas politicienne mais je sais que les députés sont élus pour le peuple. Il arrive qu’un député soit membre d’un parti politique ou d’une coalition. Mais ce qu’on voit actuellement n’en est rien : au lieu de se battre pour être comme le député élu de sa localité, ils se battent pour arriver à l’Assemblée et représenter leur parti politique » , soutient Gnilane.

L’avis de cette dernière n’est pas à balayer d’un revers de main. La triste réalité est que les représentants du peuple ne défendent plus les intérêts du peuple. L’intérêt du parti dont ils sont membres est hissé en priorité. Chose que cette sage-femme retrouvée chez elle confirme sans prendre parti : « Les députés se battent être le représentant de la localité mais une fois à l’Assemblée nationale, le peuple se retrouve au banc de touche. Personnellement, ce que je vois pour ces élections législatives ne me donne pas la conviction que ce sont ces aspirants qui vont relayer les plaintes de la population. Leur déclaration dans les campagnes, du moins celles que j’ai suivies, ne revêt que d’un intérêt de parti. Il y a un meeting que j’ai suivi sur le net. Le politicien n’a donné aucun programme en prévision. Sa déclaration était axée sur les réalisations qui se sont faites depuis que leur parti est à la tête. À mon avis, ce n’est pas ce qui est convenu pour faire une campagne ; il était question de montrer à la population la capacité à pouvoir défendre les intérêts du peuple, malgré les projets réalisés ». La sage-femme estime que la corruption a surplombé cette période de campagne. « J’ai assisté à pas mal de meetings mais la plupart du temps, on distribuait de l’argent à l’audience. Ceci ne m’encourage pas dans un pays démocratique. Malheureusement pour les citoyens qui acceptent d’être corrompus, ils ne savent pas qui est député, qui peut élire un député, qu’est-ce qu’un député peut faire pour sa localité et quelles sont ses prérogatives. Tout ça par manque de communication. La population dans sa grande majorité ne sait absolument rien de la mission de leur député. Il faudrait qu’on y pense. Même pour le processus électoral, une large campagne de communication devrait être établie pour mettre à jour les Sénégalais, surtout les illettrés », suggère la blouse blanche.

Dans une vidéo partagée sur un site de la place, Doudou Wade explique qui est député. Il précise : «  On entend dire : Le député de telle localité. Ils sont tous des représentants de la Nation. Ils ne doivent représenter que le peuple et non un parti politique ; chaque député doit exercer la souveraineté nationale. Les députés doivent porter la voix du peuple à l’Assemblée nationale. Les plaintes doivent passer par eux pour être discuté à l’Assemblée. Leur statut de représentant du peuple leur a valu une protection appelée immunité parlementaire. Le député est un envoyé du peuple pour transmettre les doléances ; un député doit être véridique ».
Ces éclairages apportés par un ancien président de groupe parlementaire de l’Assemblée nationale ne sont pas conformes avec la réalité, d’après Mouhamed Bâ, un étudiant en Master.
Ce dernier dénonce le laxisme qui sévit au sein de l’Assemblée nationale. « La vidéo où M. Doudou Wade explique la fonction d’un député doit être visionnée par tous les députés sénégalais à la sortie des résultats des élections législatives. Ce qu’il a dit est bien clair : un député doit être véridique, un député doit être un exemple parce qu’il représente le peuple. Contrairement à ceux qu’on voit dans notre Assemblée nationale, les députés sénégalais calomnient devant les caméras sans retenue, Ils se battent pour des intérêts de partis politiques. Parfois, on les aperçoit en train dormir à l’Assemblée sur leur table. C’est catastrophique, parmi des personnes : vous êtes choisi pour rapporter les besoins de la population, vous partez à l’Assemblée pour dormir et à la fin du mois vous recevez vos primes, vos salaires, vos frais de carburant et tant d’autres. Ce n’est pas facile d’être un patriote au vrai sens. Ils ne cherchent qu’à avoir accès à l’Assemblée nationale pour s’enrichir. Les députés sénégalais doivent revoir leur attitude et essayer de se mettre dans la peau du citoyen lambda pour porter la voix du peuple ; c’est ce qu’il nous faut et non des dormeurs et insulteurs à l’hémicycle », fait savoir l’étudiant en Master.

La réputation des députés sénégalais ne fait pas rêver les enfants. Par contre, la faveur que leur octroie l’Assemblée nationale, leur solde et les primes qui s’ensuivent font le rêve de beaucoup de jeunes qui souhaitent faire carrière dans la politique. Caricaturés comme des éternels dormeurs, des vaillants applaudisseurs et des absentéistes accrus, leur mission est souvent fragmentée au profit de l’intérêt personnel et de leur parti politique ; c’est du moins ce qu’affirment nos interlocuteurs.