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Affaire François Mancabou : À en perde la boule Les différentes versions déboussolent

Affaire François Mancabou

Les Sénégalais déboussolés

par les versions venant de tous bords

Certains citoyens discréditent l’innocence du pouvoir

L’affaire des forces spéciales commence à prendre une autre tournure : depuis que François Mancabou, un supposé membre, a retrouvé la mort, les Sénégalais ont une autre image de l’Etat du Sénégal. Le décès de François Mancabou sème le doute et la panique. Les Sénégalais se posent beaucoup de questions : comment  cela est-il arrivé ? À qui la faute ? Est-ce une torture ou un suicide ? Les avis viennent de partout, laissant croire que François Mancabou devait être éliminé. Cet incident plonge certains Sénégalais dans une psychose, ils ont l’impression que le prix à payer pour rester en vie est de garder le silence face à l’injustice. La démocratie et la liberté d’expression sombrent progressivement.

 

Par Khadidiatou GUÈYE Fall,

Cheffe du Desk Société

Âgé de 51 ans, François Mancabou a été arrêté chez lui. Il était supposé être membre des forces spéciales arrêtées après la manifestation du 17 Juin de Yewwi Askan Wi. Surnommé le «Vieux gradé», il a été à l‘Armée en 1993 avant de libérer en 1994. François a servi à la Compagnie des fusiliers commandos de l’Air.

Après sa libération, il avait été rappelé pour servir à la protection défensive des points sensibles et des personnes d’où son compagnonnage avec Cheikh Tidiane Gadio. Il a été le garde du corps de l’ancien ministre des Affaires étrangères sous le régime du président Abdoulaye Wade. Quand Cheikh Tidiane Gadio a créé l’Institut panafricain de stratégie (IPS), il avait désigné François Mancabou comme chef de sa sécurité et son chargé du protocole. Décrit comme patriote, il a toujours fustigé la gestion du pouvoir. Pour certains de nos interlocuteurs, c’est ce patriotisme qui lui a coûté la vie.

Ce quidam marchant avec des béquilles signe qu’il n’a jamais connu François Mancabou jusqu’au moment de la médiatisation de sa garde à vue. ” J’ai suivi toutes les informations sur François avec attention. Les témoignages de ses proches et amis montrent que c’était un amoureux de la patrie. Sa mort sème toujours le doute et cela ne devrait pas être le cas. Depuis, les versions sur sa mort diffèrent l’une de l’autre je n’ai plus confiance en nos autorités. D’ailleurs je n’ai jamais accordé une confiance aveugle à ces hommes du pouvoir. Ce matin, j’ai suivi l’actualité ;  il s’avère que les avocats du défunt n’ont pas été informés de l’autopsie effectuée sur la victime à l’hôpital Idrissa Pouye de Grand-Yoff. Et même le chef de poursuites ne savait pas que l’autopsie a été effectuée à l’insu de la famille Mancabou. Je pense que le mieux pour cette affaire c’était d’accepter un spécialiste choisi par la famille du défunt effectuée l’autopsie “.

Très remonté contre le sort de François Mancabou, notre interlocuteur suppose que le procureur doit laisser le pôle d’avocats de la victime visionner la vidéo de 13 minutes dans laquelle il est dit que François se cognait la tête contre les grilles de la prison. ” Il y a anguille sous roche ; pourquoi ne veulent-ils pas laisser les avocats regarder la vidéo ? En plus, tout le monde sait que François Mancabou n’a pas 13 minutes en garde à vue. Ils doivent montrer toutes les séquences où François était présent. Jusqu’à la preuve du contraire,  les Sénégalais vont maintenir la thèse de l’élimination d’un pion de Yewwi Askan Wi ” laisse-t-il entendre.

Cet internaute demande qu’on sanctionne les personnes qui ont procédé au visionnage de la vidéo autres que les avocats de la défense et les parties civiles. La défense doit avoir l’authenticité de la vidéo d’après lui. “Des sanctions devront tomber. On ne peut pas délibérément violer les règles de procédures pénales sans conséquences. Qui a pris la liberté de montrer cette vidéo ? En dehors des concernés par la procédure (avocats de la famille Mancabou et des parties civiles légalement constituées), personne d’autre ne devrait avoir l’autorisation de voir cette vidéo,  une pièce à conviction. Je suis assez d’accord avec Me Kabou, l’un des avocats, il est légitime de se poser la question de la recevabilité de cette vidéo comme pièce à conviction. Les délégataires de service public de la justice se doivent de faire preuve d’une plus grande rigueur dans le traitement des dossiers “, poste-il.

Contrairement à nos deux interlocuteurs, cette jeune fille notifie qu’elle a beaucoup de regrets pour son pays, mais elle n’ose y aller en profondeur. ” Personne n’a le droit de parler de ses convictions politiques ou de les extérioriser. En tant que citoyen, dans mon for intérieur, je sais ce qu’il en est pour mon pays mais. Je ne peux aller plus loin mais j’ai ma carte pour sanction. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il y a trop de morts injustes, l’événement du mars passé n’est que la partie visible de l’iceberg. Il y a beaucoup de non dits sur les morts de certains détenus, des disparitions, des détenus qui entrent en prison sains mais qui en sortent traumatisés et gravement malades” soutient la jeune fille, l’air un peu réticente.

Les Sénégalais sont désorientés par cette histoire qui accouche de plusieurs versions. Chaque jour, de nouvelles révélations surprennent le peuple. Ce dernier semble arrivé à un moment où la dénonciation demande beaucoup de courage pour ne pas subir le sort de François Mancabou.