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Yoro Lidel Niang cinéaste: D’une intelligence «Mobile » Dossier réalisé par Chérifa Sadany Ibou-Daba SOW

Sélectionné parmi les 14 films en compétition pour le festival Dakarcourt 2021, «La Danse des Béquilles » de Yoro Lidel Niang a remporté le prix de la meilleure interprétation féminine, pour cette quatrième édition du festival initié par Moly Kane.

Pour entrer en contact avec la société, Yoro Lidel Niang s’engage dans le cinéma en tant qu’auteur-réalisateur. En 21 minutes, il a réussi à relater un fait social à travers « La Danse des béquilles». Avec des pop-corns, savourons son portrait !

Inébranlable et pourtant très solidaire, Yoro Lidel Niang a prouvé sa détermination au cours de la quatrième édition du festival DakarCourt. Pendant une semaine, il quittait sa ville, Guédiawaye à ses frais, pour assister, jusqu’à tard dans la nuit, aux activités. L’on se demande d’où lui vient cette détermination.

« Mes parents ne m’ont jamais retenu à la maison malgré mon handicap. J’ai fait le scoutisme à bas âge. J’ai reçu dans ce mouvement une formation de leadershep, de développement personnel citoyen. Oui ! J’ai été scout-éclaireur. Je participais à toutes les activités de ce mouvement dans la brousse avec des enfants “valides”.  Je quittais Guédiawaye, dans les cars rapides, pour aller au rassemblement scoutisme tous les samedis à Grand-Yoff ou au centre polyvalent de Dakar  (à liberté 6)».

En situation de handicap à l’âge de 3 ans, Yoro a été couvé par sa famille. Un frère qui le portait sur ses épaules pour l’amener au cinéma, un père qui faisait de lui son comptable, une maman présente…Suffisant pour mouler sa psychologie d’enfant.

« J’ai vécu une enfance normale. J’allais en colonies de vacances et avais la chance de voyager très tôt en Afrique et en Europe. Ces découvertes m’ont boosté d’ailleurs. En grandissant, j’ai compris ce que voulait mon père lorsqu’il me confiait très tôt autant d’argent à bas âge. Il cherchait à me responsabiliser. Il a réussi »

Le monde des enfants

Marié et père de deux enfants dont une fille de 4 ans qu’il appelle sa secrétaire, Yoro vit dans le monde des enfants. Il n’éduque qu’avec la carotte et favorise la communication. « L’enfant a aussi une personnalité qui se forge à bas âge. Je suis un papa poule et je l’assume. Les gens qui me connaissent savent de quoi je parle» avoue-t-il avec fermeté.

Il a initié le festival du cinéma « Abris des enfants» avec l’appui de la direction cinématographie. Directeur de collectivité éducative, « j’ai un diplôme français et sénégalais en ce domaine », Yoro a réussi avec ses partenaires 4 éditions de festival. « De Guédiawaye, je prenais des enfants pour les emmener visiter le palais de la République, l’Assemblée nationale, le Monuments de la Renaissance africaine. C’ést une formation de découverte et de développement personnel pour ces enfants qui complexent ».

D’une forte mentalité, Yoro Lidel Niang prône le respect, la discipline, le courage, l’humilité et la solidarité. « Je suis très humain. Comme j’ai l’habitude de le dire, je suis avec des gens qui marchent sur terre. Je ne tolère pas l’indiscipline, sinon je pardonne quand je comprends la personne. Mais personne ne me marche dessus parce que je ne suis pas faible. Je sais affronter la réalité. Quand on est une personne en situation d’handicap, on rencontre beaucoup d’obstacles : le regard des autres, les obstacles architecturaux, les barrières…mais heureusement que j’ai compris très tôt que le handicap c’est dans la tête».

Fiche technique

«La Danse des béquilles»

Réalisation: Yoro Lidel Niang

Durée: 21mn 47

Année: 2021

Production: CINECAP

Synopsis :

Penda habite un quartier périphérique de Dakar. Chaque matin, elle rejoint le centre-ville pour mendier. Sa mère attend beaucoup de ce revenu pour faire vivre la famille. Penda aime danser malgré le fait qu’elle soit clouée dans un fauteuil roulant.

Ses béquilles, ses épées !

Abdoulaye Touré, un ami qui a très tôt perçu le dévouement du grand réalisateur, avait l’habitude de comparer ses béquilles à des épées. À bas âge, Yoro Niang aimait déjà les images et avait accès à des appareils numériques grâce à ses parents. En côtoyant un ami étant enfant, Mor Ndiaye, qui faisait du cinéma avec du découpage et des bougies, Yoro ne cessant de fréquenter d’autres artistes, avait tracé son chemin vers le cinéma. Auteur réalisateur du documentaire intitulé “ Vers une société inclusive” produit par Yoni3Pro avec l’appui de la ville de Dakar en 2012, Yoro Lidel Niang intègre en 2019 le programme de formation Up court métrage où il développe son premier court métrage « La Danse des Béquilles » produit par CINEKAP. Un film très engagé, sélectionné parmi les 14 films en compétition pour le festival Dakarcourt 2021, «La Danse des Béquilles » a remporté le prix de la meilleure interprétation féminine, pour cette quatrième édition du festival initié par Moly Kane (Poulin d’Or de Yennenga 2021), président de Cinemarekk et de Dakarcourt (premier festival africain consacré au format court-métrage de fiction). Un succès bien mérité après un travail fait avec passion.

En 2008, il a monté sa boîte de production en réalisant des films de quartier. C’est avec optimisme qu’il épargnait de l’argent pour chercher son chemin dans le monde cinématographique.

Ses  efforts ne sont jamais vains !

La première version du film a été écrite chez lui pendant une période de convalescence après un accident qu’il a eu. Et puis après, le travail a continué à la Place du Souvenir. « Où je restais des heures à compléter les scénarios avec mon premier assistant-réalisateur Salif Cima Cissé.»  Pour lui, il est important de participer au festival qu’il considère comme une vitrine, pour avoir de la visibilité, de montrer son film, de faire des rencontres avec les différents collectifs de cinéma au Sénégal et du monde.

La verve avec laquelle Yoro Lidel Niang explique son objectif épate. D’un ton taquin, il dit vouloir réaliser des films engagés à travers tous les sujets, dans le but de donner son point de vue. Les affaires de “love” semblent inspirer le cinéaste au style de rappeur : T-shirt, jeans, chaussures.

«  S’agissant de mon style, on m’a toujours pris pour un rappeur. Normal puisque j’adore le rap mais j’écoute aussi Youssou Ndour, Ismaïla Lô et Baba Maal».

Puisqu’il faut à un moment ou une autre décliner une profession, Yoro Lidel Niang avance : sportif. Pendant 20 ans, joueur de basket en fauteuil roulant, il est secrétaire général de Handisport et chef de mission Paralympique du Sénégal. Il a amené l’équipe du Sénégal à Tokyo en Août passé.

Gros plan sur ses hobbys

Yoro est un polygame qui raffole de ndambé. Parmi les 7 jours de la semaine, il préfère le lundi. Parce que selon lui, lundi est un jour difficile mais de défi. Le dimanches, il préfère rester avec sa famille et ses enfants. Très assidu, perfectionniste, optimiste, taquin, calme, reconnaissant et engagé, Yoro Lidel Niang est apprécié par tous ses amis venus le soutenir à la soirée de projection de son film dont l’objectif « est de lutter contre les clichés faits sur les personnes à mobilité réduite. « Je n’ai jamais apprécié la pression que certains parents font sur leurs enfants et aller jusqu’à les comparer à d’autres à travers ce concept trop violent “Tekki”.

À travers ce film, Penda démontre que chacun est libre de vivre sa passion et de choisir son métier. Devenez alors des soldats car la vie est un combat qui se gagne par des efforts ».

Un conseil qu’il applique sur lui même, tous les jours.