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Talents Dakarcourt 2021: 30 Jeunes cinéastes en herbe Entretien dirigé par Chérifa Sadany Ibou-Daba SOW

En poursuivant leur rêve de devenir cinéaste, trente jeunes ont été accueillis au Festival Dakarcourt2021. Ils ont été formés à la réalisation, à la production d’une œuvre cinématographique par Augustin Diomaye Ngom, encadreur, auteur sur « Golden», « Walabook» «Sakho et Mangane».

Depuis 4 ans maintenant, 30 jeunes «talents Dakarcourt» sont initiés au métier de Cinéastes. Pouvez-vous expliquer en quoi consiste le projet ?

Augustin Djiomaye Ngom : Dans Dakarcourt, on essaye de promener les jeunes de l’écrit à l’écran autour d’un projet où ils découvrent tous les métiers du cinéma qui rentrent dans la fabrication d’un film. À chaque édition, des jeunes nous viennent des régions et de la sous-régions. Cette année, 7 pays nous ont envoyé des jeunes.

Quel est le profil de sélection pour la formation ?

Certains viennent des différents collectifs de cinéma qui existent comme ciné-banlieue, ciné-Thiès, etc. Pour le profil, nous cherchons juste des jeunes participants à une initiative collective autour du cinéma.

Quel est le niveau d’étude et l’âge imposé pour participer à la formation ?

Pour cette année, il y en a eu un ou deux qui n’ont pas fait l’école. Les autres sont dans le milieu universitaire et sont âgés entre 18 et 29 ans. En effet, il faut savoir que le niveau d’étude n’est pas assez important pour devenir cinéaste ; du coup, nous cherchons un niveau de créativité et surtout, puisque c’est de l’apprentissage, nous cherchons aussi le niveau d’intéressement qui conditionne le recrutement.

Est-ce qu’il y a un suivi après la formation de ces 30 jeunes talents Dakarcourt ?

Évidemment ! En effet, la moitié des jeunes qui géraient l’organisation de ce festival Dakarcourt 2021 sont des anciens talents. Beaucoup d’entre eux aussi découvrent dans le processus du programme Dakarcourt d’autres métiers qui ne sont pas que la réalisation, le scénario et la production. Il y a aussi la régie, c’est-à-dire l’organisation globale. Durant le tournage, il y en a qui se découvrent un maquilleur, en électro-machiniste. Aussi, dans le cadre du suivi, nous regardons d’abord comment récupérer toutes ces compétences, dans le cadre du festival lorsqu’on aura besoin d’eux, mais aussi dans le cadre des productions cinématographiques.

L’année passée, on a eu beaucoup de talents qui ont participé dans le tournage de « La pierre précieuse», un film de Babacar Hanne Dia. Du coup, on essaye vraiment d’avoir un chemin de coopération qui permette que Dakarcourt devienne une passerelle d’insertion et de développement personnel et professionnel.

Rencontrez-vous souvent des difficultés à former les jeunes au cours de ce festival ?

Rien d’extrême ! Mais juste le fait que beaucoup d’entre eux n’aient pas beaucoup de culture générale et de culture cinématographique. Cette pauvreté intellectuelle est liée à la méthodologie d’enseignement qu’on a dans ce pays qui ne pousse pas les jeunes à une recherche intelligente. Nous avons au Sénégal tout un aspect culturel qui empêche les jeunes d’avoir une certaine indépendance intellectuelle. Tout le monde va dans le même sens. La preuve, dans les 30 talents, les 20 veulent devenir réalisateur et ils ne savent pas le définir lorsqu’on leur demande c’est quoi la réalisation. Ils ne savent pas qu’il n’y a pas que ça dans le cinéma. On leur parle de référence cinématographique, ils vous parlent de « Maîtresse d’un homme marié», de «Golden», alors que ce ne sont pas des références cinématographiques.

Le cinéma a en effet pris 100 ans d’existence maintenant. Il a évolué a pris des tournants avec des pionniers qui ont installé une solide fondation dans cette industrie. Mais les jeunes n’en connaissent aucun malheureusement. Même Djibril Diop Mame Betty et Sembène Ousmane, ils en parlent mais de façon superficielle. Dans l’histoire de ce qu’ils veulent faire, le cinéma, aucune recherche profonde n’est faite par les jeunes. Dis donc ! Qui ne sait pas ce qui a été fait ne peut pas savoir ce qui va être fait.

Avez-vous envisagé des solutions face à cette pauvreté intellectuelle dont souffrent les jeunes ?

Ce qu’on peut faire dans la mesure de ce festival, c’est d’abord, en tout cas pour moi, techniquement, la formation commence une semaine avant. C’est d’abord pour ouvrir de nouvelles perspectives avec les jeunes. C’est une semaine où je travaille beaucoup sur le développement personnel, sur les notions de scénariste, scénario, écriture créative, qui est la base de tout projet cinématographique. Je travaille aussi sur la nécessité d’installer ce périmètre terra-fertilo où la réflexion reste prospère. Je me permets dans mes cours de parler de l’homosexualité, de réfléchir sur certaines choses religieuses que tout le monde interprète à sa manière. En réalité aucun cinéaste ne peut faire un film important sur l’homosexualité sans savoir de quoi ça parle. On ne peut pas combattre une chose qu’on ne comprend pas ; donc en tant que formateur qui connaît la logique dans laquelle ma société fonctionne, je me dois d’orienter les jeunes dans la recherche et la documentation.

Avez-vous une méthode pour mentalement préparer le nouveau scénariste à défendre son œuvre devant la société ?

En fait, le jugement est un poids personnel que l’on pose sur soi-même ; c’est la société qui le fait et la société c’est nous, c’est vous, c’est moi. D’habitude, une personne qui refuse le jugement est souvent une personne très libre et très à l’aise par rapport aux choix qu’elle fait. La sensibilisation par contre sur laquelle j’insiste beaucoup, c’est de renforcer le féminisme chez les jeunes parce que c’est quelque chose de vraiment important pour un auteur ou artiste de choisir comment est-ce que son art doit être une proposition dans un lendemain meilleur par rapport à des choses qui sont stéréotypées ou trop clichées et donc de travailler mieux la place de la femme dans leurs récits, dans leurs histoires et de mieux les charger, de mieux les comprendre.

30 jeunes journalistes sont formés en critique du cinéma. Une première édition ! Comment trouvez-vous le nouveau volet inséré dans cette 4e édition de Dakarcourt ?

La première édition de la formation en critique cinématographique est une chose extrêmement importante parce que l’industrie du cinéma n’ayant pas été structurée permet à tout le monde d’y entrer et d’y faire tout ce qu’il veut. C’est donc très intéressant d’insérer cette formation pour permettre aux journalistes de critiquer objectivement. Je vous dis qu’ils vont beaucoup critiquer. En tout cas, vivement cette masse critique qui sera utile pour le cinéma. Nous espérons avoir au moins une petite poignée importante de critiques pour faire bouger les lignes avec des critiques objectives utiles et efficaces capables d’évaluer la qualité des films cinématographiques parce que cette industrie non structurée tend vers une structuration pour très bientôt ; donc il est très important d’anticiper sur ces nouveaux besoins qui devraient exister dans tout l’écosystème cinématographique qui se respecte.