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Statue de la Liberté et Monument de la Renaissance Africaine: Où commence la vie de l’Atlantique, où finit la vie de l’homme ? Par Jean-Michel Seck

Je citerai deux fois le poète Léopold Sédar Senghor :

‘’J’aperçois le faciès de l’Atlantique’’… (avril 1966)

‘’ Un pont de douceur les relie…’’ (1956)

Il est permis de ‘’relier’’ les deux ‘’filets de mots’’–créons l’expression et d’écrire le début d’un poème : ‘’J’aperçois le faciès de l’Atlantique, un pont de douceur les relie… ‘’ : le surréalisme n’est jamais loin et il a fait toutes ses preuves, au Sénégal et sur tous les autres continents hors de l’eau…(un continent a disparu)

Il faut oser relier les mots du poète afin que ‘’rien ne se perde et que tout se transforme…’’

Nous reviendrons à lui,  le poète de la mer, lui le fils de Ngilane qui dort à Bel-Air, face à la mer…

L’Atlantique est un chemin et ce chemin fait d’eau et d’Outre-mer tout se mélange, ce chemin ultra-marin  n’a aucune limite sinon ses propres limites océanes…

L’océan précède le continent : ainsi a commencé la vie près de l’eau, la vie près de l’autre…

La Statue de la Liberté dessinée par Auguste Bartholdi et érigée à New York en 1886 a précédé, dans le temps et dans l’espace,  le Monument de la Renaissance africaine (MRA)  inauguré à Dakar-Ouakam le 03 avril 2010…

L’eau et rien que l’eau sépare ces deux monuments qui ne pourront jamais plus vivre l’un sans l’autre : ‘’un pont de douceur les relie…’’

Le Monument de la Renaissance africaine (MRA) qui annonce l’aube comme la Statue de la Liberté annonce la liberté, la victoire,  le poing levé, celui de Mexico en 1968, le poing ganté des trois médaillés du deux cents mètres explosif des Jeux Olympiques de Mexico gagné par Tommie Smith, les deux monuments sont hymne à l’eau, hymne à l’autre et surtout hymne au soleil…

Une ‘’couronne de soleil’’ tout se transforme trône majestueusement sur la tête de celle qui porte la lumière dans une de ses mains, la main droite : la belle Statue de la Liberté à New York,  à Liberty Island, ‘’New’’ comme nouveau, ‘’New’’ comme recommencement d’une vie, de mille vies, près de l’Atlantique…

Un soleil dardant ses multiples rayons ‘’repose’’ sous le Monument de la Renaissance africaine (MRA) et en constitue la base presque invisible, la réserve inépuisable d’énergie…

Nom commun : soleil…

Nom propre : Atlantique…

Le Soleil et l’Atlantique se font face, ils se regardent  et s’observent par-delà l’océan, et à la fin at the end of the day. Ils se mêlent et s’entremêlent car l’un devient l’autre : le soleil devient océan et l’océan devient soleil même après la tombée de la nuit…

Personne n’y songe jamais sauf le soleil et l’océan : le Monument de la Renaissance africaine (MRA) est d’abord fils ou fille de la Statue de la Liberté qui est posée sur une île, tout un symbole…

Le Roi Bakary (paix à son âme) savait où il se rendait lorsqu’il prit la mer et affronta l’océan des jours et des nuits jusqu’à sa destination finale : l’Amérique, avant Christophe Colomb…(1492)

Qui connaît encore, par cœur, le chemin qui fut emprunté par le Roi Bakary II ; seul le sait encore, après plusieurs siècles, le Pr Pathé Diagne : oui, le Professeur  avait raison, il y a un chemin qui mène de la Renaissance africaine à la Liberté et de la Liberté à la Renaissance africaine ; ce chemin est fait de mille détours, il est fait également de mille tours…

L’histoire bégaie toujours : lorsque la Statue de la Liberté fut dessinée, l’Atlantique existait déjà et les ‘’chemins qui mènent nulle part ‘’ existaient aussi car Heidegger, le philosophe,  sait toujours de quoi il parle…

Le Monument de la Renaissance africaine (MRA) est avant tout un Monument de la liberté retrouvée, ‘’ liberté couleur d’homme’’, ‘’liberté j’écris ton nom…’’ car seul l’homme sait renaître de ses cendres comme le phénix de jadis…

Au moment d’inaugurer la Manufacture des Tapisseries à Thiès, le poète Léopold Sédar Senghor déclara qu’il apercevait déjà le ‘’faciès de l’Atlantique’’ : le poète est toujours ‘’un voyant considérable’’ ; il avait vu, déjà,  au mois d’avril 1966, se dessiner, sous ses yeux, le Monument de la Renaissance africaine (MRA) qui sera érigé,  près de l’Atlantique,  quarante quatre ans après, toute vision est renaissance…

L’acte était posé  et le chemin de l’Atlantique tracé : deux monuments  désormais se regardent en croisant leurs cœurs sans les douleurs passées et oubliées…

Il est minuit au bout de l’Atlantique, il est zéro heure au bout de l’Afrique…

                                                                                                                                             Jean Michel SECK

                                                                                                                                             BP 231