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Sokhna Diarra Bousso: La lumière de Porokhane De notre correspondant à Diourbel, Thierno Hameth BABA

Jadis peu connu, le village de Porokhane ne doit sa notoriété qu’à une femme : Mame Diarra Bousso, la mère du fondateur du Mouridisme, Serigne Touba Khadimou Rassoul.

Accueillant des milliers de fidèles lors de son Magal annuel, ce sanctuaire (le mausolée et le puits) de la sainte femme reste très riche en petits secrets. Sans la connaître, beaucoup de nos enfants portent son nom et en font une référence pour la vie.

Porokhane ! La seule évocation de ce village situé à environ 12 kilomètres de la ville de Nioro dans la région de Kaolack rappelle le nom de Mame Diarra Bousso, celle qui a porté dans ses bras Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur du Mouridisme.

Aux premières heures de cette matinée, sous un temps ensoleillé, la voiture avale rapidement la distance qui sépare Porokhane de Nioro du Rip. Ce jour coïncidant avec le marché hebdomadaire de la localité, des femmes assises tranquillement sur des charrettes tirées par des ânes rallient péniblement la cité religieuse. A ce décor vient s’ajouter le pas pressé des élèves qui, sac au dos ou cahiers à la main, font la course contre la montre pour éviter un retard à l’école.

Au bout d’une dizaine de minutes de route, le fief de Mame Diarra Bousso se dévoile.

Les minarets des mosquées et les cîmes des arbres donnent les premières images des lieux. A cause du marché, l’accès au village devient difficile avec les charrettes, en toute méconnaissance des règles du code de la route, barrant la voie à leur guise.

A Porokhane, boutiques, pharmacies, quincailleries…estampillent fièrement le nom de la mère de Serigne Touba au devant de leurs commerces. Elle fait l’objet d’une haute considération et d’une dévotion de la part des membres de la confrérie mouride.

A sa mort à l’âge de 33 ans en 1886, sa tombe fut érigée en mausolée et inaugurée plus tard en 1984, selon le conservateur du site Bathie Diop.

Ici les couloirs parfumés donnent à l’endroit une dimension hautement divine. Devant le portail, des femmes voilées demandent l’aumône et profitent des largesses des visiteurs. A l’intérieur, quelques fidèles effectuent des prières afin de profiter de la sainteté de ” Borom Porokhane”.

Sokhna Diarra, la sainteté au féminin

De son vrai nom Mariama Bousso, elle a vu le jour en 1833 à Golléré, petite localité du Fouta, au nord-est du Sénégal, aujourd’hui rattachée au département de Podor ; fille de Mouhamed Bousso, elle descend d’une lignée dont l’origine chérifienne attestée remonte jusqu’à l’Imam Hassan, fils de Ali, fils de Abu Talib. De cette ascendance, elle a hérité une piété tellement pure qu’elle a acquis le surnom de Diarriatoul-Lahi c’est-à-dire la voisine de Dieu.

A sa vénérée mère Sokhna Asta Walo, elle doit une très solide formation dans les sciences religieuses (législation islamique, théologie, politesse légale, etc…) et une profonde maîtrise de la pratique du soufisme, science que la plupart des musulmans de la sous-région ignoraient à l’époque.

Mame Diarra apprit le Coran auprès de sa mère Sokhna Asta Walo ; celle-ci fut un professeur émérite en matière d’enseignement coranique et des sciences religieuses. Mame Asta Walo s’était résolue à réciter nuitamment l’intégralité du saint Coran dans ses prières surérogatoires. Cette figure charismatique, qui aura vécu plus de 130 ans, fut à l’origine de la formation sociale et spirituelle de Mame Diarra. Disciple assidue, la jeune fille va appliquer cette bonne éducation à la lettre tout le long de sa courte vie. Elle devient la troisième épouse du marabout Momar Anta Sali Mbacké, père de Serigne Touba.

Serigne Moustapha Bassirou Mbacké, son petit-fils, a écrit à son sujet : ” Malgré le lourd fardeau des travaux domestiques et le service de son époux, Sokhna Diarra savait trouver le temps de s’occuper de l’éducation et de la formation de ses enfants. Elle incarne l’idéal de la femme en Islam, aux yeux des disciples et de beaucoup de musulmans. Sa personne focalise l’ensemble des valeurs culturelles de l’Islam, elle aura contribué à porter au pinacle les valeurs et vertus d’un bon musulman, d’une femme vertueuse “.

Khourou Mbaké et Porokhane, endroits mystiques

L’évocation du nom de Mame Diarra Bousso renvoie immédiatement à Porokhane, alors qu’elle a vécu à Khourou Mbacké. Un détour à Khourou Mbacké, le visiteur peut remarquer la chambre qu’occupait Mame Diarra Bousso qui a été complètement réhabilitée. ” C’est d’ailleurs dans cette localité de Khourou Mbacké qu’elle reçut un jour l’injonction de Mame Mor Anta Sali de lui tenir un pan de la palissade tombante : le temps d’effectuer ses ablutions, il retourna à l’intérieur de la concession. Pris par ses dévotions, il omit la recommandation émise à son épouse. Soumise et obéissante, Diariatoullahi passa une nuit entière sous une pluie diluvienne à attendre son époux, qui s’apprêtant pour la prière de l’aube, la redécouvre debout à la même place, tenant toujours la palissade” confie un dignitaire mouride.

Ce fait historique constitue sans nul doute le bel exemple de dévouement, de stoïcisme, d’abnégation d’une femme pour son époux. Sokhna Diarra ira, en dehors de cet acte suprême de soumission et de respect, jusqu’à dépiécer ses malles pour avoir du bois de chauffe.

C’est à l’occasion de son déplacement de son époux dans le Saloum, sur demande Maba Diakhou Bâ, qu’elle a suivi son époux dans la localité de Porokhane. Une localité liée à son nom pour l’éternité et où elle repose. Sokhna Diarra a vécu à Porokhane jusqu’à sa disparition en 1866 à l’âge de 33ans.

La postérité retient d’elle une femme dévouée et vertueuse. Depuis 1952, Serigne Bassirou Mbacké Khadimou Rassoul qui s’y était installé célébrait le Magal en hommage à Sokhna Diarra. Aujourd’hui, elle compte un nombre important d’homonymes dans le monde, de Dahiras qui s’évertuent à pérenniser son œuvre et ses enseignements. Le magal qui célèbre sa naissance fait partie des événements-phares de la communauté mouride.