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Simb ou faux-lion, un élément de la culture sénégalaise dévalorisé Khadidiatou GUÈYE Fall

La nostalgie n’est plus ce qu’elle était

Étant inclus parmi les éléments essentiels de la culture sénégalaise, le simb ou le jeu de faux-loin est un constituant du patrimoine immatériel sénégalais.

Le simb a fait l’essence de diverses manifestations. Cette pratique tient ses origines de la rencontre entre un homme et un lion, d’après l’histoire. Mais, de nos jours, assister un simb revêt un besoin de se distraire et non d’assister à une séance de désenvoutement.

À l’instar de la lutte, de la danse traditionnelle, le Simb a été l’une des grandes attractions populaires favorites du Sénégal. C’est un événement culturel ou des hommes se déguisent et se maquillent. Le but de l’accoutrement est de ressembler au lion. Appelé aussi faux lion, le simb constitue une animation où les acteurs imitent le lion par une mise en évidence des couleurs rouge et noire. Cette cérémonie qui a tant marqué l’enfance de certains sages a été banalisée par certains.

Dans son essence, la cérémonie du simb consistait à un jeu de faux-lion d’une séance de désenvoutement. D’après certains sites, le mot simb vient du nom d’un célèbre faux-lion appelé simboo. Ce dernier est l’un des lions les plus puissants et terrifiants. La tenue d’une séance de simb nécessitait la présence de téléspectateurs. Cers derniers étaient malmenés par les lions. Ceux qui en souffraient le plus, c’était sont les enfants qui ne disposaient pas de tickets d’entrée pour assister. Car l’animation était organisée, l’achat d’un ticket était exigé pour les téléspectateurs.

À l’origine, le simb était cette coutume et de ces danses aux temps animistes et fétichistes. Cette coutume est en effet antérieure à l’arrivée de l’Islam. De génération en génération, elle a été transmise. À cette époque, les hommes se soumettaient aux esprits. Ceux-ci pouvaient prendre le contrôle d’un individu malgré lui, de façon aussi soudaine qu’imprévisible. Il s’agissait d’une possession.

Une transe au poil

D’après la légende, le jeu de faux lion doit sa raison d’être à un homme qui fut surpris par un lion. Ce dernier réussit à s’extirper des griffes du fauve. Des poils de lion ont commencé sortir de ses pores quand l’habitait la transe au cours des séances qu’il animait. Il se transformait et perdait son aspect humain. C’est ainsi qu’il est devenu un faux lion.

Le simb semait la crainte, d’où son caractère obscur et mythique. Seuls les hommes ancrés dans cette sphère pouvaient dévoiler les secrets qui y règnent. La cérémonie de jeu de faux-lion était non seulement distraction mais renfermait un caractère surnaturel. Par le jat (l’incantation), le faux, débordant d’énergie, pouvait être calmer. Le « jat » est un langage codé mélangé de wolof, de peul et d’arabe. Ce langage que les téléspectateurs décodent à peine fait ressusciter certains lions envoûtés jusqu’en transe. Ceci n’est qu’avant. Aujourd’hui, le simb garde son aspect ludique et laisse errer son aspect mystique et mystérieux.  Avec une rareté constatée, c’est presque difficile de rencontrer une séance de simb dans le pays. Dans la banlieue, seuls quelques jeunes s’amusent à le faire.

Retrouvé dans son milieu de travail, ce jeune âgé de 28 ans s’évertue à nourrir son cheval. De forte corpulence, avec une silhouette effrayante, il tient le cou cheval par la main droite. Dans un endroit assez barbouillé avec les excréments des chevaux, il slalome pour éviter d’écraser un tas avec ses pieds. D’après le voisinage, ce jeune charretier est un faux lion très redoutable à Guédiawaye.

Interpelé sur la question, il nous envoie balader avec son khirr (corde utilisée pour frapper le cheval). Sa réaction pousse un passant à se questionner sur la situation. Mis au courant, il partage avec nous son expérience par rapport au Simb. Sous couvert de l’anonymat, l’homme en tenue de mécanicien s’éloigne un peu du domaine du faux lion pour se confier.

« Je suis né à Pikine, c’est lors d’un déménagement que je suis venu à Guédiawaye. J’ai passé toute mon enfance à Pikine. Et c’était des moments uniques. Le simb était très répandu à notre époque. Parce qu’à l’époque, ce qui nous intéressait, c’était le fait de ne pas avoir du ticket et de se faire chasser par le faux lion. C’était des moments vraiment uniques et les séances avaient lieu pendant la fête de l’indépendance, pour clôturer la fin des grandes vacances ou célébrer la fête de la jeunesse. Maintenant,  le sens même du simb est disloqué. L’animation a pris le dessus sur le rite qu’il constituait. Les faux lions sont plus motivés par la danse et les tam-tams. Ceux qui accompagnaient les faux lions et sensés s’habiller en femmes sont maintenant plus nombreux que les faux lions. En gros, ce n’est plus comme avant où les faux lions ressemblaient à de véritables lions dans la forêt ; on voit plus de faux « faux lions » qui s’intéressent aux danses et autres.

Après quelques recherches, on tombe sur une affirmation prouvant que le simb a changé d’objectif. Il est : « Cette pratique a bien changé de but, car elle est maintenant une manifestation de rue qui est organisée pour animer. C’est souvent une troupe d’hommes dans laquelle il y a 2 ou 3 faux lions aux gens qui font peu et le reste est déguisé en femmes qui gèrent l’animation en dansant et faisant rire le public venu assister à la manifestation en ayant acheté un ticket. Les faux lions font des chorégraphies et poursuivent les enfants en courant pour en attraper quelques-uns qui n’ont pas acheté le ticket, les asperger d’eau pour amuser la galerie. Il y a toujours une ambiance de fou et la cérémonie prend fin le plus souvent à l’appel de la prière du crépuscule ». Cette assertion confirme celle du passant rencontré près du charretier réticent.

Rama Laye est une dame de 25 ans. Elle a eu vent d’un certain faux lion dénommé Sadio. Mais malheureusement, elle n’a jamais assisté à une séance de simb. « J’ai entendu mes grands-frères raconter Sadio ; apparemment c’était un faux lion très populaire » soutient-elle. Mais Rama ne cache pas son envie de découvrir et d’assister à une séance de Simb.

Cela fait 19 ans que Fatou n’a pas assisté à un jeu de faux lion. Elle est nostalgique : « Le jeu de faux lion me manque énormément ;  je me rappelle à l’époque on faisait partie de ceux qui n’achetaient pas de tickets pour se faire chasser par le faux lion. Pour nous, c’était ça la particularité de ce jeu qui fait notre enfance ».

La nostalgie se dessine sur le visage des interlocuteurs. Car depuis un certain temps, cet événement a perdu sa vivacité et son ampleur. Beaucoup de jeunes, surtout de la génération 2000, ignorent ou n’ont pas assisté à un simb. Les zones de la banlieue comme Pikine, Thiaroye, Yeumbeul sont les rares endroits où se tiennent des séances de démonstration des faux lions dépourvus de leur essence d’antan.