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Série de déclarations iconoclastes: Macky prépare-t-il ses “improvisations” ? Mame Gor NGOM, Rédaction centrale Le Devoir

Macky Sall est spécialiste de “perles verbales” qui font date. Le président de la République a, à plusieurs reprises, fait des déclarations souvent improvisées, qui heurtent ou créent la polémique. Est-ce l’effet voulu ? Sall prépare-t-il sérieusement ses improvisations ?

Au détour d’une réponse au syndicaliste Mademba Sock sur la cherté des prix de l’autoroute à péage, le Premier mai dernier, le président de la République a clairement indiqué : “Il y a le péage, mais il y a toujours une alternative. Si vous n’avez pas les moyens d’emprunter l’autoroute à péage, prenez la route de Rufisque”.  C’est comme ça. Si vous voulez rouler vite avec plus de sécurité et éviter les trous et autres, il y a un coût”, ajoute-t-il avant de disserter sur les “immenses efforts” consentis par l’État pour rendre plus accessible l’autoroute à péage aux usagers.

Des déclarations largement mises en exergue et commentées avec souvent des critiques acerbes qui soulignent un manque d’empathie pour les Sénégalais “sans moyens” et une maladresse communicationnelle qui abîme le propos présidentiel.

Une telle perception suite à une sortie de Sall n’est hélas pas inédite.

Les vaccins et les menaces

En mars dernier, alors que le Sénégal à l’image d’autres pays de la sous-région avait été envahi par toutes sortes de fake news notamment sur les réseaux sociaux, conseillant aux populations africaines de se méfier des  vaccins anti-covid-19,  le président Sall, voulant certainement couper court à ces rumeurs, s’y est mal pris : « Si on ne prend pas les vaccins moi je vais les donner à d’autres pays africains »,  avait-il lâché.  Une phrase “préventive” qui suscite encore beaucoup de réactions de Sénégalais médusés par une telle “audace”. Une manière bien singulière de lancer “officiellement” une campagne de vaccination contre une pandémie qui a fait plus de mille morts au Sénégal.

« Nous devions donner l’exemple nous avons donné l’exemple » avait expliqué Macky Sall, avant d’ajouter : « Il faut que les autres suivent : ce serait dommage qu’on ne prenne pas les vaccins ».

Ne pouvait-il pas se passer de la première partie de sa réaction relative aux menaces “de donner le vaccin aux autres pays africains” ? Oui certainement si l’on sait que les menaces, dans un tel contexte anxiogène, produisent des effets dévastateurs pour des populations qui ont plus besoin de réconfort et de sensibilisation. Et pas de mots inattendus loin de panser leurs maux. Comme c’était le cas en mai 2018, quand Macky Sall évoquait la colonisation en des termes peu ordinaires : “Avec la colonisation française, nous avons eu des choses positives, notamment les élections. On a des relations particulières […] et ils ont toujours respecté les Sénégalais parce que le régiment des tirailleurs sénégalais était dans les casernes, ils avaient droit à des desserts pendant que d’autres Africains n’en avaient pas”.

Des propos qui, jusqu’ici, sont souvent évoqués au-delà même du Sénégal tellement ils sortent de l’ordinaire. Ils semblent traduire le sentiment profond d’un président non pas iconoclaste mais qui n’hésite pas à surprendre son auditoire.

Sous le coude, les soldats, le dessert…

Le 31 décembre 2020, ses propos selon lesquels il y a des personnalités de grande envergure au Sénégal qu’on ne peut pas emprisonner pour “préserver la paix” sont aussi à ranger dans les déclarations malheureuses. De même, quand il dit sans sourciller que lui-même chef de l’Etat, a mis certains dossiers judiciaires sous le coude. Et Sall de façon catégorique pour ne pas laisser la place à toute intervention : « Ce n’est pas la première fois que le Sénégal vient au secours des pays amis (…). Le chef suprême des Armées a décidé, un point un trait. Pas de discussion là-dessus. Cela doit être entendu par tout le monde ! », martelait-il en mai 2015. C’était à l’endroit des opposants et de beaucoup de membres de la société civile qui fustigeaient sa décision d’envoyer 2.100 soldats sénégalais en Arabie Saoudite, pays en guerre contre la rébellion chiite au Yémen.

Sans oublier sa fameuse phrase : Je réduirai l’opposition à sa plus simple expression. Des mots qui ne cessent de le poursuivre.

Toutes ces déclarations de Macky Sall ont la particularité d’être improvisées parce qu’il ne s’agit pas de discours bien préparés avec un certain nombre d’exigences et un recul qui évite les bourdes.

Ces coups d’éclat donnent l’impression que le président ne “prépare pas ses improvisations”. Ce qui serait un danger si l’on sait que la “meilleure improvisation est celle qui est bien préparée”.

Ce qui pose encore avec sérieux la communication présidentielle mise à rude épreuve. Il reste à établir la responsabilité des acteurs autour du chef. Sans pour autant absoudre le chef qui est responsable au premier plan.