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Sénégal : La politique de la terre brûlée

Sénégal, Terre De Feu

Juste retour des choses : ça sent le brûlé sous les pieds de Ousmane Sonko personnage non grata dans certaines localités du Sénégal après les événements de Mbacké.

Viendra ? Viendra pas ? L’imbroglio du vendredi 03 mars à Kaolack sur la venue de Ousmane Sonko devrait logiquement amener les Patriotes à réfléchir davantage sur la politique de la terre brûlée qu’ils ont adoptée depuis les tristes événements de mars 2021 : appeler au soulèvement populaire pour ne pas répondre en Cour est d’autant plus de mauvais conseil qu’il est précédé d’imprécations envers certains guides stabilisateurs sociaux qui se sont raidis : l’attaque du domicile du représentant de la famille omarienne en Casamance, le 16 mars dernier, en est un dernier exemple.

Au terrorisme urbain qui rappelle étrangement les événements de la première quinzaine de juin 2022 avec une prétendue armée patriotique, se confondent les agressions, vols, violences et, de l’autre coté, les actes outranciers d’un Etat qui épouse le contour voyou de ceux d’en face.

Cette montée des périls à laquelle tout le monde participe et que tout le monde déplore se justifie par une réduction de l’espace social fait de privations et de prévarications de deniers au nom de populations confinées pour mieux les affamer : un esprit malin demande par exemple moins de prouver les détournements que de retourner in situ étudier le suivi-évaluation des effets Force Covid-19 sur les populations, par exemple, ou des résultats du Prodac sur le vécu des indigents constamment secourus et vivant dans un dénuement extrême, source d’animosité envers le pouvoir et d’entropie sociale : si toutes les études s’accordent à dire que la pauvreté est plus rurale qu’urbaine, son expression la plus achevée s’exprime en ville où sont entassés les instruments de facilitation de la vie. Et encore : le souhait des populations de l’arrière-pays à un plus juste équilibre annihile les timides tentatives de recherche d’équité territoriale lors de manifestations agitées qui se multiplient de plus en plus depuis 2021.

Ce glissement volontaire est aussi sémantique, donc pathologique, lorsqu’une plainte pour diffamation est interprétée dans le futur d’une Présidentielle 2024 sans candidat ; la confusion est d’autant plus facile qu’un pouvoir nommé par solidarité (victimisation) a refusé le jeu démocratique en instituant une suppression systématique de toute force revêche ; à l’inverse, les faits étant sacrés, certains étudiants en journalisme sont perturbés par les discussions dans les groupes de professionnels de l’information dans leurs diverses appréciations du fait : accusation sans fondement, aveu d’un mouvement en un lieu donné.  Ici aussi,  la sacralité du fait journalistique, fait social, se dilue dans une « liberté » d’interprétation des plus hasardeuses. Comme dans le cercle vicieux, gardons le cercle de feu, laissons tomber le vice pour la vertu religieuse.

À cela s’ajoute une stratégie de suicide altruiste à la Max Wéber sous forme de défis à l’autorité, d’une sur-exposition physique qui peut sentir le vinaigre et d’appels à l’insurrection favorable à tous les délits, loin de la sagesse qui a semblé prévaloir entre la fin-juin 2022 et le 2 février 2023. En bon État de droit, le pouvoir devait sévir en préservant l’intégrité physique du prévenu Ousmane Sonko, quitte à le trainer en Cour par la peau du cou. « Au nom de la démocratie », semble justifier le président Macky Sall

Une solution possible pourrait donc être d’isoler Sonko : cela s’est vérifié depuis le 16 février et le 16 mars, forme raccourcie qui rappelle les menaces de l’éloigner de sa base politique par la suspension de sa formation politique. L’hypothèse en avait été évoquée brièvement, le pouvoir n’osant apparemment pas s’aventurer dans cette direction, vieil épouvantail brandi depuis janvier 2021 et remis au gout du jour en fonction des événements (juillet 2022 et mars 2023).

P. MBODJE