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Sam Okyere, l’acteur noir le plus célèbre en Corée du Sud Par Stéphanie ASARE

Connu pour sa décontraction et son sens de l’humour, le Ghanéen Samuel Okyere appelé communément « Sam » a su traverser les cultures et laisser son empreinte dans l’industrie cinématographique de son pays d’adoption, la Corée. Aujourd’hui, le jeune homme de 28 ans utilise sa notoriété pour changer les perceptions sur les Africains et l’Afrique en général, souvent négatives en Asie.

Adolescent, Sam Okyere s’imaginait finir paisiblement ses jours au Ghana, son pays d’origine. Il ne connaissait absolument rien de la Corée du Sud et était même persuadé que la marque Samsung venait tout droit des États-Unis. Mais le destin réserve parfois bien des surprises : comme celle qu’il eut en 2009 lorsque l’ambassade de Corée lui annonça l’obtention d’une bourse pour les sciences et la technologie informatique à l’université de Sogang, un établissement privée situé à Séoul. Sa joie est alors ineffable. Comme il le confie, en février 2017, lors d’un entretien donné à Asian Boss, un média local : «Nous étions des milliers et mes chances d’être accepté étaient minimes mais j’ai saisi cette opportunité qui ne se présente qu’une fois dans une vie ».

Au pays du Matin calme, les premières journées de Sam Okyere sont hélas mouvementées et le plongent dans une réalité à laquelle il n’était pas préparé : celle du racisme. Nul ne s’assied à côté de lui dans les transports publics, les Coréens préfèrent rester debout. Les taxis également ne s’arrêtent pas quand ils le voient.

Des comportements qui reflètent la réticence de certains Sud-Coréens à accepter les étrangers comme faisant partie de leur communauté.

Stéphanie Asare

Afro-optimiste, persuadée que les histoires sont importantes. Car si elles peuvent briser la dignité d’un peuple, elles peuvent aussi réparer cette dignité brisée.
(Chimamanda Ngozi Adichie)

Selon l’enquête World Values, menée entre 2010 et 2014, 34 % des Sud-Coréens verraient d’un mauvais œil le fait d’avoir un voisin étranger et 44 % d’entre eux auraient une vision négative des travailleurs étrangers et des immigrants. Dans le pays, le terme « tuigi», qui signifie « animal issu d’un croisement » est d’ailleurs communément utilisé pour désigner les personnes dont les parents sont d’origine non coréenne.

ÉMISSIONS POPULAIRES

Que faire pour s’intégrer et briser la barrière de la discrimination ?

Sam trouve sa réponse à travers l’apprentissage de la langue coréenne et son appétence pour les médias, notamment la télévision.

Pour se rapprocher des Coréens, il multiplie les passages dans les télévisions.

En 2013, le public coréen découvre pour la première fois Sam Okyere dans l’émission « Island Village Teachers », une télé-réalité où des étrangers sont envoyés sur une île coréenne pour enseigner l’anglais aux enfants et se lier d’amitié avec la population locale. L’émotion est grande, le jeune homme prend alors conscience qu’il n’est pas un simple candidat mais le porte-parole de toute une communauté. Pour celui qui maîtrise le coréen sur le bout des doigts, la télévision devient une vitrine pour déconstruire les stéréotypes locaux sur les personnes noires.

Sam apparaît la même année dans « Hello Councellor », une émission durant laquelle des célébrités écoutent les difficultés de quelques candidats afin d’y apporter une solution. Le jeune homme y partage alors son expérience vécue du racisme dans le métro coréen : un beau jour, alors qu’il tentait de s’assoir sur un siège libre, une femme y pose brusquement ses pieds pour l’en empêcher, elle l’invite ensuite à retourner dans son pays natal. À l’écoute de cette anecdote, le public est profondément gêné. À la suite de cette émission, Sam se fraye un chemin sur le petit écran. Il est repéré pour participer à « Abnormal Summit », une émission qui fait le buzz en Corée du Sud. Les diverses interventions du jeune homme lui permettent de se créer une notoriété et surtout d’œuvrer pour mettre fin au racisme envers les personnes noires.

Dans une certaine mesure, on pourrait répondre que son expérience a porté ses fruits : depuis son ascension, Sam a poussé des portes qui étaient jusque-là fermées aux Noirs. En avril 2014, on a pu le voir dans le prestigieux magazine « Vogue Korea ». En 2016, il apparaît sur les grands écrans dans Intimate Enemies. Réalisé par Im Sang-Soo, ce film dépeint pour la première fois dans le cinéma coréen un couple afro-asiatique : Sam Okyere y joue le rôle de Yakubu, un expatrié ghanéen vivant en Corée, marié à une femme coréenne. Enfin, en 2017, Samuel est cité parmi les personnalités de moins de 30 ans les plus influentes d’Asie, une première pour un Africain en Corée.

En plus de sa carrière d’acteur, Sam détient aujourd’hui un bar à jus de fruits bio dans le quartier des affaires de Pangyo, à Seongnam, près de Séoul. Son visage fait partie du paysage audiovisuel local. Les Coréens disent qu’il est plus populaire que Justin Bieber dans le pays, d’autres le comparent même à l’acteur Will Smith. Et aucune de ses sorties ne passe inaperçue. Les Coréens l’ont définitivement adopté.