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« Rebeuss », forteresse carcérale

« Rebeuss »,
forteresse carcérale

La chronique de notre correspondant en France

Son nom suscite beaucoup de curiosité, d’interrogations et d’effroi, mais aussi de profonds souvenirs pour ceux-là qui, comme moi, ont eu à voyager dans cet univers carcéral, hors du commun.
Différentes sortes de prisons pullulent à travers le monde.
Les prisons noires ou prisons secrètes « utilisées de façon illégale pour détenir des dissidents au pouvoir » en les mettant au secret. D’autre part, il y a des prisons ouvertes liées aux mesures préventives contre « l’évasion ne résidant pas dans des obstacles matériels » par rapport aux murs, serrures, gardes supplémentaires. De ce fait, on trouve des prisonniers émanant des grands conflits entre États et qui sont détenus jusqu’à la fin de la guerre. Il y a aussi des prisonniers politiques, emprisonnés pour des délits d’opinion ou de croyance.
En effet, comme son nom l’indique, « Rebeuss » n’est pas seulement une prison redoutée semblable au « Camp 22 » de Corée, mais c’est toute une jungle humaine entassée dans ce quartier de Dakar. Cette geôle est composée de nationaux et de beaucoup d’étrangers à qui on a caché le soleil.
D’où on peut noter plusieurs catégories d’établissements pénitentiaires, à savoir les maisons d’arrêt, les centres de détention, les maisons centrales, les centres de semi-liberté et même les centres pénitentiaires et, ceci, dans tous les pays du monde.
Une prison est donc généralement un centre de détention construit par l’État pour amoindrir ou maîtriser les dérives émanant de différentes personnes ayant commis des fautes sanctionnées par la loi. Elle est un lieu d’enfermement par définition, qui sécurise aussi bien les populations dans leur ensemble que les personnes enfermées elles-mêmes.
C’est suivant la gravité des délits que les personnes condamnées sont incarcérées à « Rebeuss », dans le premier, deuxième ou troisième secteur ; tous ceux pour qui on a aménagé un dortoir par petits groupes de quelques-uns à plus de cent bagnards à la fois, attroupés dans des encoignures non peintes, sombres et non stérilisées depuis des lustres, souffrent de manque de d’espace et de liberté.
Il est vrai que dans de tels établissements à zéro (0) étoile, tous les détenus ne sont pas forcément des délinquants. Ceux à qui on a privé la liberté d’aller et venir peuvent être de diverses catégories, dépendant des différents forfaits commis.
À la prison centrale de Dakar dénommée « Rebeuss », on trouve des bandits des grands chemins, des malfrats, des criminels, des faussaires, mais aussi des abusés et des personnes de bonne foi accidentellement arrêtées ou condamnées par manque de preuves pouvant étayer leur non-culpabilité au moment des faits.
Certains détenus dont les dossiers ne sont pas vidés et qui sont sans appel de (re)jugement dorment depuis toujours dans des tribunaux. Ces mêmes dossiers non expédiés dans les affaires courantes souffrent en silence au ministère de la Justice par défaut de défenseurs.
Dans l’univers carcéral, des cellules glauques et sans aération empuantissent l’air fétide d’odeur nauséabonde. La nuit, les vers de terre, les cafards rouges et noirs qui frôlent les lèvres ou le nez des prévenus sont un supplice intenable. C’est pourquoi, au bout de leurs rêveries les plus cauchemardesques, se trouve pour la plupart d’entre eux le regret amer d’être incarcéré.
Mais « Gémir, pleurer, prier est également lâche … », disait Alfred de Vigny dans son apologue en alexandrins : –La mort du loup– !
De vaillants hommes, des marabouts qui ont foi en Dieu et en son Prophète (Sws) et d’autres vrais patriotes politiques ont affronté ces espèces de « chain gang », sans se plaindre. Malheureusement, des babillards et pleutres se sont très vite dégonflés, implorant « le pardon » pour se sortir de ce trépas invivable.
J’ai connu les parloirs où prisonniers et visiteurs s’agrippaient sur des grilles dans une oraison de palabres, de chuchotements et d’éclats en sanglots interminables.
Cet endroit clos comme une nuit sans fin où la lumière est quasi-nulle dégage un taux de chaleur qui avoisine entre 35 et 40 degrés, rendant l’endroit infernal.
Les personnes condamnées à une peine de privation de liberté lourde y souffrent atrocement.
Allez comprendre pourquoi Macky Sall disait jadis au marabout de Touba qu’il ne veut pas aller en prison, parce qu’il a peur de cette dernière. Ceux qui y sont passés donneraient tout l’or du monde pour ne jamais plus y retourner.
Des leaders politiques tombent en syncope dès qu’ils sont enfermés. Pris de peur et de désespoir inattendus, certains bagnards versent de chaudes larmes ou déclarent forfait prétextant des maladies de toutes sortes pour se sortir de taule.

Tidiane SÈNE,
Toulouse