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Pris en défaut sur le plan du Droit, le Sénégal biaise le débat P. MBODJE

La réaction disproportionnée du pouvoir et de ses démembrements à l’arrêt du 28 avril la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) fait d’autant plus mal qu’elle pose en filigrane le recul démocratique observé depuis l’arrivée des libéraux et de leur puîné.

Dans un arrêt rendu le 28 avril, la Cour de justice de la Cedeao a estimé que le système de parrainage adopté pour la présidentielle de 2019 « viole le droit de libre participation aux élections ». Le Sénégal dispose de six mois pour le supprimer.

Karim Wade à la Korité, Gouye Mouride.

La démocratie telle que le comprennent les Occidentaux (régularité des scrutins, liberté de candidatures, candidatures multiples, campagne électorale et possibilité d’alternance-Adam Przeworski, Dimanche 5 décembre 2010, in “Le Courrier international”, Linz J. Juan : « Les contraintes temporelles de la démocratie », in…, p.18).

Or, les acteurs politiques ont dû fait contre mauvaise fortune bon cœur et respecter une loi souveraine votée par l’Assemblée nationale ; celle-ci stipulait que tout candidat était soumis au parrainage, c’est-à-dire que tout postulant à la magistrature suprême devait prouver qu’il pouvait bénéficier de l’appui en amont d’au moins un pour cent de la population du Sénégal en âge de voter.

C’est la loi 2018-22 du 4 février 2018.

Les acteurs politiques ont fait contre mauvaise fortune bon cœur et respecter une loi souveraine votée par l’Assemblée nationale tout en rouspétant contre ce qui apparaît être une régression dans le domaine des droits au Sénégal.

Si la loi reste la loi, ce n’est que les droits du citoyen électeur et éligible qu’elle ne respecte. La nuance est d’autant plus faible qu’elle n’ouvre pas une grande frontière

Intervenu au lendemain ou à la veille d’une autre observation sur les violences imposées aux populations à travers des affaires de justice, l’arrêt du 28 avril la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) renvoyait implicitement ce que disait il n’y guere le comité des Droits de l’Homme de l’Onu sur le dossier de Karim Wade soulevé depuis les tentatives de décrispation nées de la grave crise de mars (Decroix, 25 avril, Igfm)

Comment prendre Karim Meïssa Wade qui exhibait fièrement sa carte d’électeur pour les Municipales de 2009 où il était candidat pour Dakar ait soudain disparu des listes électorales, au nom d’une logique qui en faisait de fait un apatride ?

Le bon sens devrait en effet appeler que l’exclusion de Karim Wade et Khalifa Sall des listes électorales pour les délits et crimes commis viole l’esprit de l’article 25 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme : sans aller jusqu’aux déclarations des organisations internationales de Droits de l’homme, il est simple de retenir que tout individu en âge de voter devrait ipso facto être inscrit sur les listes électorales ; l’exercice du vote peut cependant être soumis à certaines conditions qui nécessitent à intervalles réguliers une révision : décès, changement de statut dûment constatés et attestés administrativement. Sauf que le sens de la logique n’étouffe pas le constituant sénégalais appelé constamment à se dédire selon les vœux du Prince. D’où des piqûres de rappel de nos partenaires au développement loués quand ils se taisent sur nos errements, dénigrés pour violation de notre souveraineté qu’ils financent.

Ainsi, que l’on rappelle à un pays africain où on a voté en premier que « tout citoyen a le droit et la possibilité de prendre part à la direction des affaires publiques et d’accéder, dans des conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques de son pays » devrait inquiéter les auteurs de certaines lois. Et certains exécuteurs zélés qui se font taper sur les doigts parce qu’un ministre n’avait pas le pouvoir de radier un candidat du PDS des listes électorales, “la privation de vote ne pouvant résulter que d’une décision expresse de justice”.

Droit du sol ou liens du sang ?

Revenir sur ces dossiers du compte K2 pose la problématique de la solution de droit à appliquer dans un K comme dans l’autre.

Diluer l’affaire Karim Meïssa Wade dans un cadre global d’amnistie et en faire profiter d’autres aurait plus de valeur symbolique que la singularisation du K pour une révision impossible (édition Le Devoir du 03 mai 2021, page 5).

Le dossier devrait s’apprécier en fonction de la position de la France vis-à-vis d’un citoyen par les liens du sang, le droit du sol et du sang appartenant exclusivement au Sénégal par le père.

L’hypothèse n’est pas nouvelle qui court dans certaines rédactions depuis janvier précisément, mais cette fois-ci de manière persistante, après le tremblement de terre de la Toussaint : avec Karim Wade de retour et aux affaires encore, le tsunami post-tellurique serait complet. Macky Sall serait-il prêt à endosser ce scénario imaginé aussi au pays de Marianne où l’on souhaite régler l’affaire d’un compatriote de sang de par sa mère ?