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Populisme et victimisation dans une affaire judiciaire: La stratégie à double tranchant de Sonko Par Mohamed Bachir DIOP, Rédaction centrale, Le Devoir

Dès lors qu’il fait passer l’affaire de viol qui lui vaut une plainte comme un complot organisé au plus haut sommet de l’Etat, Ousmane Sonko, le leader de Pastef, éveille la méfiance au sein d’une certaine opinion : un complot pour le salir en passant par un salon de massage, n’est-ce pas un peu gros pour un homme politique de sa trempe qui sait parfaitement qu’au vu de sa popularité grandissante, toute erreur peut être exploitée par l’adversaire ? Comment, se sachant surveillé, épié, n’a-t-il pas pu réfréner ses pulsions au point de se laisser surprendre par une plainte pour viol  de la part d’une masseuse ? Cela semble donc un peu naïf de crier au complot après avoir prêté le flanc, et  c’est ce que déplorent nombre de nos compatriotes qui, de la compassion qu’ils éprouvaient pour lui dans un premier temps, sont devenus dubitatifs depuis qu’il multiplie les manœuvres pour ne pas répondre devant la justice des faits qui lui sont reprochés.

Pour attirer la sympathie, il fait intervenir sa mère qui, lors d’une sorte de meeting  improvisé à leur domicile de Ziguinchor, réussit parfaitement à attendrir certains grâce à son attitude mère éplorée mais qui soutiendra naturellement son fils jusqu’au bout.

Puis il reçoit les femmes de Pastef à son domicile de Dakar qui se présentent toute voilées et assises par terre comme si elles rendaient visite à leur marabout pour ziar.

Ensuite, il se rend à l’Université Cheikh Anta Diop où il est accueilli en fanfare par les siens tandis qu’il se trouvait d’autres étudiants qui le huaient copieusement.

Au finish il se rend chez ses avocats et laisse entendre que même devant le tribunal il ne répondra à aucune question ni du procureur ni des juges.

De bonne guerre, certes, mais ses moyens de défense présentent des limites. Car, face au silence d’un prévenu, les tribunaux ont plutôt tendance d’entrer en voie de condamnation, surtout s’il est avéré, examens médicaux à l’appui, qu’il y a eu des rapports sexuels entre la plaignante et l’accusé.

Aussi est-il fort hasardeux de reposer ses moyens de défense sur une victimisation à outrance et un populisme de mauvais aloi. Les affaires de viol suscitent toujours de la passion auprès du public avide de révélations croustillantes et c’est sans doute ce que redoute Ousmane Sonko devant la barre où on lui posera sans aucun doute des questions précises sur son intimité. Adopter le silence dans ces conditions pourrait être considéré comme un aveu ou, à tout le moins, un refus de participer à la manifestation de la vérité. Et l’un dans l’autre, c’est un pari risqué pour le leader de Pastef les patriotes.

Le Devoir