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Pétrole et Gaz, quelle place pour les entreprises sénégalaises? La loi sur le contenu local disséquée par Offshore One Par Mohamed Bachir Diop

C’est au cours d’une conférence donnée jeudi 19 novembre dernier à l’hôtel Savana que des spécialistes du pétrole et du gaz ont cerné les contours de ce qu’il est convenu d’appeler le « contenu local » de la loi sur les hydrocarbures. Membres de l’association dénommée Offshore One constituée de 25 acteurs du pétrole et du gaz, ils ont invité comme conférencier un éminent ingénieur planning en la personne de Pierre Dieng qui, riche de son expérience à travers les pays africains producteurs de pétrole et de gaz comme le Nigeria, a mis en exergue les spécificités du contenu local de la loi sur les hydrocarbures.

C’est une loi en date de 2019 qui définit le contenu local de la loi sur les hydrocarbures. Mais si celle-ci a été élaborée méthodiquement, il reste que sur trois décrets d’application, deux seulement ont été signés et le troisième aurait disparu mystérieusement. Même le représentant du ministère, un fonctionnaire rompu à la tâche, ignorait que ce troisième décret d’application n’était pas disponible. Or, quelle que soit la pertinence d’une loi, si elle n’est pas accompagnée de décrets d’applications elle ne peut être opérante. Mais il reste que les autorités ont planché sur la question et que l’Assemblée nationale a voté cette loi le 24 janvier 2019. Que faut-il en retenir ? Que les entreprises sénégalaises sont inquiètes puisqu’il semble que leurs préoccupations n’ont pas été totalement prises en compte, non plus qu’elles n’ont été associées aux prises de décisions et à l’élaboration des textes relatifs à la question.

Pour les spécialistes des hydrocarbures, il faut comprendre par contenu local la « fourniture nationale de biens et services » par les entreprises locales. Car si l’exploration et l’exploitation de ressources en hydrocarbures est l’apanage de majors internationaux, la distribution, le transport et la transformation des produits et des métiers de génie civil devraient faire la part belle aux sociétés de droit sénégalais, en conformité avec les textes sous régionaux comme le code de l’Ohada. Mais les entreprises sénégalaises ont-elles les capacités financières et techniques pour prétendre à des marchés de transport, de transformation ou de génie civil ? Réponse à la normande : ni oui ni non ou, oui et non ! Sauf qu’elles ne sont pas encore sollicitées, notamment dans le transport maritime pour, par exemple, assurer la navette entre le continent et les installations situées en haute mer, transporter des barges ou le personnel de bord…

Cette capacité nationale existe pourtant dans certains secteurs et, pour les autres, elle doit être créée rapidement avant la production des premiers barils de pétrole ou des premiers mètres-cubes de gaz prévue en 2023.

Plus de 250 services pourraient être offerts aux entreprises sénégalaises mais encore faut-il en fixer les pourcentages, définir les certifications exigées par les exploitants pétroliers. Pour ce faire, il est nécessaire d’établir une liste complète des prestataires de services de droit sénégalais, réaliser une « carte industrielle » qui permette d’identifier les unités industrielles capables de produire des biens à forte dose de technologie.

Selon un des participants à la conférence tenue ce jeudi 19 novembre 2020, Jean Michel Seck, la réflexion doit donc être poursuivie par les spécialistes des hydrocarbures, en vue de proposer une cartographie complète des risques attachés aux activités pétrolières (forages, transport, etc..) et à la couverture des risques par les compagnies nationales d’assurances qui devront construire une offre et disposer de compétences distinctives  dans le secteur pétrole et gaz et pousser la réflexion pour élaborer un « tableau économique » du Sénégal qui permette de connaître le tissu industriel et le tissu des services spécialisés à placer en face de la demande des clients.

Il reste donc beaucoup de travail à faire par les spécialistes du pétrole et du gaz avant la production des premiers barils.