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Passé-présent – Mouvement civique: Au début était Ida, un puits de lumière

Si les écrits de cette consœur sur le lynchage des Noirs font autorité, sa psychologie de l’homme blanc atteint dans sa masculinité avec le mariage mixte est d’une autre dimension. Tout, chez Ida Wells, est d’une originalité précoce et déconcertante.

Tenez : elle avait refusé avant Rosa Park, ce qui ne fit pas bruit, encore moins la Une ; affirmée, opiniâtre, elle n’avait pas peur d’être controversée. Elle a suivi une croyance que “la façon de réparer les torts est d’allumer la lumière de la vérité sur eux.”

Ida Bell Wells-Barnett, plus connue sous le nom Ida B. Wells (née à Holly Springs, Mississippi 16 juillet 1862-morte à Chicago, Illinois 25 mars 1931), est une journaliste afro-américaine, rédactrice en chef et avec son mari propriétaire d’un journal. Elle est un chef de file au début du mouvement des droits civiques ; elle a documenté l’ampleur du lynchage aux États-Unis. Elle a également été active dans le mouvement des droits des femmes et le mouvement pour le suffrage féminin.

Ida B. Wells avait seize ans lorsque ses parents et un frère cadet sont décédés de la fièvre jaune en 1878. Alors qu’elle faisait face à leur mort, Ida a également mis au défi les membres de sa famille qui voulaient la séparer de ses cinq frères et sœurs plus jeunes dans des foyers d’accueil. Elle a accepté un poste d’enseignante et, avec le soutien de sa grand-mère, s’est occupée de tous les enfants.

Avec le temps, l’enseignement a évolué vers l’écriture. Ida est devenue journaliste, écrivant sur la ségrégation raciale et les inégalités. Elle était affirmée, opiniâtre, n’avait pas peur d’être controversée. Elle a suivi une croyance que “la façon de réparer les torts est d’allumer la lumière de la vérité sur eux.”

En tant que journaliste, elle verrait son bureau détruit par une foule, sa vie menacée. Elle a dû déménager pour des raisons de sécurité, mais elle a continué à écrire, défiant les normes acceptées avec la vérité. Parmi de nombreux efforts et réalisations, elle s’est battue pour l’égalité raciale et de genre, est devenue co-fondatrice de la NAACP et était mère de quatre enfants avec son mari et deux de son précédent mariage.

Ida sur les rails

L’événement qui conduit Ida B. Wells à avoir une existence publique se produit le 4 mai 1884 sur une ligne de chemin de fer de la Chesapeake and Ohio Railroad Company. Ce jour-là, le conducteur du train lui ordonne d’abandonner sa place dans le compartiment non fumeur pour s’installer dans un de ceux qui étaient réservés aux fumeurs, dans lesquels sont confinés les passagers afro-américains. Profitant des Civil Rights Cases par lesquels la Cour Suprême s’est prononcée contre le Civil Rights Act de 1875, qui garantissait l’égalité civile, plusieurs compagnies ferroviaires du Sud maintenaient ainsi la ségrégation raciale de leurs passagers.

Wells protesta et refusa de quitter son siège, mordant au passage le conducteur qui tentait de la déloger. En ce sens, son refus est antérieur à celui, plus notoire, de Rosa Parks. De retour à Memphis, sa ville de résidence, elle engage immédiatement une procédure judiciaire contre la compagnie ferroviaire. À l’issue du procès, la compagnie fut condamnée à lui verser 500 dollars. La cour suprême du Tennessee cassa cependant ce premier jugement en 1885, condamnant Wells à payer les frais de justice. L’épisode, largement relayé dans la presse lui assure une notoriété locale, et lui permet de faire ses premiers pas de journaliste. Immédiatement après l’incident, elle écrit un article pour The Living Way, un hebdomadaire publié par une église fréquentée par la majorité par la communauté noire. Cette première collaboration avec le journal, qui avait rencontré un large écho, devient une chronique hebdomadaire, signée du nom de plume Iola.

Peu de temps après, elle se voit offrir une position dans un journal local, l’Evening Star. Sa réputation nationale grandit doucement. En 1889, elle devint copropriétaire et éditrice de Free Speech and Headlight, un journal anti-ségrégationniste abrité par l’Église méthodiste de Beale Street à Memphis.

L’assassinat de ses amis pousse Wells à mener un travail d’investigation sur le lynchage pratiqué à l’encontre des Afro-Américains dans le Sud des États-Unis. Après trois mois de recherches, son premier article sur le sujet conclut que l’accusation de viol, souvent avancée comme justification du lynchage, n’est en réalité qu’un prétexte utilisé pour punir les Noirs surpris à avoir des relations sexuelles consenties avec des Blanches.

La réaction à la publication son article est immédiate : le 27 mai 1892, alors que Wells est à Philadelphie, son journal est détruit et son assistant chassé de la ville. Effrayée, elle refuse de retourner à Memphis et s’installe à New York, où le New York Age de Timothy Thomas Fortune accepte de publier ses articles consacrés au lynchage. Elle peut à cette période mesurer ses qualités d’oratrice lorsqu’on lui demande d’intervenir publiquement dans un meeting contre le lynchage. Elle s’affirme dès lors comme l’une des principales protagonistes de la croisade contre le lynchage. Elle organise notamment en compagnie du vétéran de la lutte contre l’esclavage Frederick Douglass un boycott de l’exposition universelle de 1893 à Chicago qui nulle part ne mentionnait l’histoire des Afro-Américains dans les pavillons officiels. Wells, Douglass, Irvine Garland Peen et Ferdinand L. Barnett rédigent à cette occasion un pamphlet distribué à l’entrée de l’exposition : « Les raisons pour lesquelles l’Américain de couleur n’est pas à l’exposition universelle. » (Reasons Why the Colored American Is Not in the World’s Columbian Exposition) détaille le parcours des Noirs depuis leur arrivée en Amérique. Elle confia plus tard à Albion W. Tourgée que 20.000 copies du pamphlet avaient été distribuées.
À l’issue de l’exposition, Wells décide de rester à Chicago et trouve une place dans la rédaction du Chicago Conservator, le plus vieux journal afro-américain de la ville.

Travaux sur le lynchage

Ida B. Wells a publié deux ouvrages sur le lynchage. Southern Horrors : Lynch Law in all its phases est un long pamphlet qui reprend et développe un article paru le 25 juin 1892 dans le New York Age. The Red Record (1892-1894) est d’une autre nature puisqu’il s’appuie sur un travail de compilation statistique.

L’analyse développée par Wells se présente plus largement comme une critique de la masculinité des hommes blancs du Sud. Wells conçoit en effet leur focalisation sur la question du viol des Blanches comme une manifestation de leur insécurité face à l’union consentie des Noirs et des Blanches. Cette obsession est à la fois le produit de leur volonté de contrôler les femmes blanches, dans tous les domaines et plus particulièrement celui de la sexualité, et de leur impuissance à exercer ce contrôle. Mais ses pamphlets s’en prennent également aux femmes blanches, qui préfèrent laisser leurs amants noirs être accusés de viol, et même parfois tués, plutôt que de révéler leur désir pour un homme noir.

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Sources

Ida était une femme Inspirante 💯👸🏿

Wikipedia