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Passé-Présent: Le 61ème bataillon de tirailleurs sénégalais au chemin des dames

« Bataillon Malafosse n’a pas bon, jamais repos, toujours faire la guerre, toujours tuer Noirs »

Si les Français eux-mêmes exprimaient leur burn-out par des blessures volontaires qu’ils s’infligeaient pour quitter le front, d’autres critiquaient les stratégies expliquant les lourdes pertes. Les tirailleurs, eux, refusaient d’être la chair à canon. Certes, ils n’étaient pas les plus nombreux, toutes proportions gardées, mais ils résumaient à la fois la colère de leurs collègues français et la mauvaise tactique dans certains combats de la Première guerre mondiale où les pertes étaient trop lourdes à supporter, moralement surtout. D’où de nombreuses révoltes.

Bastien Dez parle à la mémoire des combattants de ce 61ème Bataillon des Tirailleurs sénégalais morts au chemin des dames, de même que Antoine Prost dans différents ouvrages consacrés à la mutinerie du Chemin des Dame : le sourire Banania se transforme en rictus et, dans un célèbre français bien à eux qui rassure quant au refus de l’assimilation, fuse cette sentence que l’histoire récente doit retenir et enrichir : « Bataillon Malafosse n’a pas bon, jamais repos, toujours faire la guerre, toujours tuer Noirs ».

 « Le 16 avril 1917, les tirailleurs sénégalais sont environ 15.000 dans le secteur du Chemin des Dames, à Hurtebise, Laffaux et Vauxaillon. Le général Nivelle, dans une note écrite, affirme vouloir “ne pas ménager le sang noir pour conserver un peu de sang blanc”. Ils souffrent des conditions climatiques et partent à l’assaut avec des dizaines de kilos sur le dos. Ce ne sont pas des unités rapides et ils avancent vers une mort certaine. Le terrain boueux est jonché de milliers de cadavres de tirailleurs sénégalais. Cette offensive est une scène de cauchemar.

L’offensive est lancée le 16 avril 1917, à 6h. Dès le départ, c’est un échec cuisant. Les hommes sortent des tranchées, montent sur le parapet et sont tout de suite fauchés par les mitrailleuses ennemies qui n’ont pas été atteintes par l’artillerie française. Sur les 15.000 Africains engagés, plus de 7.000 sont morts à la fin des combats dont 1.400 le premier soir.

En 1917, le député du Sénégal Blaise Diagne accusa le général Mangin d’avoir laissé les troupes noires se faire massacrer lors de cette bataille.  La plupart des Tirailleurs sénégalais reposent dans des ossuaires ou des sépultures en France. (France-Info-Fr3, Hauts de France, Publié le 05/04/2017. Mis à jour le 12/06/2020).

De la bataille de la Somme de juillet à août 1916 au second séjour au sommet du plateau en août 1917, l’effort surhumain du 61ème Bataillon de Tirailleurs sénégalais de la 3ème Division d’Infanterie coloniale explique le fort taux de mortalité des tirailleurs sénégalais au chemin des Dames, durant la Première guerre mondiale. De la conquête du saillant Vauxaillon-Laffaux, de la ligne Pinon-Allemant avant de pousser dans la direction de Chavignon, 16 avril 1917 à la relève entre le 8 et le 15 mai 1917, la sollicitation lors de l’attaque du 5 mai explique la beuglante pour la survie de la race. La bravoure dont ils firent preuve nécessitait en effet une meilleure stratégie dans les plans de chefs mal inspirés qui auront d’ailleurs à rendre tristement compte.

Avant d’être engagé au Chemin des Dames en 1917, le 61ème Bataillon de Tirailleurs sénégalais est engagé sur le champ de bataille de la Somme de juillet à août 1916, affecté au 1er Corps d’Armée Colonial de la VIe Armée du général Fayolle.

Après une période de repos, le 1er Corps d’Armée Colonial est rattaché à la VIe Armée du général Mangin.

Lors de l’offensive du Chemin des Dames d’avril 1917, le 1er Corps d’Armée Colonial a pour objectif la conquête du saillant Vauxaillon-Laffaux, de la ligne Pinon-Allemant avant de pousser dans la direction de Chavignon.

Le 16 avril 1917, le 61ème Bataillon de Tirailleurs Sénégalais prend d’assaut le mont des Singes, au sud du canal de l’Ailette, et s’empare de la tranchée de l’Entrepont située au nord de la ferme de Moisy. A 17 heures, il tient la crête du plateau située au nord-est de la ferme. Repoussant l’adversaire lors d’une contre-attaque menée par les Allemands, le 61ème Bataillon de Tirailleurs Sénégalais, fortement éprouvé, ayant combattu sous une tempête de neige et de pluie, reçoit l’ordre de se replier. Cette action est récompensée par une citation à l’ordre du Corps d’Armée Colonial. Le fanion du bataillon reçoit la Croix de Guerre avec étoile de vermeil.

De nouveau sollicité lors de l’attaque du 5 mai 1917, le 61ème Bataillon de Tirailleurs Sénégalais de la 3ème Division d’Infanterie Coloniale atteint une nouvelle fois le sommet du plateau entre la ferme de Moisy et le Bessy. La totalité du 1er Corps d’Armée est ensuite relevé dans sa totalité entre le 8 et le 15 mai 1917.

En août 1917, une mutinerie affecte le 61ème Bataillon de Tirailleurs Sénégalais ; une manifestation de « ras le bol » répondant au cri de désespoir : « Bataillon Malafosse n’a pas bon, jamais repos, toujours faire la guerre, toujours tuer Noirs ».

En 1918, le 61ème Bataillon de Tirailleurs Sénégalais participe à la défense de la ville de Reims et à la bataille de France et reçoit la Fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre après avoir été cité à l’Ordre de l’Armée.

Le 16 avril est commémorée la catastrophique offensive du Chemin des Dames. Dans les semaines qui l’ont suivie, des mutineries avaient éclaté en nombre, qui ont depuis cinquante ans alimenté les querelles historiennes en même temps que les revendications mémorielles.

Quelles en sont les causes ? Que voulaient les mutins ? La répression a-t-elle été particulièrement dure ? La mémoire de l’événement a-t-elle été occultée ? La France est-elle une exception ? (Entretien avec Antoine Prost, lhistoire.fr).

Les mutineries de 1917 désignent généralement la série de révoltes ayant eu lieu au sein de l’Armée française au cours de l’année 1917, pendant la Première Guerre mondiale. Des mutineries ont toutefois eu lieu la même année dans les forces armées d’autres pays.

De nombreux facteurs expliquent cette rébellion française, notamment l’échec humiliant de la bataille du Chemin des Dames au printemps 1917 — offensive dirigée par le général Nivelle qui entraîna environ 200.000 victimes (morts et blessés) côté français. Les conditions de vie effroyables auxquelles devaient faire face les soldats français : le froid, la boue et le déluge d’obus, n’étant que quelques facteurs parmi tant d’autres, eurent également un impact sur l’état d’esprit des troupes. Cette accumulation provoqua une montée de la colère parmi une partie des hommes au front qui décidèrent de se révolter contre l’autorité de l’état-major. Chacun selon sa culture. Même si la punition fut la même partout dans l’empire colonial : l’exécution au bout du fusil.

Orientations bibliographiques

Bastien Dez : Les tirailleurs “sénégalais” au cœur de l’Offensive du Chemin …

http://regards.grandeguerre.free.fr

Antoine Prost. : Mutineries de 1917 : sortir des idées reçues | lhistoire.fr

https://www.lhistoire.fr

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