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Passé-Présent: Lassana Zana Coulibaly, Le chemin de l’honneur a donné Sénéfobougou, l’ancêtre Ndioloffène à Saint-Louis

Très peu a été écrit sur Lassana Zana Coulibaly, d’une famille issue de la vieille noblesse bambara (bamanan) et pourtant, rien que par la descendance, une page d’histoire entière devrait lui être consacrée, fils qui ont fait l’histoire littéraire du Sénégal et politique de la Fédération du Mali.

Homme de courage et d’honneur, Lassana Zana Coulibaly a combattu pour Sikasso et a dû s’exiler devant la victoire des envahisseurs blancs un Premier mai 1898.

L’histoire de Lassana Zana Coulibaly est en effet celle d’un exil, le même qu’il partage avec d’autres, l’exode hommes, femmes, enfants, vieillards et des sofas ou guerriers.

A Saint-Louis où ils se retrouvent après le Fouta, ils fondent un quartier qui deviendra célèbre : Ndiolofène, alors en langue de chez eux, Sénéfobougou, village des Sénoufou, pour conserver les racines.

L’intellectuel et homme politique Insa aurait pu renseigner sur son géniteur, lui l’homme du mois de janvier (17 janvier 1916-22 janvier 1981). Ou alors Alioune Badara ? Ce fils est écrivain, poète, romancier, épistolier et ancien directeur d’école. Mais, surtout, admiré de Léopold Sédar Senghor.

L’encyclopédie renseigne que Lassana Zana Coulibaly, né vers 1870 à Sikasso et mort le 10 juillet 1970 à Saint-Louis, Sénégal, est un dignitaire sénégalais ; les fils aussi préféreront le Sénégal au Mali, en particulier Insa, ami de Modibo Keïta qu’il refusera pourtant de suivre après l’éclatement de la Fédération du Mali. Quant à Alioune Badara, couvé par Senghor, il s’est laissé bercé par le pincement de la kora en conservant toutefois la nostalgie sénoufo.

Sofa (père du cheval), Coulibaly père participe à la défense de la ville, face à l’armée coloniale française. La ville tombe le 1er mai 1898 aux mains des Français. La prise de Sikasso jette sur le chemin de l’exode hommes, femmes, enfants, vieillards et des sofas ou guerriers, rescapés. Il fait partie de ce nombre, de cette horde guerrière qui, au bout de sa longue marche, arrive dans le nord du Sénégal. Après le Fouta, ils s’installent à Saint-Louis du Sénégal et fondent le quartier Sénéfobougou qui sera dénommé Ndiolofène nord par arrêté municipal en date de 1965. Lassana Zana Coulibaly fait partie des fondateurs de ce quartier bambara (bamanan) de Saint-Louis du Sénégal. Il en fut l’un des dignitaires ou Dougoutigui. Son homologue était El Hadj Mademba Diouf, chef de quartier de Ndiolofène.

Il a servi comme chef d’équipe aux Travaux publics Routes de Saint-Louis. D’une grande piété, il comptait parmi ses amis, les érudits : Serigne Babacar Cissé Balacoss, El Hadj Rawane Ngom Mpal, El Hadj Salif Mbengue , Thierno Ousmane Sy père de Mourchid Ahmed Iyane Sy.

Fort avancé en âge, il cède volontairement ses fonctions de Dougoutigui à Moussa Balla Diarra nommé délégué de quartier par les autorités locales.

Il meurt le 10 juillet 1970, à Sénéfobougou.

« Le père mort, les fils lui retournent le champ », dit La Fontaine dans « Le laboureur et ses enfants ».

Une avenue de la ville de Saint-Louis porte son nom ainsi que l’école de Sénéfobougou, le quartier qui l’a vu naître. Insa Coulibaly est le frère aîné de l’écrivain Alioune Badara Coulibaly. Inspecteur de l’enseignement primaire, Insa Coulibaly donna à l’école de son quartier le nom de École Sénéfobougou.

Insa Coulibaly est né le 17 janvier 1916 à Saint-Louis du Sénégal, au quartier Sénéfobougou.

Après ses études coraniques chez le grand marabout Babacar Cissé à Balacoss-Sor, il est inscrit en 1925 à l’école française Victor Duval. En 1927, il continue ses études primaires à l’école primaire de Sor où il réussira ses examens pour être admis au Collège Blanchot en 1930.

En 1933, il entre à l’École normale William Ponty de Gorée qu’il quitte en 1936 en étant le major de sa promotion (1re place pour le Sénégal) et obtenant la 2e place pour la Fédération de l’Afrique-Occidentale française (AOF) après Modibo Keïta. À l’école normale William Ponty de Gorée, il aura pour condisciples Modibo Keïta, Hubert Maga, Hamani Diori, entre autres.

Nommé instituteur, il commence sa carrière d’éducateur à l’école de Sor à Saint-Louis. En 1937, il est appelé sous les drapeaux, suit les pelotons 1 et 2. Il est Sergent et sera libéré sur ce grade en 1938, pour reprendre ses fonctions d’enseignant à l’école de Diourbel. Affecté à Pire en 1939, il est mobilisé le 2 septembre 1939 et envoyé au B.A.M.I.C. de Thiès où il a servi comme Sous-Officier-Instituteur spécial. Il était l’adjoint du Lieutenant Pierroz (Mar Diop, ancien maire de Saint-Louis, était de ce peloton).

En 1958, il est nommé directeur de l’école Ndiolofène à Saint-Louis. En 1959, il reçoit un télégramme de Modibo Keïta, un ancien camarade de promotion de Ponty. Il est nommé Conseiller technique pour la Fédération du Mali.

En janvier 1960, il est nommé directeur de cabinet du président de la Fédération du Mali, Modibo Keïta. Après l’éclatement de la Fédération du Mali, il intègre le corps des Inspecteurs adjoints de l’enseignement. Il sert à l’inspection primaire de Saint-Louis avec M. Bernard. En 1966, il est affecté comme Inspecteur primaire à Louga, puis à Podor, puis de nouveau à Louga. Nommé Inspecteur régional de la Région du Fleuve, il réintègre son ancienne inspection qu’il occupera jusqu’à sa retraite en 1978.

Il mène parallèlement une vie militante à l’UPS, le parti de Léopold Sédar Senghor. Il a été : Adjoint au Maire de Saint-Louis, Secrétaire général de la Section Sor-est de Saint-Louis, Secrétaire général de la Coordination de Saint-Louis. Il a eu à son actif plusieurs distinctions honorifiques tant nationales qu’internationales.

Cette vie militante auprès de Senghor, Alioune Badara Coulibaly la mènera pleinement, sur le plan moral : ce fils de Lassana né évidemment au quartier Sénéfobougou, dans le faubourg de Sor, a été révélé au public par son ami, le chantre de la négritude Léopold Sédar Senghor, avec qui il a entretenu une longue amitié faite d’échanges culturels fructueux. Il a consacré à ce dernier un recueil intitulé Bon anniversaire, Sédar (1996).

Son premier livre de poésie, Sénéfobougou natal (1969), qui devait être publié en France à Limeray, ne voit pas le jour. Après la signature du contrat et la sortie d’un catalogue, l’éditeur français est introuvable malgré les recherches effectuées en 1970-1974 par l’ambassadeur du Sénégal à Paris, son excellence monsieur André Guillabert, sur instruction du poète président Senghor.

Alioune Badara Coulibaly est titulaire d’une maîtrise en administration scolaire (projet PAES/Université Sherbrooke). Il a été successivement directeur d’école à François Salzman et Soukeyna Konaré (Saint-Louis), laissant derrière lui le souvenir d’un chef d’établissement compétent au commerce facile. Il a aussi été producteur d’émissions culturelles à Radio Dunyaa de Saint-Louis (6 août 1999-31 août 2004), vacataire au Centre culturel français de Saint-Louis (2001-2003) Institut culturel et linguistique Jean-Mermoz. Ancien Secrétaire général adjoint de l’Alliance franco-sénégalaise de Saint-Louis (2002). Membre correspondant de l’Académie européenne des sciences, des arts et des lettres (AESAL), mars 2011. Membre d’Amnesty International section de Saint-Louis (avril 2011).

Très attaché à ses parents, il perd son père le 10 juillet 1970 et sa mère fort avancée en âge, le 10 juin 1999. Il leur a consacré de multiples poèmes. Il est le frère cadet de l’intellectuel et homme politique Insa Coulibaly. Une solide amitié le lie à l’écrivain Jean Pierre Fauchoix (Longuenesse) et au poète franco-bulgare Athanase Vantchev de Thracy. Il compte comme ami d’enfance et préfacier attitré, le Professeur Banda Fall, section de français de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. En 1996, paraît son premier recueil de poésie, intitulé Bon anniversaire, Sédar. Ce poème de 32 pages est dédié à son mentor, le poète président Senghor. C’est un poème que le chantre de la Négritude avait lu et apprécié qu’Alioune Badara Coulibaly fait paraître aux éditions Xamal de Saint-Louis, lui rendant hommage pour la célébration de ses 90 ans par l’UNESCO.

Alioune Badara Coulibaly est membre fondateur et président du Cercle des écrivains et poètes de Saint-Louis (CEPS). Cette structure organise la Fête internationale du Livre de Saint-Louis et le Festival international de poésie de Saint-Louis, en partenariat avec une association française, Colères du Présent, basée à Arras dans le Pas-de-Calais. Il est aussi membre de l’UPF (Union des poètes francophones). Alioune Badara Coulibaly a participé au congrès de l’UPF à Avignon (France) en avril 2007.

Il figure dans l’Anthologie 2007-2008 de l’UPF, l’Anthologie Europoésie 2008 et dans diverses revues culturelles francophones. Il est aussi membre de Poetas del Mundo (Poètes du Monde).

ENCADRE

Alioune Badara Coulibaly

Sénéfobougou

Si je pouvais te faire

Revivre Sénéfobougou

Des temps anciens ! Ah !

Les couples heureux

Dans les cases larges

des concessions

Sans frontière,

La visite des Mânes

Quand la terre

Se refroidit.

Sénéfobougou d’autrefois

C’est le djembé gémissant

Sous les mains sèches

De Diara Thié.

Sénéfobougou

Des temps anciens

C’est Siriki et son balafon,

Cheveux en broussaille,

Barbe en bataille.

Des lames tintent,

Des mains habiles dansent

Les baguettes endiablées.

Sénéfobougou des anciens

C’est le serpent qui visite

Coumba quand naît un enfant.

Sénéfobougou de jadis

C’est Diéli Dango

Et son tambourin monocorde.

Sénéfobougou d’antan

C’est la danse du Poro

Les soirs de clair de lune.

Sénéfobougou d’autrefois

C’est la procession du génie

Protecteur, le rythme saccadé

Du djembé, le sol sonore

Assourdi sous des pieds foulants.

Extrait de :

 Chant du soir (1999)