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Passé-présent – Lalla Fatma N’Soumer: La Jeanne d’Arc kabyle

Surnom : Jeanne d’Arc du Djurdjura.
Naissance : 10 juillet 1830 à Ouerdja
Décès : 1863 (à 33 ans) à Tablat (Algérie)
Origine : Kabyle
Années de service : 1849 – 1857 Commandement Imseblen
Conflits : Conquête de l’Algérie par la France
Faits d’armes : Bataille du Haut Sebaou, Bataille du col de Chellata, Bataille d’Aït Aziz
Lalla Fatma N’Soumer (en kabyle : Lalla Faḍma n Sumer), née en 1830 à Ouerdja, en Kabylie,  et morte en 1863 à Tablat, est une figure du mouvement de résistance algérien au cours des premières années de la conquête de l’Algérie par la France.
De 1854 à juillet 1857, elle mène une résistance contre les Français. Capturée par les forces françaises, elle est emprisonnée jusqu’à sa mort six ans plus tard.
Son surnom est composé de Lalla, mot issu du berbère, attribué en tant que titre honorifique ou marque de respect aux femmes en raison de leur âge ou de leur rang, ou désignant une femme sainte ou vénérée, et de Soumer, nom du village à proximité duquel était située la zaouia à laquelle appartenait son lignage, les Sidahmed.
Elle porte aussi le surnom de Lalla N’Ouerdja qui, dans la tradition kabyle, est donné aux jeunes filles qui refusent de se résigner aux usages et aux traditions.
Dévotion et méditation
Lalla Fatma (née Fadhma Si Ahmed Ou Méziane ) naît en 1830 dans le village de Ouerdja, dans l’actuelle commune de Abi Youcef, près d’Aïn El Hammam en Kabylie (Algérie) ; son père est le chef d’une école coranique liée à une zaouïa de la confrérie Rahmaniyya de Sidi M’hamed Bou Qobrine. Elle appartient à la lignée du marabout Ahmed Ou Méziane. Ayant choisi la dévotion et la méditation, Fatma s’impose progressivement dans le monde de la médiation et de la concertation politico-religieuses jusque-là réservées aux hommes. Forte de sa lignée, elle exerce une grande influence sur la société kabyle.
En 1849, Fatma N’Soumer entre dans la résistance et se rallie à Si Mohammed El-Hachemi, un marabout qui participe à l’insurrection du Cheikh Boumaza dans le Dahra en 1847. En 1850, elle soutient le soulèvement du Cherif Boubaghla venu de la région des Babors.
L’assemblée de Soumeur, Tajmaât, autorité politique du village, délègue Lalla fatma et son frère Sidi Tahar, marabouts, pour diriger les Imseblen (volontaires de la mort) venus de nombreux villages de la contrée du Djurdjura tels qu’Aït Itsouregh, Illilten, Aït Iraten, Illoulen u Malou.
En 1854, elle remporte sa première bataille face aux forces françaises à Tazrouk (près de Aïn El Hammam), connue sous le nom de bataille du Haut Sebaou. Elle dure deux mois , de juin à juillet 1854. Les troupes françaises sont vaincues et contraintes de se retirer. Les villages environnants sont toujours indépendants.
Les troupes françaises estimées à 13.000 hommes dirigés par les généraux Mac Mahon et Maissiat sont confrontées à une forte résistance. En 1857, les troupes du maréchal Randon réussissent à occuper Aït Iraten à la suite de la bataille d’Icheriden. Les combats sont féroces, et les pertes françaises considérables.
Fatma forme un noyau de résistance dans le hameau Takhlijt Aït Aatsou, près de Tirourda.
Le 11 juillet 1857, Fatma est arrêtée par le général Youssouf. Elle est conduite au camp du maréchal Randon à Timesguida, et est emprisonnée dans la zaouia d’El-Aissaouia, à Tablat, placée ensuite en résidence surveillée sous la garde de si Tahar ben Mahieddine. Elle y meurt en 1863, à l’âge de 33 ans, éprouvée par son incarcération et affectée par la mort de son frère en 1861. Les chefs, Si Hadj Mohand Amar, Si Seddik Ben Arab, Si El-Djoudi et Sidi Tahar, sont contraints de se rendre.
Sa tombe demeure longtemps un lieu de pèlerinage pour les habitants de la région. Ses cendres sont transférées en 1994 du cimetière de Sidi Abdellah, à 100 mètres de la zaouia Boumâali à Tourtatine, vers le Carré des martyrs du cimetière d’El Alia, à Alger.
Émile Carrey, écrivain, et Alphonse François Bertherand médecin lors de la campagne de Kabylie en 1857, tous deux accompagnant les troupes françaises la décrivent dans une poésie populaire de Kabylie honorant Lalla Fatma N’Soumer :
« Seule la prophétesse, formant disparate avec son peuple, est soignée jusqu’à l’élégance. Malgré son embonpoint exagéré, ses traits sont beaux et expressifs. Le kohl étendu sur ses sourcils et ses cils agrandit ses grands yeux noirs. Elle a du carmin sur les joues, du henné sur les ongles, des tatouages bleuâtres, épars comme des mouches sur son visage et ses bras, ses cheveux noirs soigneusement nattés, s’échappent d’un foulard éclatant, noué à la façon des femmes créoles des Antilles. Des voiles de gaze blanche entourent son col et le bas de son visage, remontant sous sa coiffure comme les voiles de la Rebecca d’Ivanhoé. Ses mains fines et blanches sont chargées de bagues. Elle porte des bracelets, des épingles, des bijoux plus qu’une idole antique».
« Fatma est une espèce d’idole, d’une tête assez belle mais tatouée sur tout le corps et d’un embonpoint tellement prodigieux que quatre hommes ne pouvaient l’aider à marcher….tous les soldats criaient « Place à la reine de Pamar », et faisaient sur son compte mille bonnes ou mauvaises plaisanteries. Le lendemain on lui rendit la liberté mais du moment où elle est entre nos mains, toute résistance cessa ».
L’historien Georges Duby décrit Lalla Fatma N’Soumer comme « la grosse, et volumineuse beauté », la Velléda, prophétesse germanique.
Entre mythe et réalité
Lalla Fatma N’Soumer est issue d’une famille puissante et respectée. Vivant recluse dans sa chambre, elle prie jour et nuit, officie les cérémonies, et s’occupe des pauvres. Appartenant à la confrérie Rahmaniyya, elle est considérée comme prophétesse berbère, ou guide d’une Tarika soufie (mystique musulmane). La venue de troupes légionnaires françaises dans la région, et dominant en maître, le chef Kabyle Cherif Boubaghla embrase la région. Lalla organise l’insurrection en collectant les denrées nécessaires aux insurgés. Petite et massive, elle croit en sa bonne étoile et en son pouvoir céleste. D’après les témoins lors de sa capture, « elle paraît hautaine et arrogante sur le pas de sa porte, et avec un regard presque menaçant, elle écarte les baïonnettes des zouaves français, pour se jeter dans les bras de son frère Mohamed Sidi-Taieb . Son frère, marabout, couvert de cicatrices de guerre, est un guerrier brave, combatif et défenseur des libertés. Il s’engage dans la résistance contre la colonisation des troupes françaises. Consulté comme sage, d’une filiation vénérée et émancipée, appartenant à une famille de marabouts de la tribu des Illilten.
Une statue de Lalla Fatma N’Soumer a été réalisée par Bâaziz Hammache à Tizi-Ldjama At-Bu-Yusef.
Son nom a été donné à un méthanier de gaz naturel liquéfié de la marine marchande algérienne, d’une capacité de 145.000 m3, réceptionné en 2004 à Osaka au Japon.
La vie de Lalla Fatma N’Soumer a fait l’objet d’un film de Belkacem Hadjadj sorti en 2014. Des statues de Lalla Fatma N’Soumer sont exposées en Algérie. Quelques écoles et rues portent son nom en Algérie.
Une rue de Bruxelles porte son nom depuis 2020.

 

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