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Parcours, Thierno fall: De soudeur métallique a pâtissier professionnel

Il suffit de mettre la main à la pâte

Voici un brave jeune homme qui servirait d’exemple à une certaine jeunesse en perdition dans l’éternel refrain de : « Je suis victime de l’incurable chômage de mon pays » …

De son vrai nom Thierno Fall alias « Roi de la Médina », âgé de 31 ans et célibataire, le jeune homme est né en Côte d’Ivoire. Il a passé son adolescence à la Médina, un quartier très populaire de Dakar.

Bien qu’il ait perdu son père dès son plus jeune âge, Thierno n’a sous-estimé aucun métier pour réussir et aider sa famille. De soudeur en passant par journalier dans une usine, il est devenu pâtissier dans un hôtel cinq (5) étoiles.

Ceci, grâce à son courage et sa volonté d’aller de l’avant sans jamais se détourner de son objectif : « Travailler dur pour gagner dignement sa vie à la sueur de son front » !

Études et expériences professionnelles

« J’ai fait mes premiers pas à Keur Mbaye Fall du CI au 6ème secondaire. Puis j’ai arrêté les études.

Après cela, j’ai opté pour être soudeur métallique en 2004.  Par la suite, j’ai abandonné pour suivre une formation en 2014 en pâtisserie et j’ai eu ma première attestation à l’hôtel Africa Queen à Somone. Et j’ai effectué mon premier stage dans un hôtel de la place puis au Lagon 2.

Échecs et les difficultés rencontrées

Mon entrée en sixième fut mon premier échec… Et après, les difficultés, il y en a eu tellement que je ne peux même pas en parler. Je suis du genre à oublier le passé. Je regarde toujours devant moi. Ce qui appartient au passé reste au passé. Le plus important pour moi, c’est l’avenir !

Et dans cet état d’esprit, je ne peux dire que telle ou telle chose me fait mal jusqu’à présent puisque j’oublie ce qui est derrière moi.

Qu’est-ce qui vous a poussé à faire la pâtisserie ?

Avant de me lancer dans la pâtisserie, j’ai été soudeur métallique de 2003 à 2011. Par la suite, je suis tombé malade et j’ai dû abandonner ce métier pour me soigner. Aussitôt après être guéri, je travaillais en tant que journalier dans une usine du nom de Fumoa à Yarakh pendant trois ans.

Ensuite, un de mes cousins qui habite à la Médina m’avait suggéré de rejoindre l’hôtel de son beau-père à Somone pour y faire une formation en pâtisserie. Ainsi, je pourrais avoir mon propre métier une fois de retour à Dakar. Et vu que je ne sous-estime jamais un quelconque projet, quand une personne me propose un travail, j’ai hâte de le faire, car je ne rejette personne. Je me suis alors lancé comme ça dans la pâtisserie.

Je suis dès lors allé à Somone, chez sa femme, pendant quatre mois, en travaillant à l’hôtel, jusqu’à l’obtention de mon attestation. Sa femme étant une très bonne personne, elle m’a mis en rapport avec un cuisinier qui travaillait à l’hôtel et qui a son tour m’a présenté quelqu’un pour qu’il dépose mon dossier dans un hôtel de la place.

Quand j’ai été contacté, j’ai fait un stage d’un an là-bas. Puis j’ai fait un stage d’un mois au Lagon 2. Après ce dernier stage, je suis resté cinq mois sans rien faire. J’ai été recontacté par Radisson pour signer un contrat et depuis 2016 j’y suis.

Parlez-nous de votre métier

A part la pâtisserie, je suis aussi boulanger en même temps et donc polyvalent. Il y en a qui ont eu la chance de faire leur formation à l’école mais moi je l’ai fait directement à l’hôtel. Malgré que j’aie fait ma formation en pâtisserie à l’hôtel Africa Queen à Somone, je peux dire que tout l’expérience que j’ai eue, je l’ai acquise dans cet hôtel 5 étoiles.

Je remercie d’ailleurs au passage chef Ousseynou Diop, qui m’a beaucoup appris (le courage et la rigueur dans ce métier pour s’en sortir) durant les quatre mois que j’ai passés à l’hôtel pour ma formation.

Êtes-vous passionné par la pâtisserie ? Êtes-vous plutôt lent ou rapide dans ce domaine ?

Oui, j’aime beaucoup ce que je fais. Et sans me vanter machallah je suis très rapide quand je travaille, mon entourage professionnel peut en témoigner d’ailleurs.

Si c’était seulement la ponctualité qui mènerait loin une personne, je peux dire que je dépasserai de loin mes pairs, car je travaille tôt et tant que je n’ai pas fini ce que je fais, je ne rentre pas. Je respecte beaucoup mon travail.

Actuellement, je gère tout ce qui est séminaire et pause-café (en pâtisserie) à l’hôtel.

Réussites et plus beaux moments

-Le fait d’être devenu pâtissier fait partie de mes réussites…

-Et l’un des plus beaux moments pour moi, c’est le jour où on m’a nommé meilleur employé du mois, en 2020, dans la structure où je travaille ; ce fut un grand honneur pour moi.

Vie familiale et sociale

J’ai perdu mon père en 1999. Actuellement, je vis avec ma famille (ma mère, mes frères et une de mes sœurs, les autres se sont mariées) et je suis le cadet de ma famille.

Nous sommes tous nés en Côte d’Ivoire et après qu’un de mes frères soit venu au Sénégal, je suis rentré aussi avec ma mère ; nous avons habité à Keur Mbaye Fall jusqu’au décès de mon père, puis nous avons déménagé à la Médina.

Je ne passe pas beaucoup de temps à la maison à cause de mon travail. Je me lève tôt pour aller travailler et je rentre tard… Mais n’empêche, j’ai des amis aussi et on passe beaucoup de temps quand je suis libre.

Comment se passe l’ambiance de travail avec vos supérieurs et vos collègues ?

Le travail en entreprise, je peux dire que c’est facile d’un côté et de l’autre, ça ne l’est pas. Vous savez sans nul doute que travailler dans un hôtel cinq étoiles nécessite un certain comportement correct :  ils sont très exigeants, très stricts, et il faut beaucoup prêter attention à ce que l’on fait.

Quand j’ai été nommé meilleur employé, ça m’a beaucoup marqué franchement. Je peux dire que c’est une récompense bien méritée, sans me vanter car j’ai dû travailler très dur pour en arriver là. C’est pourquoi ce jour-là, j’ai pleuré, mais c’était des larmes de joie.

Je peux dire que mes collègues sont ma deuxième famille, car le temps que je passe avec eux, je ne le passe pas avec ma famille. Ce sont des gens vraiment sympas.

Notre cheffe est une femme très brave et très gentille. Je l’apprécie énormément, de même qu’elle. Elle m’aide beaucoup dans mon travail. Et malgré les relations cordiales que l’on entretient, elle n’hésite pas à sanctionner lorsque je fais des erreurs car elle est très professionnelle. Elle a un grand cœur machallah, mais quand il s’agit de travailler, on se concentre et quand c’est la pause on peut discuter et rire, etc.

Qualités et défauts

-En termes de qualité, je dirai que je m’acharne au travail sans me vanter, j’adore bosser.

-Et mon plus grand défaut : c’est que je m’énerve très vite, mais après ça passe.

But et principes dans la vie 

-Le but que je me suis fixé c’est de réussir et d’être un chef pâtissier.

-Comme principe, je dirai… Ne pas faire aux autres ce que je ne veux pas que l’on me fasse !

Projets

Je projette d’avoir ma propre entreprise, ne pas dépendre seulement de mon travail. Et plus tard créer des emplois avec mon propre business, pourquoi pas ?! C’est ce que j’ai en tête et inchallah je veux le réaliser !

Si vous aviez la possibilité de changer quelque chose dans l’histoire, qu’est-ce que ce serait ?

Ça serait très difficile pour moi de changer quelque chose dans l’histoire, (rires)…

Message à la Jeunesse

Rien n’est facile dans cette vie, il y a des gens qui optent pour la facilité, il y a des gens qui veulent mais qui ne peuvent pas, ils n’ont pas la chance.

Personnellement, je ne crois pas à la chance, parce que je me dis que : le travail est humain ; la chance, elle est divine ! Certes, à chacun son destin mais il faut se lever tôt et aller bosser. On ne peut pas rester sur place sans faire d’efforts, espérant l’aide de qui que ce soit.

Par exemple moi, avant d’avoir un stage, je me levais très tôt et j’avais mon cv en plusieurs copies dans mon sac pour aller déposer partout. Si je décide d’aller en ville ou aux Almadies, j’y passe toute la journée en marchant, je fais le tour des hôtels et restaurants pour déposer mon cv. C’est ainsi que je procédais jusqu’à l’obtention de mon contrat dans cet hôtel 5 étoiles : peut-être que c’est Dieu qui en a voulu ainsi. Et je dis alhamdoulilah !

Alors chère jeunesse, il faut bomber le torse et retrouver goût à la vie ! », Dixit Thierno Fall (alias Roi de la Medina).

Le Devoir