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Ouza, un « Père de la Nation » jamais candidat à rien mais toujours révolutionnaire en diable Par Mohamed Bachir DIOP, Rédaction centrale, Le Devoir

Ouza, le sonneur d’alerte, Ouza le révolutionnaire, Ouza le musicien complet qui joue de plusieurs instruments… Duquel parlera-t-on dans ce texte ? C’est le rebelle qui s’est assagi qui a répondu aux questions de la jeune équipe du Devoir qui est allée à sa rencontre.

Ouza est un musicien de la vieille école qui sait quasiment jouer de tous les instruments. Guitariste, saxophoniste, claviériste, chanteur aux mélodies incomparables, il est aussi compositeur. Mais c’est aussi un homme engagé, un révolutionnaire qui n’a jamais hésité à se mêler de politique lorsque qu’il le croit nécessaire.

Face aux Présidents Senghor et Abdou Diouf, il a été intraitable, dénonçant l’accaparement de la totalité du pouvoir par l’un et déplorant les politiques d’ajustement structurel de l’autre sans complaisance. Il a interpellé Senghor dans une de ses chansons les plus connues de la génération des années ’70 : « Président, suñ nee la reew mi neex na nax nañ la » (Président, si on te dit que le pays va bien on te raconte des histoires).

Porte-parole des sans-voix, Ouza a été un lanceur d’alerte avant la lettre. Il ne mâche pas ses mots, il dit les choses telles qu’elles sont sans fioritures et sans porter des gants, sans langue de bois.

C’est un homme entier qui n’a jamais fui devant aucune difficulté mais c’est surtout le musicien hors-pair et le militant révolutionnaire qu’il convient de saluer ici.

Il s’est formé à l’Ecole nationale des Beaux-Arts de la Côte d’Ivoire, avant de perfectionner sa voix et de se familiariser avec les guitares (basse, solo), le saxophone et les claviers. Après ses diplômes, Ouza sillonnera la plupart des pays ouest-africains pour former et encadrer des ballets et orchestres nationaux. Il a participé à plusieurs festivals euro-américains et à de nombreuses rencontres internationales dans les domaines artistiques et musicaux.

En 1988, lors de la campagne pour l’élection présidentielle, il était aux côtés de maître Abdoulaye Wade dont il animait les meetings dans plusieurs villes du pays en compagnie de celui qui avait organisé ce que l’on avait appelé à l’époque « Le convoi de l’espoir », organisé par Ousmane Samb, ancien président du Conseil régional de Dakar qui, plus tard, rejoindra le camp de Moustapha Niasse. Il se brouillera avec Wade à cause de l’arrogance de son entourage, de la boulimie des responsables libéraux qui s’enrichissaient indûment et de la volonté prêtée à ce dernier de vouloir mettre en selle son fils, Karim. C’est de la même manière qu’il s’était brouillé avec Senghor et Abdou Diouf car il reste intransigeant sur les principes.

Allié de Macky Sall, il n’hésitera guère à lui tourner le dos si ce dernier dévie de son chemin car lui, c’est l’homme du peuple et les thèmes de ses chansons en témoignent largement.

Des titres comme “Bouba”, “Le peuple”, “Le vote”, “Président”, “Le politicien”, “Alternance”, “J’accuse”, “Sunu Continent” (notre continent), “La santé”, “Xessal” (dépigmentation), “Demb” (Hier – sur l’histoire de l’Afrique) … Il est aussi l’auteur du fameux “Thiaroye 44” sont une illustration parfaite de son engagement pour son peuple.

Un hommage retentissant doit lui être rendu de son vivant mais, en attendant, sa fille Adiouza maintient haut le flambeau musical et, peut-être héritera-t-elle de son engagement personnel en faveur des Sénégalais.

Le Devoir