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Ouverture, discrétion, ralliements, apaisement de l’espace politique… Macky Sall, homme de l’année Par Charles SENGHOR, Le Devoir, rédaction centrale

Le président Macky Sall semble avoir retourné la situation politique en sa faveur : bousculé il y a un temps, il a su, à travers des actes posés çà et là, mettre tous les atouts de son côté pour se repositionner. Cela  lui a permis de se donner du répit à travers l’apaisement du champ politique. Et pour ça, nous lui décernons le titre de l’homme de l’année. 

Les contentieux post électoraux de 2019 avaient terriblement entamé l’année 2020. Presque dos au mur, avec les nombreux supposés scandales révélés dont le processus électoral, avec le rejet de nombreuses candidatures, le président Macky Sall a déroulé un plan stratégique : d’abord en initiant un dialogue national, pour inviter les Sénégalais à « regarder résolument vers l’avenir et assumer l’impératif de laisser aux générations futures le Sénégal de notre rêve, un Sénégal où chacun pourra trouver les moyens de vivre décemment et dignement ».

Cette démarche, dont le lancement a été fait le 27 mai 2019, et qui se prolonge toute l’année 2020, a permis de regrouper le Sénégal dans tous ses segments. De la classe politique à la société civile. Tous ont accepté de s’asseoir autour d’une table pour trouver des solutions à ces problèmes notamment politiques qui avaient fini de tacher l’image du Sénégal.

Ce dialogue, même s’il continue de faire couler de la salive, a conduit à des consensus forts autour de 25 points sur les 27 arrêtés de commun accord. Macky Sall a profité de cet espace pour parler à ses adversaires politiques, même les plus irréductibles. Comme le chef de file du Parti Rewmi devenu silencieux depuis la dernière élection présidentielle de février 2019 où il est arrivé deuxième.

Sans tambour ni trompette, le président de la République a pu discuter avec lui pendant six mois. Au finish, il a pu convaincre, de manière incroyable, l’ancien Premier ministre, pour le ramener à ses côtés, à la surprise de plus d’un Sénégalais, tellement le niveau de dissension semblait abyssal.

Avant cet épisode, en mars dernier précisément, à la faveur de la crise sanitaire liée à la pandémie du Coronavirus, le président Macky Sall a pu attirer au palais de la République, contre toute attente, la classe politique, dans son entièreté, et la société civile. Il a réussi à diriger tout le monde, même ses plus virulents adversaires politiques à tourner le regard vers « l’ennemi commun : le Coronavirus ». Cet objectif fait ses effets. Le « cessez-le-feu » temporaire avec ses adversaires comme Ousmane Sonko, Idrissa Seck, Mamadou Lamine Diallo, Abdoul Mbaye, Thierno Alassane Sall arrive à calmer les ardeurs pour mieux se concentrer contre la maladie.

Le dernier acte posé par le président Macky Sall est l’ouverture de son gouvernement à une partie de l’opposition. Cet acte politique salué par certains et dénoncé par d’autres a le mérite de clarifier le jeu politique.

Dans l’opposition, personne ne savait qui était qui : on s’accusait mutuellement de taupe au service du camp au pouvoir ; cette situation avait même conduit Mamadou Lamine Diallo, Abdoul Mbaye, Thierno Alassane Sall, entre autres, à mettre sur pied une autre structure politique, en l’occurrence, le Congrès de la Renaissance démocratique (CRD). Convaincus que des leaders étaient positionnés au niveau du Front patriotique pour la défense de la République (FPDR), ils ont estimé que la meilleure façon de travailler était la création de leur nouvelle trouvaille.

Aujourd’hui, sans forcément le vouloir, le président Macky Sall a éclairé la lanterne au niveau du champ politique. Cette éclaircie liée aux ralliements au camp présidentiel de certains  leaders politiques comme Idrissa, Oumar Sarr et son camp, des pans d’obscurité tombent pour laisser libre cours à la vraie opposition de se regrouper.

Les bases sont déjà jetées avec la convergence vers l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall. Mais ce n’est pas tout. Le président Macky Sall continue de dérouler son agenda. D’autres leaders de l’opposition risquent encore de tomber dans son escarcelle. Ils sont prestement annoncés. C’est le cas de Malick Gakou. Macky Sall continuerait aussi de parler avec son prédécesseur, Abdoulaye Wade.

Un projet de loi visant à amnistier les crimes économiques et financiers est dans le circuit dans l’Assemblée nationale. Il viserait à effacer les condamnations de Khalifa Sall et de Karim Wade pour les rendre à nouveaux éligibles. Des actes tendant à apaiser davantage le climat politique, conformément à sa promesse sur la télévision française, F24, où il avait soutenu qu’il accorderait une amnistie générale s’il remportait la présidentielle de 2019.

La politique étant un jeu de rapport de forces, le président Macky Sall est en train de réduire drastiquement les 42% de voix qui n’avaient pas voté en sa faveur à la présidentielle de février 2019. Ce qui lui permet de dérouler tranquillement son agenda politique. Pour arriver où ? L’avenir proche nous en dira davantage.

Mais, pour toutes ces raisons que nous considérons, quelque part, comme du génie politique, nous estimons qu’il mérite le titre d’homme de l’année.