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Oumar Mahama Diallo, nouveau doyen des juges: Trente ans d‘expériences sans extravagance ni arrogance Par Habib KÂ, Chef du bureau régional de Matam, Thilogne

Oumar Maham Diallo, doyen des juges d’instruction de Dakar, hérite du magistrat feu Samba Sall des “patates chaudes”.

Nommé doyen des juges à l’issue de la réunion du Conseil supérieur de la Magistrature du lundi 22 novembre 2021, dans un contexte électrique grave, Oumar Maham Diallo est pris entre deux feux : un candidat et des joutes électorales. Le leader des Patriotes est privé de son passeport et mis à  la disposition de la justice suite aux événements regrettables du mois de mars dernier qui occasionèrent une situation quasi-insurrectionnelle et coûtèrent la vie de 14 très jeunes Sénégalais. Il est accusé, en effet, par la masseuse Adji Sarr de Sweet beauté, de l’avoir violée à maintes reprises sous la menace de deux armes à feu, de menaces de mort.

S’y ajoute cette campagne électorale qui s’annonce, en prélude des élections municipales et départementales fixées le 23 janvier prochain et l’accusé est candidat naturel et favori pour la mairie de Ziguinchor. Toujours sur ce terrain, le sempiternel dossier Barthelemy Dias-Ndiaga Diouf en cours de réactivation.

C’est dire qu’il y a bel et bien de l’électricité dans l’air avec la toute nouvelle nomination d’un doyen des juges, pendant que tous les états-majors politiques sont en position d’alerte maximale, les tensions portées au summum, opposition et pouvoir se regardant en chiens de faïence.

L’institution ne devrait quand même pas souffrir aussi longtemps d’une vacance de poste depuis le décès du précédent juge, un poste dont tout magistrat pressenti a décliné l’offre pour des raisons bien supposées ou par peur de représailles.

Le Sénégalais doit-il rester dans l’expectative, se réfugier derrière ses croyances, ses peurs de ce qu’il adviendrait du pauvre magistrat pour légitimer une justice prétendue divine à la place de celle des hommes vivant encore sur terre ?

Des que son nom est connu, tout est fixé sur le dossier Adji Sarr-Ousmane Sonko, qui n’est pas le seul dossier poussiéreux au niveau du cabinet du juge d’instruction. Des centaines de personnes croupissent dans les prisons en attente de jugement, y compris ceux des narcotrafiquants, celui du Bâtiplus, et d’autres aussi sulfureux d’hommes d’affaires, de la pègre.

Quand on met le pied dans le bourbier politique, les dossiers sulfureux de l’État, les affaires mafieuses de narcotrafiquants, les scandales financiers d’organisations nébuleuses planétaires, où les intérêts des uns et des autres se croisent, s’enchevêtrent et parfois se neutralisent, il faut s’attendre à tout, être ce juge hors classe, un juge exceptionnel, suffisamment blindé pour tenir tête, faire face à cette mêlée.

Fausses alertes

On prête au nouveau doyen des juges d’être nommé sur une base purement ethnique, le neddo ko bandum, d’être de la Casamance, d’être un frère de Adji Sarr en plus d’être un fils de feu Maham Diallo, ancien gouverneur de la région de Dakar et coordinateur du Conseil des Sages de l’Alliance pour la République (APR). Tout cela est de trop sur la tête d’une seule et même personne.Tout est faux, de fausses nouvelles colportées.

Oumar Maham Diallo n’est pas de Ziguinchor, il n’est pas de Ndioum non plus, le village natal de feu Maham Diallo qu’ils déclarent  être son père. Ce poste lui revient de droit et de fait pour avoir derrière lui une carrière de 30 ans d’expérience, et dommage qu’ils ne soient pas nombreux parmi ses pairs magistrats des prétendants à ce poste maudit.

Une bataille d’opinion est d’ores et déjà engagée qui viserait à corréler ses liens supposés de parenté avec toute décision émanant de son magistère.

Pour ceux qui ne le savent pas encore, El Hadj Maham est son grand-père, connu pour avoir entretenu un commerce florissant à Thilogne, un grand agriculteur, un homme de grande renommée qui a bien su éduquer toute sa progéniture, nombreuse certes, dans le travail, la droiture, l’humilité. Sa famille fait partie des grandes pourvoyeuse de cadres de la commune. Jusqu’ici, on ne reproche à aucun de ses petits-fils et petites-filles un grain d’extravagance, d’arrogance.

Depuis des recherches tendancieuses sont entamées ici et là  pour fouiller les possibles cafards du nouveau magistrat promu.

Doit-on jeter l’anathème sur quelqu’un qui n’a même pas encore pris fonction pour dire ce qu’il fera ou ne fera pas pour en élaborer une raison suffisante pour le décrier, le condamner, le vouer aux gémonies ?
Ne doit-il pas bénéficier aux près de la majorité des Sénégalais au moins d’une présomption de droiture, d’objectivité, d’impartialité osée, ne serait-ce que pour le droit souverain de celle-ci de savoir la vérité sur des dossiers brûlants d’importance capitale pour la sécurité et l’avenir du pays, que de tout focaliser sur ce dossier très privé Ousmane Sonko-Adji Sarr ? Ou bien faut-il le condamner hic et nunc parce qu’il serait l’homme à tout faire d’un Exécutif inquisiteur sur un procès qui échoue sur les plages d’un procès et d’une justice politiques  ?

Sobriété et vertuosité

Faut-il donner ici raison à cette aigreur au cœur éprouvée par François Mitterrand devant le cercueil de son ancien ministre des Finances et du Budget, autodidacte, Pierre Bérégovoy “Toutes les explications du monde ne justifieront pas que l’on ait pu livrer aux chiens l’honneur d’un homme”. François Mitterrand, parlait des journaleux qui avaient jeté en pâture son Premier ministre réputé pour sa sobriété et sa vertuosité, jusqu’à ce que ce monsieur, fils d’émigré ukrainien, blessé dans son amour-propre par la horde n’a trouvé de parade que de mettre fin à ses jours, malgré le travail incommensurable qu’ila rendu en toute loyaute à la République, à la France, au parti socialiste et à sa jeunesse.

En effet, depuis la nomination du nouveau doyen des juges, une propagande d’adeptes de réseaux sociaux livre à bon escient une campagne de désinformation, de diffusion de fausses nouvelles dans l’unique but de nuire tout simplement à la crédibilité de sa personne.

C’est de bonne guerre, cet acharnement annoncé, comme d’aucuns souhaiteraient une maladie mystérieuse grave l’atteindre pour corroborer un tabou que qui touche d’un cheveu le dossier très complexe et compliqué de l’Affaire Ousmane Sonko-Adji Sarr, finira dans la déchéance. Au 21e siècle, au Sénégal, quand le mysticisme prend le pas, à ce point, sur le droit, la chose bien jugée, c’est qu’il faut reconnaître que les tribunaux ne sont pas encore sortis de l’auberge pour rendre une justice indépendante, libre, équitable, prisonniers qu’ils sont du dictat d’un pouvoir exécutif et d’un contre-pouvoir oppositionnel prêts à se rendre coup par coup, devant un peuple abusé.

Oumar Maham Diallo remuera-t-il de sitôt le couteau dans la plaie en convocant illico presto le dossier Adji Sarr-Sonko ou aura-t-il suffisamment les moyens et ressources nécessaires pour désamorcer la bombe et éviter aux Sénégalais des confrontations dont les issues sont, à tous les coups, incertaines ? Aurait-il la liberté et l’autonomie, en toute conscience, en toute objectivité de lire que le droit, rien que le droit.?

Sinon, le Sénégal risquerait encore d’entrer dans une zone de turbulence qui  hypothéquerait toutes les chances de respecter le calendrier électoral pour les trois échéances futures.

Oumar Maham Diallo, doyen des juges d’instruction de Dakar, hérite du magistrat feu Samba Sall, des “patates chaudes”. Sera-t-il suffisamment libre pour faire convenablement son travail, soumis qu’il est aux pressions internes et aux harcèlements externes ?

Il s’agit de dossiers très sensibles comme ceux qui ont trait aux histoires des narcotrafiquants, de celle de Bâtiplus, et d’autres qui intéressent particulièrement des milieux d’affaires et de la pègre. Va-t-il gérer en toute impartialité le dossier Ousmane Sonko-Adji Sarr ?

Qu’Ousmane Sonko recuse déjà sa nomination pour partialité pour avoir partagé sur sa page Facebook un texte d’un pro-Adji Sarr, laisse deviner que le couteau est dans la plaie.

Le dossier Adji Sarr-Sonko qui est en point de mire, dans ce climat de suspiscion, de défiance ne peut-être résolu que politiquement, sinon le nouveau doyen des juges risque d’être placé entre deux feux, sacrifié, ses marges de manœuvres réduites du fait de vouloir donner une solution juridique à un problème politique.

C’est vrai que l’injonction de la politique sur la justice a de tout temps était un fait réelle au Sénégal depuis Senghor, Diouf, Wade, jusqu’à Macky Sall, même s’il a toujours existé une resistance fébrile d’une partie du corps judiciaire attachée à l’équilibre des pouvoirs et à l’équité des justices rendues.

Le dossier Sonko-Adji sarr risque d’être rejetée aux calendes grecques au nom du temps de la justice qui n’est pas le temps de la politique a-t-on coutume de dire, même si les deux protagonistes montrent déjà des signes d’agacement sur une situation qui les maintient tous les deux dans une prison à ciel ouvert.