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Notes de lecture-Le monde en 2035 vu par la CIA et le Conseil National du Renseignement. Le paradoxe du progrès.

Vive L’Anarchie Du Monde En 2035

Tout y est : de la naïveté rose bonbon de Aldous Huxley (Le meilleur des mondes possibles) au solidarisme paradoxal d’Émile Durkheim (De la division du travail social), en passant par la puissance prophétique de George  Orwell (1984). Le rapport quinquennal 2017 du Conseil national du Renseignement américain est d’abord victime de sa propre contradiction : il est pratiquement dépassé dès sa publication, frappé qu’il est par le temps impossible à fixer dans un instantané du futur ; la nature s’y est en effet mêlée depuis 2018 avec les plus fortes chaleurs jamais enregistrées au cours de ces cent dernières années entre juillet 2020 et juillet 2021 et, évidemment, le coronavirus planétaire qui fait douter de tout aujourd’hui.

Ainsi, si les historiens ont mis près de vingt ans pour faire la corrélation entre la crise de 1920 et l’arrivée conséquente de Hitler qui a plongé le monde dans la sinistre Seconde guerre mondiale, il n’est pas nécessaire de sortir de Harvard pour comprendre que l’Occident révisera sous peu sa politique de délocalisation, le virus chinois ayant démontré les limites de cette recherche effrénée de plus value-économique et médicale. Sur la forme comme sur le fond, ce rapport trace un parallèle avec ce qui se fait depuis Mathusalem d’une haute administration se projetant dans le futur et réajustant constamment ses prévisions peu conformes, à la pratique, avec la réalité sur le terrain. Il est ainsi curieux de constater un aveuglement général dans ce genre de projections qui scrutent l’avenir et ne balaient pas devant leur porte qui s’effondre ; il est pourtant loisible de démontrer que la politique de la terre brûlée adoptée par l’Occident a engendré un grand mouvement de foules de paysans sans terre devenus pirates dans la corne de l’Afrique par exemple, et que l’arme de la faim brandie depuis plus de quarante ans par Sophie Bessis est toujours là qui renvoie 9 millions de personnes dans le précarité alimentaire la plus absolue au Sahel, dans une bande de terre de 4 à 5.000 km en partant de Dakar,  et 14,4 autres millions dans le monde, nous dit Serge Michailof, Iris, Tv5. 9 janvier 2020.

« Tous les quatre ans, le Conseil national du Renseignement (NIC) étudie la tectonique des forces en présence et les décisions qui façonneront le monde de demain pour les deux prochaines décennies. Cette version, la sixième de la série, pourrait se lire comme un rapport, mais en réalité c’est une invitation à discuter et à débattre sur la question de l’avenir. Bien entendu, nous ne prétendons pas détenir la « réponse » ultime ».

« Dans le cadre de nos recherches, nous avons consulté des experts gouvernementaux et extérieurs au gouvernement américain pour identifier et éprouver des hypothèses. Nous avons pu tester plusieurs thèmes et premiers arguments par le biais d’un blog. Nous nous sommes rendus dans plus de 35 pays pour nous intéresser aux opinions et points de vue de plus de 2.500 personnes d’horizons complètement différents. Nous avons développé plusieurs scénarios afin de retenir ceux qui pourraient découler de notre situation actuelle. Le Conseil national du Renseignement a ensuite compilé ces diverses versions de l’avenir dans le rapport que vous avez entre les mains ».

« Fondé en 1979, le Conseil national du Renseignement fournit analyses et perspectives au directeur national du renseignement américain. À la différence des seize agences de renseignement américaines, dont font partie la CIA et la NSA, ce Conseil entend nourrir la réflexion stratégique américaine à moyen et à long terme en lui donnant des rapports non biaisés, dont les conclusions peuvent différer de la politique officielle américaine. Publiés à intervalles réguliers, ces rapports ont la particularité de se fonder sur des points de vue élargis, au-delà des analyses fournies par les agences de renseignement classiques et des gouvernements ».

La thèse centrale de cette édition est que la démocratie est fortement menacée, reprenant ainsi l’antienne depuis Platon et, plus près de nous, Jean-François Revel de 1983 déjà.

Le principal frein, c’est paradoxalement l’amélioration générale de la situation de l’humanité qui rend l’autorité de plus en plus précaire : la pauvreté a été réduite de moitié pour près d’un milliard d’extrêmement pauvres, passant de Us $ 1 à un et demi. Ceci semble malheureusement engendrer un populisme « venu rappeler que l’Histoire pouvait encore être tragique ». Ceci suggère donc un autre paradoxe : une mondialisation qui a conduit à une exagération du « Moi » impliqué dans la lutte philosophique, ethnique, religieuse avec des mouvements irrédentistes qui se sont formés un peu partout. Cette nouvelle forme de solidarité se fait cependant dans l’exclusion et devient inclusive, fondée sur la race, l’ethnie, la religion.

« Autre enseignement : la politique ne peut se résumer à la gestion quotidienne. Une réflexion élargie se révèle plus indispensable que jamais. L’approche purement technique du gouvernement, telle qu’elle est pratiquée par les politiciens occidentaux, les fonctionnaires internationaux et les élites mondialisées, a montré ses limites ».

Ce retour à la Trilatérale de Rockfeller s’accommode bien de toutes les études similaires et vieilles de plus de trente ans qui arrivent aux mêmes recommandations jamais remplies.

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 Le monde en 2035 vu par la CIA et le Conseil National du Renseignement. Le paradoxe du progrès-Le rapport que Trump a trouvé dans le bureau ovale.

Équateurs  2017, 360 pages

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Orientations bibliographiques

Jean-François Revel : Comment les démocraties finissent. Grasset,  1983

George Orwell, 1984, 1949

Durkheim : De la division du travail social, 1893

Aldous Huxley : Le meilleur des Mondes (Brave New World), 1932

Sophie Bessis : L’Arme alimentaire, Paris, Maspero, 1979, 286 p

Avec Koccabarmafall/skyblog du 14/03/2020