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Moustapha Fall « CHE », majorité présidentielle: « Les opposants sont les premiers à reconnaître un 3ème mandat à Macky Sall » Entretien dirigé par Charles SENGHOR

Leader de Apl/Boum gaccé, Moustapha Fall Ché, ancien coordonnateur de la coalition Macky2012 soutient dans cet entretien accordé à votre journal que rien ne pourra empêcher au président MAcky Sall de briguer un 3e mandat si la loi le lui permet. A l’en croire, ce sont  les opposants mêmes qui lui reconnaissent ce droit en premier.

Moustapha Fall « Che » aborde également les problèmes économiques et de santé.

Quel bilan avez-vous laissé à la coalition « Macky 2012 » ?

A l’assemblée générale de renouvellement, ils ont tous salué mon bilan. Pendant que je la dirigeais, elle a fait beaucoup de choses sur le plan politique, en termes de résultats pendant les élections : on s’est investi au niveau de la formation des militants, on s’est affronté avec l’opposition dans tous les médias. Sur le plan traitement aussi par le président Macky Sall, on a eu beaucoup d’avancées. C’est pourquoi beaucoup  sont venus adhérer à cette coalition.

Comment faire aujourd’hui pour recoller les morceaux au sein de « Macky 2012 » très divisée aujourd’hui ?

C’est le président Macky Sall qui détient la solution la plus rapide. En tant que parrain, il peut appeler tout le monde dans son bureau pour demander une reconstitution de « Macky 2012 » avec toutes ses branches en une seule organisation comme c’était le cas auparavant.

Qu’est-ce que le dialogue national a produit de positif ?

Quand on dialogue, on se voit, on se comprend, on a une confiance mutuelle entre nous. Voilà pourquoi certains ont osé aller très loin jusqu’à venir s’allier avec Macky Sall

Est-ce que c’était l’objectif visé ? 

Au fond ce n’était pas ça. Le dialogue c’est beaucoup de choses. En dehors des retrouvailles, des ralliements, il y avait aussi le fichier électoral, le processus électoral. Sur les 27 points, on est tombé d’accord sur 25. C’est une bonne chose. Et les deux points restants sont mineurs. Le résultat c’est tout ça.  On peut se retrouver, des gens peuvent rallier le pouvoir comme entre eux, ils peuvent se retrouver dans une forte coalition de l’opposition.

Le président Macky Sall continue de chercher à rallier tout le monde. Est-ce qu’on ne va pas vers la mort du jeu démocratique ?

La démocratie ne mourra jamais. La politique, c’est l’art de modifier les rapports de force. On se moquait de nous en nous disant que  42% des votants n’ont pas soutenu Macky Sall.  Et bien, on est en train de modifier ça. Nous sommes bien en démocratie parce que personne n’a utilisé des armes, on n’a obligé personne à nous rejoindre. La démocratie survivra toujours parce que des combattants seront toujours là pour l’imposer. Il y a des périodes de regroupements, d’unions, de désunions. C’est la vie politique qui est ainsi faite. Il y a des ralliements au pouvoir. Il y a aussi des velléités de rassembler l’opposition dans une forte coalition. On aura les deux camps.

Et la transhumance, vous la classez où ?

Cette histoire de la transhumance ne m’a jamais gêné en tant que dialecticien parce que je sais que tout évolue, rien n’est définitif. Il faut aussi retenir que chaque chose contient son contraire. L’unité est la lutte des contraires. Donc si une personne quitte un camp pour aller dans un autre, cela ne me dérange pas.

D’aucuns pensent que le président est dans une gymnastique pour légitimer un 3e mandat…

Si la loi le lui permet, il en a le droit.  Le plus intéressant ici, c’est que les opposants ont été les premiers à dire que le président Macky Sall a droit à un troisième mandat. Barthélémy Dias l’a répété tout récemment. De brillants constitutionnalistes dont le Pr. Babacar Guèye, Jacques Mariel Nzouankeu, l’ont dit aussi. Donc, s’il en a droit et qu’il veut le faire, où est le problème ? Parce qu’on disait qu’Abdoulaye Wade n’avait pas droit à un troisième mandat. Des constitutionnalistes ont dit le contraire. Il s’est battu et a gagné la bataille de la candidature qui est différente de la bataille du mandat. Il a gagné la bataille d’être candidat mais il n’a pas gagné la bataille de gagner les élections et d’être président.

Je pense que par moment, on oublie beaucoup de choses ; on doit revoir les textes, savoir que c’est une question de rapport de forces aussi. Macky Sall est en train d’agrandir sa coalition ; il est en train de réduire le nombre de personnes qui n’avaient pas voté pour lui. On nous disait avec moquerie que 42% des votants n’avaient pas soutenu Macky Sall. Aujourd’hui, de ces 42%, il faut sortir le million de voix de Idrissa Seck, les voix du Pds avec le ralliement de Oumar Sarr et ses camarades.

Ne craignez-vous pas “la rue publique” en cas de 3e mandat ?

Non ! Là aussi, c’est une question de rapport de forces. Si la rue publique prend le dessus sur la République, mais Macky Sall ne pourra pas présenter sa candidature même si elle est validée par le Conseil constitutionnel. Mais, s’il a la même chance qu’Abdoulaye Wade, il va gagner la bataille de la rue publique et se porter candidat. Et là il reste l’autre bataille pour être président. Ce n’est pas trop difficile. D’ailleurs, les choses sont en train de se modifier parce que ces opposants ne parlent pas au nom du Sénégal ni du peuple sénégalais. Les Sénégalais ont une autre vision de Macky Sall, contraire à celle des opposants qui sont très loin des populations. Qu’ils passent tout le temps à dire que Macky Sall n’a pas droit à un 3e mandat ne nous ébranle pas. Nous, nous avons fait toutes les batailles politiques dans ce pays. Macky Sall a eu la chance d’avoir tous les grands combattants, qui ont fait les grandes décisions politiques, d’être avec eux.

Qu’est-ce qu’ils ont de plus que les autres ?

Ce sont des gens qui ont des techniques de lutte, du savoir-parler, du parler, de la communication. Mais, être entre quatre murs devant son clavier et raconter des bobards, c’est différent de la réalité ; il faut aller dans les profondeurs du Sénégal.  Nous avons vu des opposants sous-estimer les bourses familiales.

Le président Macky Sall ne ferait-il pas mieux de fixer les dates des élections locales ?

Macky Sall n’est pas responsable du report des élections. C’est lié au résultat du dialogue national. Quand on démarrait le dialogue, c’était pour des objectifs précis : le fichier et le processus électoraux. Il y a des choses que nous sommes en train de régler. Tout dépend du rythme de travail au niveau du dialogue. Soit on va aux élections sans parachever le dialogue, soit on termine après les élections. Ou on reporte les élections et on parachève les travaux. Il y a ce dilemme.

En tant qu’allié, sentez-vous la gestion solitaire du pouvoir très souvent reprochée au président Macky Sall ?

Ce n’est pas vrai ! Au contraire : non seulement il travaille avec son entourage immédiat, mais il est en train de tendre la main à l’opposition.

Pourtant il y a beaucoup de frustrés…

Là, c’est autre chose. Tout dépend de la mentalité des gens. Il y en a qui ne peuvent pas tolérer certaines choses. Il y en a qui ne veulent même pas que des opposants rallient Macky Sall. S’il le fait ils ne sont pas contents. Je me demande pourquoi. En politique, on compte par millierd en non par unité. Donc, les gens qui s’offusquent des ralliements venant renforcer nos rangs ne comprennent rien de la politique.

Comment appréciez-vous la polémique sur la nomination du Mahmout Saleh en tant que directeur de cabinet du chef de l’Etat ?

Les textes, la loi ont parlé. On dit qu’à ce poste il faut un certain niveau que Saleh n’aurait pas. Tout ça, je n’en suis pas sûr. Mais, il faut être plus intelligent que ça. On a dit qu’il faut avoir bac + 7. Mahmout est ministre d’Etat. Ministre simple, tu commandes des Bac + 7 a fortiori ministre d’Etat. Si sa nomination de ministre d’Etat est antérieure à celle de directeur de cabinet, il n’y aucun problème.

Pourtant, le plus tonnant est que ce débat fait rage au sein de l’Apr …

Ça c’est le propre de ses partisans. Des fois, ils sont plus agressifs entre eux que contre les opposants. Je le regrette beaucoup. Tout ce qui touche Macky Sall de négatif m’affecte. Je pense qu’on ne lui souhaite que du bien.  S’il a des problèmes, on doit l’aider à les résoudre et non à jeter de l’huile sur le feu. Tout ça est inhérent à l’Apr. Mais, ça ne les empêche pas de continuer de vivre et de gagner des élections aussi.

Comment voyez-vous aujourd’hui l’évolution de la gauche sénégalaise ?

C’est très compliqué. Du temps du régime d’Abdoulaye Wade, j’étais le seul à me revendiquer de la gauche. Donc, si des gens, qui avaient dit que les idéologies ont disparu, reviennent aujourd’hui pour me parler de gauche, ça me fait rire. Moi je fais partie de la deuxième gauche, débarrassée des dérives mao-bolchéviques, du culte de la personnalité. C’est la gauche idéale, qui peut faire émerger le Sénégal. En tout cas, s’ils reviennent maintenant me retrouver là où j’étais avec la gauche, je serais d’accord d’être avec eux. Je les connais ; ils ont été des hommes de gauche mais, par moment, Abdoulaye Wade était tellement rapide à coups de millions et milliards de francs que les gens ont abandonné la lutte. J’ai des enregistrements et des écrits de certains qui parlent de gauche aujourd’hui alors qu’ils disaient que les idéologies ont disparu, qu’il n’y a plus de socialisme… Voilà pourquoi, si je les entends parler de gauche maintenant, ça me fait rire. Mais, puisque je suis dialecticien, et que je sais que rien n’est définitif, chaque chose contient son contraire, j’accepte et les tolère.

En homme averti, que pensez-vous de la situation actuelle de la commercialisation de l’arachide ?

Le secteur se porte tant bien que mal parce que tant qu’il y a de la production, c’est toujours bon.  Mais, c’est encore mieux si la commercialisation est bien faite pour permettre à tous les acteurs (les paysans, les opérateurs, les huiliers, l’Etat) de se tirer à bons comptes. Mais, ce n’est pas toujours le cas.

Pourquoi ?

Depuis l’arrivée des Chinois, le secteur est désarticulé. Ils font de la surenchère en proposant des prix que le Comité national interprofessionnel de l’arachide ( Cnia) ne peut donner. Cette année, l’Etat a mis 250/Kg. On pensait que ça allait marcher. Mais les Chinois sont venus avec leur prix de 300 et plus par kg. Ce n’est pas bon parce que cette production, c’est pour le Sénégal. Bien qu’on ne transforme pas beaucoup en dehors de l’huile, contrairement aux Chinois qui peuvent en faire beaucoup de choses. Voilà pourquoi même s’ils l’achetaient 500 le kg, ils y trouveraient leur compte. Ils vont y arriver un jour.

Que faut-il faire alors ?

Il faut freiner les Chinois comme nous l’avons fait tout récemment même si ça ne va pas arranger le pays. Parce que quoi qu’on dise, quel que soit leur niveau de patriotisme, les paysans pensent d’abord à leur propre intérêt. Donc, tant que l’Etat essaye de freiner les Chinois ou de les interdire d’acheter, il sera en déphasage avec les paysans.

Comment faire pour équilibrer cette situation ?

C’est difficile de faire cet équilibre parce que si on tire d’un côté, ça peut pénaliser l’autre côté… Mais, tous les problèmes viennent au monde avec des solutions. Il faut qu’on creuse nos méninges pour trouver la solution ; je pense que pour cette année, c’est presque raté. Mais, on doit continuer la réflexion pour que l’année prochaine.

Pensez-vous que la Sonacos ferait bien de cultiver ses propres champs comme l’a annoncé son Directeur général ?

Cultiver ses propres champs devient plus compliqué. Je me demande comment ils pourront gérer ceux qui cultivent leurs champs et comment ils vont les cultiver, à quelle quantité et avec qui ils vont cultiver ces champs ? C’est très compliqué. Je pense qu’il faut chercher une autre solution. Je me demande encore si en cultivant ses propres champs, la Sonacos va y trouver un bénéfice. Est-ce que ce n’est pas plus cher que s’il augmentait le prix du kg à la hauteur des Chinois ? Comme autre solution, ne peut-on pas homologuer le prix de l’arachide ? Peut-être, là aussi c’est une solution bien qu’il y aura toujours des fraudes.

Que faire aujourd’hui devant la recrudescence du Coronavirus ?

Il faut qu’on se regroupe pour faire face à la pandémie du Coronavirus. C’est notre ennemi commun. Elle ne connaît pas de clivage gauche-droite, pouvoir-opposition. Donc, le mot d’ordre aujourd’hui, c’est l’unité de toutes les forces de la Nation contre la Covid-19.

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