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Mourir, pour être médecin Vague de décès de jeunes médecins

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Faut-il mourir ou risquer

la mort pour être

médecin au Sénégal ?

La vague de décès de jeunes médecins en spécialisation ces deux dernières années amène à se demander s’il faut mourir ou risquer la mort pour être un médecin au Sénégal. Zoom sur ces jeunes médecins sacrifiés par un système de santé qui n’a de système que le nom.

De l’ancien gynécologue de Kolda décédé des suites d’une embolie pulmonaire due à ses longues journées passées debout sans personne pour le relayer, à Dr Baba Diagne décédé dans un tragique accident alors qu’ il conduisait après avoir enchaîné deux gardes de 24h en 3 jours, sans oublier Dr Saïd, DES en pneumologie, et Dr Niang, DES en anesthésie-réanimation, tous les deux morts d’une Covid chopée à l’hôpital, et finalement Dr Samb, décédé de façon subite après une longue journée de service à l’hôpital, au moment où il prenait enfin du temps pour se reposer entre deux malades ; cette garde éreintante payée…3500 francs, soit moins de 200 franc/heure, lui aura été fatale.

Les décès prématurés de médecins, l’arbre qui cache la forêt ?

En 2012, une étude menée par le Collectif des Médecins en Spécialisation au Sénégal montrait des résultats effrayants : 52% des femmes médecins en spécialisation auraient déjà subi des complications liées à leur grossesse portée à l’hôpital, avec plus de 14% de taux d’avortement spontané, ce qui est largement supérieur au taux national, mais aussi un taux non négligeable d’accouchements prématurés, d’hémorragies de la délivrance, de morts-nés, car elles n’auraient droit à aucun allègement des charges de travail ni autre congé de maternité.

« Et on ne parle là que de quelques médecins au cours des 5 dernières années“, souffle, dépitée, un médecin. “Cette situation dure depuis des années. C’est dommage qu’on doive attendre la mort d’hommes pour s’y intéresser. Les médecins sont en train de fuir le pays car il n’y a rien ici pour eux. Et la conséquence est que malheureusement les patients sont en train de mourir. Nous avons longtemps essayé de retenir la mer avec nos bras. Mais aujourd’hui nous n’y arrivons plus. Nos patients sont en train de mourir dans le public, et nous mourons avec eux », se désole t-elle.

Spécialisation

Au Sénégal, tout comme la plupart des pays, c’est bac+8 pour être généraliste et bac +12 au moins pour être spécialiste. Seulement à Sunugal, point de reconnaissance pour les jeunes en spécialisation qui passent la majeure partie de leur temps à abattre le travail dans les hôpitaux publics du pays : pas de salaire, ni même de motivation pour tout l’argent qu’ils ramènent à l’Etat, pas de repos de garde systématique, ce qui accroît de façon drastique les risques d’erreur médicale sur les patients, pas de congés maladie ni de congés maternité et, comble de l’ironie, pas de couverture maladie.

Le Sénégal est-il bon dernier en matière de politique de santé ?

Il faut croire que oui puisque même au Cameroun voisin, les médecins en spécialisation sont reconnus comme travailleurs avec tous les avantages prévus par le code du travail. En réalité, c’est le cas dans presque tous les pays du monde, du Maroc au Canada en passant par la Chine, Madagascar, et bien sûr notre France bien aimée. A Ndoumbélane par contre, c’est encore une autre histoire…

Médecin Anonyme