Mois de la femme – Handicapées par leur statut de femme, elles subissent une discrimination salariale Par Khadidatou GUÈYE Fall, Chef du Desk Société
Rémunérées pour des postes subalternes, juste pour la femme au foyer
Plusieurs femmes occupent des postes inférieurs à leur sphère de compétences et de qualification. Cette discrimination faite au profit des hommes montre le long chemin que les femmes doivent prendre pour réclamer leurs droits. En silence et malgré elles, elles subissent des injustices dans le milieu professionnel. Les inégalités salariales en fonction du sexe sont le problème majeur le plus pressant dans le programme de lutte pour les droits de la femme.
Une femme sur quatre est rémunérée non de par sa compétence. Considérées comme le sexe faible, elles perçoivent moins que leur rémunération normale. Beaucoup de choses expliquent cette donne.
Prétextant que les femmes ont moins de charges familiales, des chefs d’entreprise fixent des montants de rémunération hors norme pour les femmes. Alors que le temps de formation, les diplômes sont égaux à ceux des hommes. La seule différence porte sur l’opposition de genre.
Cette dame sous couvert de l’anonymat vient de l’école supérieure Polytechnique. Actuellement, elle travaille dans une grande entreprise pilotée par des Turcs. Elle a vécu une discrimination faite sur le genre après 4 ans au service de la boîte : « Un homme avait postulé de même que trois femmes dont je faisais partie. Alors que les femmes avaient plus de diplômes et d’expériences, le poste a été attribué à l’homme sous prétexte que les femmes ont d’autres charges à la maison », a raconté la femme spécialiste dans le domaine de l’informatique.
Cet exemple montre que des discriminations sont présentes au sein des entreprises.
Oulimata Ndiaye est une économiste du développement, Consultante Internationale à la Banque mondiale. D’après elle, plusieurs raisons expliquent les inégalités salariales : « Dans les pays africains, surtout au Sénégal, les inégalités salariales parlent d’elles-mêmes. Il y a des études faites par le bureau international du travail, et l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (Ansd) sur le salaire moyen mensuel qui montre que les hommes gagnent en moyenne 290.000 Fr et les femmes 127.000. Ce qui constitue un écart extraordinaire de plus de 50%. Ces écarts sont dus en premier lieu aux normes sociales : au Sénégal, ça a toujours été comme ça. Le code de la famille se répercute dans les lieux de travail. Les gens supposent que les hommes ont plus de charges que les femmes. Pour eux, c’est normal de proposer aux hommes un salaire beaucoup plus haut qu’à une femme », affirme-t-elle.
Pouvoir de négociations
La capacité des hommes à pouvoir négocier plus que les femmes n’est pas à exclure. Madame Ndiaye confie que des études ont montré aussi que les femmes ont moins tendance à négocier leur salaire par rapport aux hommes. Pour leur premier poste de travail, quand on propose un salaire à une femme, elle l’accepte aussitôt. Elle ne négocie pas vaillamment. Alors que les hommes ont plus de confiance en eux. Ils négocient plus facilement leur salaire. Quant aux femmes, elles ont tendance à accepter la première proposition de leur premier emploi.
Des postes intermédiaires sont la plupart du temps occupés par les femmes. L’économiste du développement soutient à ce niveau que l’autre cause des inégalités salariales porte globalement sur le fait que les femmes ont moins de responsabilités dans les entreprises : au Sénégal, les femmes occupent plus les postes de réceptionnistes, de secrétaires. Au niveau de ces postes, il y a plus de femmes. Les femmes sont à des postes de subalternes. Ensuite les hommes viennent envahir les postes de responsabilités. Ce sont eux les chefs de postes, les chefs de projets, les chefs de département. Et ces constats sont mondiaux et accrus dans les pays africains, encore plus avérés au Sénégal.
Soutenant que la gente féminine a moins de responsabilités dans les entreprises, Oulimata fait porter le chapeau aux femmes elles-mêmes avant de pointer du doigt la société qui constitue une pression pour l’épanouissement de celles-ci dans le cadre de leur travail. Le fait de ne pas responsabiliser les femmes vient de la société qui pense qu’elles demanderont toujours des congés de maternité, leurs enfants peuvent tomber malades. Parfois ce sont les femmes qui ne veulent pas avoir des postes de responsabilités.
« Les femmes aussi ont moins d’années d’expériences. Les absences, les arrêts temporaires du travail pour allaiter son enfant et les congés de maternité, vont nettement impacter sur les salaires quand elles reviennent sur le marché du travail.
Ce genre de mentalités à tout laisser aux femmes quand il s’agit de leur enfant doit changer pour lutter contre les inégalités salariales. Les femmes sont dans des domaines moins rémunérés. De plus, elles sont plus présentes dans le secteur informel d’autant plus que c’est un secteur qui paie moins. Dans le secteur formel, les femmes occupent des postes qui sont moins payés. Par exemple, dans le domaine de la santé, il y a plus d’hommes médecins que de femmes médecins. La majorité des femmes sont des aides-soignantes, des infirmières ou des sages-femmes » fait savoir Oulimata.
Elle poursuit par la barrière que la belle-famille peut constituer : « Elles prennent en compte leur foyer, c’est pourquoi elles préfèrent avoir des postes qui leur permettront de combiner la vie professionnelle et la vie familiale. De peur que leurs maris aillent chercher ailleurs ou leur reprochent de ne pas accorder trop de temps à la famille, elles préfèrent être des subalternes. Parfois, ce sont les belles-mères qui portent des critiques sur le cumul de vie professionnelle et de vie familiale »
Ça revient toujours sur l’attribution des postes de responsabilités aux femmes. Quand même, la faute aussi incombe aux femmes qui refusent d’ébranler les normes sociales qui les contraignent de faire de longues études, les obligeant à trouver un travail qui pourra leur permettre de concilier vie professionnelle et vie familiale. Notre interlocutrice, après l’attaque faite sur les femmes, demande à l’État de prendre des mesures idoines pour l’égalité salariale.
Selon la Consultante Internationale à la Banque mondiale, il faut faire de la discrimination positive pour pousser les femmes à avoir plus de responsabilités. L’État aussi doit s’impliquer en proposant une sorte de récompense aux entreprises qui octroient certains postes de responsabilités à plus de femmes, par exemple 40% de femmes ou 50% de femmes. Une récompense destinée aux entreprises qui essayent de promouvoir les femmes, leur proposer des réductions fiscales. Il est également important que l’État propose aux entreprises de créer des nursings dans les boîtes pour les enfants. Ceci aiderait la femme à moins se soucier du comment elle va faire qui pourra lui garder son enfant. Ces mesures peuvent aider les femmes à pouvoir espérer une progression et avoir un salaire important pour enfin résoudre les inégalités salariales.