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Mois de farce: En avril, le “poisson” se fait rare dans nos côtes et ne fait plus son effet comme avant au Sénégal Khadidiatou GUEYE Fall

Le poisson d’avril est une sorte de farce prétentieuse et audacieuse. Auparavant, cette plaisanterie à mauvais goût qui se compare à un mensonge vraisemblable, avait une grande ampleur aux regards des gros farceurs. Impatients de bricoler une scène montée de toute pièce, ces farceurs trouvaient la bonne occasion d’étaler leur scénario sans retenue. Au Sénégal, les jeunes sont les véritables adeptes de cette plaisanterie, à côté de la presse. Cette dernière considère le 1er avril comme la date propice pour attirer le maximum de lecteurs ou d’auditeurs. A plusieurs reprises, des journaux ont balancé leur poisson d’avril que les Sénégalais ont repêché sans arrière-pensées. C’est au lendemain du Fake news, qu’ils se rendent compte de l’entame du mois d’avril. Dans les familles, ces plaisanteries font sauter les grandes personnes.

Mbaye Diop, un jeune technicien dans le domaine du câblage, adore jouer des tours à sa femme. Mais, depuis trois ans, Mbaye ne se la joue plus à cause d’une mauvaise blague.” Je venais à peine de me marier. J’ai voulu jauger la réaction de ma femme quand je l’ai appelé au téléphone pour dire que je ne passerais pas la nuit à la maison car j’ai pris une épouse” raconte Mbaye. Il poursuit :”Quand je lui ai dit la nouvelle, elle m’a raccroché sur le coup. A l’instant, j’appelle ma petite sœur qui me confirme que ma femme est dans tous ses états et qu’elle fait ses valises. C’est alors que j’ai mesuré la gravité de la plaisanterie”. Mbaye raconte que son arrivée à la maison fut des plus théâtrales car sa femme ne l’avait pas manqué, elle l’a taxé de tous noms d’oiseaux. C’est depuis cet incident que Mbaye a oublié que le 1er Avril est prévu pour les farces et les mensonges : ” J’ai failli perdre ma femme pour le poisson d’Avril”.

Le cas de Mbaye n’est pas moins fatidique que celui de cette femme qui annonçait un kidnapping à ses parents. Sous couvert de l’anonymat, cette dame de la trentaine raconte son époque de jeune lycéenne à Limamou Laye. Voyant ses amies se faire des “poisson d’avril”, elle eut l’idée d’en faire à ses parents qui la choyaient trop. Elle demande à sa copine d’aller raconter à sa mère qu’un groupe d’hommes l’ont kidnappée à la porte du lycée. Pour rendre sa situation inquiétante, elle se rend chez une cousine le temps que ces mensonges prennent effet. Elle en profite pour dormir et se réveille à 19 heures alors que chez elle, tout le voisinage essayait de consoler sa mère.

Elle se réveille et prend la direction de la maison. De loin, elle aperçut la foule devant sa maison, et elle commence à trembler. ” Aussitôt, j’ai regretté mon acte connaissant ma mère et comment elle est attachée à ses enfants. J’ai pénétré la porte avec les “Alhamdoulilahi, elle est en vie” du voisinage et de certains proches. Ne pouvant dire qu’il s’agissait d’un poisson d’avril avec la présence de la foule, j’ai dit à ma mère que les supposés kidnappeurs s’étaient trompés de personne. Mais je n’oublierai jamais les coups que j’ai reçus la nuit quand j’ai avoué toute la vérité sur le coup monté”, regrette-t-elle.

Si ces derniers l’ont fait avec succès auparavant, Cheikh n’a jamais réussi ses farces : “Mes poissons d’Avril n’ont pas d’effets sur mes amis et proches. Parfois, ils me disent que le poisson d’avril est révolu maintenant car les gens ont d’autres préoccupations”.

Même si cela semble absurde, le poisson d’avril n’a pas l’envergure qu’il avait avant. Est-ce parce que la farce est devinée aussitôt dit ou parce que les gens n’ont plus le temps de créer des scènes. Quoi qu’il en soit, au Sénégal, les Oustaz en ont assez dissuadé la population de délaisser ce poisson d’avril qui nage ailleurs que dans les eaux de la culture sénégalaise.