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Mali: Dakar isolé P. MBODJE

L’Océan Niger ne sifflera pas de si tôt

Dakar qui s’isole à la moindre alerte n’a aucune cohérence dans sa diplomatie du bon voisinage : en très mauvais termes avec ses voisins guinéens de Alpha Condé, Dakar vient d’en rajouter une couche en s’isolant du Mali, contre toute logique. Le Sénégal perd en effet au change en soutenant la Gambie et la Guinée-Bissau refuge d’agitateurs et de dealers d’État.
Pour la seconde fois en dix ans, la position du Sénégal a varié par rapport au Mali, allant de Charybde en Scylla : en 2013, il a fallu l’insistance de François Hollande pour décider Macky Sall à participer à la force d’intervention africaine sur le Mali ; le 09 janvier dernier, Dakar a hurlé avec les loups pour infliger l’opprobre au peuple malien, dans la guerre froide qui se joue depuis l’éviction d’un Occident sans résultat dans son intervention au Mali et l’appel subséquent à la Russie. À la veille de la présidence sénégalaise à l’Union africaine, la sous-région a envoyé un mauvais signal sur la capacité des Africains à régler leurs propres problèmes, au lieu de se faire supplétifs dotés d’arquebuses.
Pourtant, certaines chancelleries affirment que Macky Sall aurait une position autre, ce qui ne l’a pas empêché, le 09 janvier dernier, de fermer la voie royale qu’est le Sénégal pour le Mali. Une honte dont les Sénégalais essayent péniblement de se relever. L’expression « voie royale »est du regretté et volubile Alioune Blondin Bèye, ministre malien des Affaires étrangères décédé dans un accident d’avion le 26 juin 1998 : le colon avait fait de Dakar la porte d’entrée pour la conquête vers le Niger ; l’Afrique indépendante en avait conçu un mode d’intégration. Les puînés ont ruiné depuis ces trente dernières années tout espoir d’unité du continent, malgré les Cheikh Anta Diop et autres Kwamé Nkrumah (page 7).
Certains accusent  la diplomatie sénégalaise d’avoir tordu le bras du chef de l’État pour arriver au résultat que l’on sait.
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La question n’a pas reçu de réponse d’un chef de la diplomatie délégataire d’un domaine du seul ressort du président de la République qui doit donner le tournis à ses conseillers diplomatiques tant la position de Macky Sall évolue sans logique.
2013 : le Sénégal refuse d’abord de participer à la force d’interposition au Mali avec l’attaque djihadiste de 2012 ; François  Hollande parvient In extremis à le convaincre au
Sommet sur Bamako tenu dans la foulée du sommet de l’Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique organisé les 6 et 7 décembre 2013.
La force sera opérationnelle en juillet 2013, sous mandat de l’ONU, avec un peu plus de 12.000 militaires et policiers sur le territoire malien. Dakar sauve la face : c’est un pôle stratégique en cas de crise, comme avec les Malouines (2 avril-14 juin 1982), et toutes les autres crises en Afrique de l’Ouest, comme avec la Côte d’Ivoire en 2002.
Macky Sall a eu le même comportement déloyal vis-à-vis de la Guinée avec la crise Ébola (2013-2016) lorsque, contre toute attente, Dakar, seconde capitale de la Guinée, ferme sa frontière avec Conakry : Alpha Condé le ressentira comme une offense personnelle et ne manquera aucune occasion pour éreinter son homologue sénégalais.
La diplomatie de bon voisinage du Sénégal pose donc problème. Et aboutit fatalement à cette incohérence : la terre d’asile des peuples en souffrance (les Guinée, Libéria, Sierra Leone, Côte d’Ivoire, Mali) ne peut en aucun cas ne pas faire jouer l’Afrique au détriment d’un ailleurs sans espoir.