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Macky Sall-Idrissa Seck: Duo impossible pour un fauteuil présidentiel Dossier réalisé par Habib KA

Le machiavélisme des deux acteurs concernés pourrait battre en brèche la théorie du dauphinat.

Au président Macky Sall, il faut reconnaître son génie dans les jeux de coulisses et les tractations souterraines, son flair anticipatif sur un futur imprévisible, incertain.

Tension budgétaire, Fast track, Covid-19

Qu’en est-il advenu de son régime, au sortir d’une compétition électorale trop laborieuse, contestable dans son organisation, même s’il est crédité d’une majorité assez confortable de 58,20% ?

Un Fast track tardant à prendre greffe, une pandémie Covid-19 qui paralysait tous les secteurs économiques, administratifs, commerciaux du pays, ainsi que le malaise lié à la surpression du poste de Premier ministre, ajouté à un président-candidat obnubilé, prêt à sacrifier tous ses fidèles compagnons de première heure pour un hypothétique troisième mandat ; sont-ce là, les signes avant-coureurs d’une fin de règne qui ne dit pas son nom ou d’essoufflement, de lassitude du programme cardinal de l’homme politique Macky Sall qui avait conceptualisé le Yoonu Yokkuté, réactualisé Plan Sénégal émergent (PSE) ?

L’homme du psremier décembre 2008, président de l’Alliance pour la République (APR), est attendu sur le terrain concret, après huit ans et demi à la tête de l’État, pour finir ses grands travaux, amorcer ceux en cours de projets et répondre à la demande sociale ponctuelle des populations pour leur santé, leur éducation, pour l’emploi des jeunes.

En outre, le président a à se pencher sur les cas des milliers de bacheliers chaque année déversés dans les rues sans orientation, sans aucune forme de prise en charge. Une jeunesse oisive, désœuvrée capable du pire quand elle est lasse d’attendre la grâce, lasse de vivre d’espoir.

Le débat se situait ici et nulle part ailleurs, fin stratège, Macky Sall a dressé ses leurres et tout le monde s’y est engouffré.

Trois ans encore, les Sénégalais ne feront que de la météo politique, des calculs politiciens et le président Macky Sall serait prêt à casser la tirelire pour servir tout le monde, pourvu qu’il ait le plus large front uni pour gagner ses Communales, ses Législatives et sa présidentielle de 2024. Advienne que pourra.

Yoonu Yokkute ou la victoire confisquée ?

Depuis qu’un tsunami a bouté hors du palais certains des plus fidèles et des plus charismatiques collaborateurs du président de la République, et la promotion tout azimut d’anciens responsables politiques libéraux dans le gouvernement, les directions des sociétés, les conseils d’administration, bon nombre d’analystes, de chroniqueurs politiques, et des plus clairvoyants sont tentés de formuler des hypothèses plausibles, comme quoi : Macky Sall ne se présenterait pas à l’élection présidentielle de 2024 et que Idrissa Seck serait sa botte secrète.

Cette supposition, il faut le dire, repose en grande partie sur l’émotionnel créé par le congédiement inopportun des Amadou Bâ, Aly Ngouille Ndiaye, Aminata Touré, Muhammad Boun Abdallah Dione, Mouhamadou Mokhtar Cissé, Oumar Youm, socle du gouvernement et de l’Alliance pour la République (APR).

La nomination de Idrissa Seck au poste de président du Conseil économique, social, environnemental (CESE), qui fait de lui la troisième personnalité de l’État dans l’ordre protocolaire, pourrait entretenir l’hypothèse du dauphinat mais c’est sans connaître le machiavélisme de l’homme.

Avec ces premiers compagnons, Macky Sall n’a pas rompu les amarres, c’est du “Dem Dikk” en perspective ; en attestent le ton des lettres de remerciements, de reconnaissance et de fidélité des défenestrés, de vrais clins d’œil pour rassurer, “nous pas bouger, même si Mimi Touré rumine encore sa rancœur avant de se décider.

Même le très sérieux Mandiaye Gaye s’est vu servir cette salade que Idy est ruiné, que Macky a payé à sa place ses dettes et qu’il lui file 30 millions par mois. Si vraiment Ndamal Kajoor était arrivé à ce niveau de déchéance, Macky Sall ne lui ferait pas la moindre charité. La bonne règle voudrait, lorsque l’ennemi est agonisant, de ne pas lui offrir un second souffle, de l’achever.

Macky Sall n’aurait pas ressuscité la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite (CREI), mobilisé tous les ministères de la République, la presse pour avoir les têtes de Karim Wade et de Khalifa Ababacar Sall qui constituaient une menace réelle pour son avenir politique, faire condamner lourdement les deux à des peines entraînant la perte de leurs droits civiques, et puis, arrivé à ce stade de sa trajectoire, baisser la garde pour laisser le commandement à Idrissa Seck, et autres Omar Sarr.

Pour l’heure, il cherche une coalition aussi large que possible pour que sa candidature devienne évidente aux yeux de tous.

Duel Idy-Macky avant l’heure
Cese, un leurre

Tout le monde convient que ce CESE est un gouffre à sous, à commencer par lui-même. Par quelle alchimie alors Idrissa Seck pourrait-il rendre maintenant ce machin acceptable ? Lui-même avait revendiqué sa suppression pure et simple, parce que budgétivore et inutile.

Six millions de salaire mensuel pour son président, un budget de 6 milliards 227 millions, des voitures de fonction, du carburant et des abonnements de lignes téléphoniques. Pour quel travail fourni ? Même si le multimilliardaire est ruiné et qu’il tire le diable par la queue, ce n’est pas une raison pour dilapider les ressources du pays pour les beaux yeux d’une clientèle politique.

Idrissa Seck a été rétribué pour sa reddition publique. Lui-même en conférence de presse le 1er novembre 2020 avoue qu’ils étaient en pourparlers depuis 15 mois. Donc depuis tout ce temps là, Idy, le candidat malheureux susurrait les choses du pays avec son ami Macky Sall et, ceci, incognito, sur le dos des Sénégalais.

Idrissa Seck avait donc préféré faire fausse route à ses militants, ses alliés de la coalition, les millions de Sénégalais qui lui avaient apporté leurs suffrages. C’est cette dynamique que Macky Sall voulait casser, il l’a réussi et de fort belle manière.

Idy a fait son choix, celui de la collaboration, de la compromission, quoi qu’il lui advienne dans cette nouvelle posture de collaborateur du chef de l’État, tenu à la merci d’un décret ; comme le disait Jean-Pierre Chevènement, « Un ministre de la République, ça ferme sa gueule ou ça dégage ».

Et Idrissa Seck n’a pas que de bonnes qualités. Il ne joue pas sobre, raffole de ce qui est clinquant, flambant, pimpant. Trop imbu de sa personne, Idy est imprévisible, insaisissable, inconstant, capable de bouleverser seul la météo, d’un seul battement d’ailes, comme il a réussi ce jour de Toussaint et les jours à venir à focaliser toutes les attentions sur sa personne. Surtout qu’il n’est pas le genre à s’encombrer de morale, à se fixer des contraintes pour arriver à ses fins.

Même si Serigne Moussa Nawel de Touba serait garant des accords conclus par ces machiavéliques politiques, il est vrai qu’aussitôt signé le pacte, aussitôt rangé aux oubliettes, parce que leurs auteurs ne sont pas naïfs pour prendre cet accord pour de l’argent comptant.

Ce combat inégal Macky Sall l’a emporté avant la lettre, le jour même de la déclaration publique du nouveau président du CESE. C’est ce jour que Idy Seck s’est déshabillé devant tous les Sénégalais, nu comme un ver de terre, et signé son arrêt de mort.
Parce que Macky ne lui ferait pas de cadeau pour ses traîtrises répétées qui ont jalonné son parcours politique.