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Limitation des mandats: Mimi sabre Macky Par Fanny Ardant

« Le Président Sall a affirmé à de nombreuses reprises qu’il effectuerait son second mandat et dernier mandat »

A la différence de certains membres de la mouvance présidentielle qui ont exprimé une idée contraire à un éventuel 3e mandat de Macky Sall, Aminata Touré quant à elle peut bien se reposer sous ses lauriers. Mieux, et sans risque d’être sanctionner par le patron de l’Alliance pour la République puisqu’elle a déjà subi son sort avec son limogeage à la tête du Conseil économique social et environnemental (CESE), le 1er novembre dernier.

En effet, lors de la conférence virtuelle organisée par le National Démocratic Institute (NDI) tenue mardi 15 décembre 20, sur le thème de la “Limitation des mandats”, l’ancienne première ministre n’y est pas allée de main morte pour battre en brèche toute possibilité, pour Macky Sall, de faire un troisième mandat.

Dans son propos introductif, Aminata Touré a rappelé une étude d’Afrobarometer révélant qu’environ 75% des citoyens africains sont pour la limitation des mandats présidentiels. « Voilà l’information-clé qui constitue la toile de fond de nos discussions. Si la démocratie est la prédominance du plus grand nombre, cela suffirait à clore le débat. Mais la question est justement de comprendre pourquoi les citoyens africains préfèrent donner des durées limitées aux hommes et femmes qu’ils se choisissent comme dirigeants. Il faut dire qu’aujourd’hui, sur les 55 États membres de l’Union Africaine, 35 pays disposent de la clause de limitation de mandats. »

Poursuivant, elle souligne que « les pays, à travers leur Peuple, se choisissent leur Constitution donc la question de la limitation des mandats s’analyse à l’aune des choix constitutionnels des pays ». Prenant l’exemple du Sénégal où la question épineuse du troisième fait toujours débat, Mimi, a cependant axé sa réflexion sur le cas de son pays, suite aux choix constitutionnels effectués lors du référendum du 20 mars 2016. A cette occasion, l’ancienne première ministre a rappelé que « le Sénégal a modifié sa constitution limitant les mandats présidentiels à 2 consécutifs, et précisant en son article premier que : «la durée du mandat du président de la république est de cinq ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ».

Ainsi, « Le Président Macky Sall réélu le 24 février 2019 a affirmé à de nombreuses reprises qu’il effectuerait son second et dernier mandat notamment le 31 décembre 2018. Donc, au Sénégal, la question est derrière nous comme je l’ai déjà dit à diverses occasions », a-t-elle fait savoir pour écarter une représentation en 2024 de Macky. S’interroger sur Comment ces chiffres se comparent-ils dans les pays où les présidents respectent ou ne respectent pas les mandats constitutionnels ?

« Ce qui est attendu partout sur le Continent et partout ailleurs, c’est le respect des Constitutions. C’est le gage de la stabilité des pays, c’est ce qui est attendu par la population africaine dont 70%, faut-il le rappeler est âgée de moins de 35 ans. Cette jeunesse africaine a les mêmes aspirations démocratiques que le reste de la jeunesse du monde. »

Mais tout n’est pas négatif. Car, Il y’a de nombreux succes-story et il faut les encourager, en à croire Mimi Touré. « En Afrique de l’Ouest, les exemples récents du Niger, de la Mauritanie, du Libéria, de la Sierra Leone, du Cap Vert parmi d’autres cas sont à saluer. Depuis 1990, Il faut noter que 21 leaders ont sagement quitté le pouvoir dans 14 pays africains grâce à la disposition de la limitation de mandat. Ce qui prouve qu’il peut y avoir une vie paisible après la Présidence. La limitation des mandats est un moyen important de faciliter l’alternance au pouvoir sur le continent. Son respect est aussi, de nos jours, un moyen de quitter le pouvoir avec les honneurs. »

Consulter également sur les principaux impacts politiques et socio-économiques du non-respect de la limitation des mandats, et les résultats de développement différents constatés dans les pays où les principes du constitutionnalisme sont respectés, Mimi Touré d’avancer sur les avantages du respect de la limitation des mandats et les risques. « Voyons d’abord les avantages du respect de la limitation des mandats. La limitation des mandats permet des transitions politiques à des intervalles réguliers et prévisibles. Ce qui fait que les partis et les candidats rivaux n’ont pas vraiment de raison de recourir à des moyens détournés pour renverser le système à travers des manifestations violentes, la désobéissance civile et autre forme de manifestation de mécontentement public. Les dirigeants se sentent davantage motivés à produire des résultats pour laisser un héritage positif à leur successeur ou/et pour entrer dans l’Histoire avec grand H de leur pays. La limitation des mandats permet aussi de renouveler le leadership et encourage la montée d’une autre génération de dirigeants politiques, elle permet aussi l’apport de sang neuf et la possibilité de changements de politiques. Les risques du non-respect de la limitation des mandats c’est la tentation de la manipulation des élections, l’affaiblissement de l’autorité des autres pouvoirs de l’Etat et la marginalisation d’adversaires politiques, qui en cas de limitation de mandat seraient plus enclin à honorer leurs prédécesseurs. Le non-respect de la limitation des mandats produit de fortes tensions sociales avec des répercutions économiques et sociales graves alors que pour consolider les progrès du développement l’Afrique a grandement besoin de paix et de stabilité sociale pérennes. Il s’y ajoute le risque de voir les forces de sécurité intervenir dans le jeu politique en cas de forte tension qui paralyserait le pays alors que l’Afrique doit définitivement en finir avec les coups d’Etat.

Le rôle de la société civile et les mouvements citoyens
« Le rôle de la société civile et des mouvements citoyens est de continuer à travailler à l’éveil des citoyens, notamment les jeunes et les femmes et d’aider à leur organisation en utilisant les langues nationales de préférence. L’accès à l’information et le développement de capacités d’auto-organisation de la jeunesse en dehors des chapelles partisanes est un enjeu majeur pour le renforcement de la démocratie. En définitive, ce sont les citoyens qui sont les acteurs majeurs du changement ou du statu quo. La société civile doit aussi persévérer dans son rôle de la régulation politique en restant engagée dans le plaidoyer et le dialogue avec les autorités étatiques et tous les acteurs de la vie économique et sociale pour faire respecter les Constitutions et sauvegarder les acquis démocratiques.

En résumé, la limitation des mandats s’inscrit dans le renforcement des institutions et des processus démocratiques. Elle assure la stabilité sociale dont le continent a besoin pour consolider son développement. Elle peut assurer une sortie honorable et paisible aux dirigeants en poste tout en favorisant l’arrivée de nouvelles générations et élites au pouvoir. »