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Les femmes mendiantes du rond-point Case-bi autour des dangers qui guettent leurs enfants Khadidiatou GUÈYE Fall

Les passants et les riverains craignent la sécurité de ces innocents

Ce n’est pas nouveau de voir des mendiants dans les rues de la capitale. La mendicité est un phénomène social inclus dans la normalité de la vie en Afrique. A Dakar, les mendiants représentent une partie de la population qui se réveille tôt le matin pour subvenir à leurs besoins.

Auparavant, les talibés des petites écoles coraniques s’étaient appropriés la mendicité à côté des personnes vivant avec un handicap. Mais aujourd’hui, la mendicité n’est pas spécifique à telle ou telle personne. Car même des personnes bien portantes étalent leur petite natte pour demander l’aumône.

A cette danse, se joignent les femmes mères de jumeaux ou de jumelles. Au rond-point Case-bi, une vingtaine de femmes avec leurs jumeaux, tantôt avec trois de leurs enfants sillonnent et bordent le tour du rond-point.

Étant en chantier, ce rond point devient le siège des femmes mendiantes. Avec un parasol, les unes se protègent du soleil. Les autres utilisent un pagne attaché sur quatre bâtons pour se protéger du soleil. Une natte étalée à même le sol sert à coucher leurs enfants endormis.

Tantôt ce sont des femmes âgées, tantôt des femmes avec leurs badauds. Ce qui préoccupe les passants, c’est l’insécurité qui règne dans les lieux. Avec les travaux du Brt qui nécessitent l’utilisation des engins, remorques…des gros véhicules de transport de matériels, les enfants de ces femmes mendiantes s’introduisent dans les zones en chantier sans attirer la vigilance de leurs mamans. C’est ce manque de vigilance que dénonce ce passant répondant au nom de Alioune Laye. Pour ce dernier, la mendicité n’est pas interdite mais sacrifier son enfant est un crime. “Je ne peux pas reprocher à ces femmes de demander l’aumône. Peut-être que c’est avec l’aumône qu’elles parviennent à nourrir leur progéniture, donc pour moi mendier est un phénomène social qui n’est pas interdit ; mais que ces femmes veillent sur la sécurité de leurs enfants. En fait, un rond-point n’est pas prévu pour mendier, c’est le lieu qui pose problème avec les voitures qui peuvent perdre contrôle à tout moment. Les travaux du Brt sont aussi à côté avec encore plus d’insécurité”, se désole le monsieur en chemise bleue. Alioune Laye déplore à ce niveau l’application partielle du retrait des mendiants de la rue : ” Pour moi, il ne s’agit pas seulement de retirer les talibés. Ils ne sont pas les seuls mendiants de la rue. Il y a des femmes qui se pointent aux arrêts de bus et envoient leur fille demander l’aumône à leur place. Ces filles aussi sont des mendiantes et on doit leur remettre leur droit d’enfant, elles ont des droits comme toute personne” fustige Alioune.

Intercepté à la sortie du marché de Gueule Tapée des Parcelles assainies, Serigne Mbaye nous accorde quelques minutes de son temps. Sa brouette laisse deviner son domaine de travail. Il travaille comme ” pousse-pousse”, c’est-à-dire transporter les marchandises d’un magasin à un autre ou aider les clients à transporter leurs achats. D’après Serigne Mbaye, ces femmes n’ont pas le choix. “Elles sont dans le besoin, avec tous leurs enfants qui les entourent, qui prendra la responsabilité de garder ces enfants pour qu’elles aillent travailler », argumente le propriétaire de la brouette. Il pense que ces femmes ne doivent pas être jugées car elles n’ont pas de maison ; la plupart du temps, elles sont en location.

Marielle Ndiaye, une jeune étudiante, se met à la place de ces femmes pour agir autrement.” Si j’étais elles, je me lancerais dans le commerce et inscrirais mes enfants dans une école coranique plutôt que de les utiliser pour attirer les bonnes volontés”, interprète-t-elle. Elle ne manque pas de montrer des femmes courageuses et braves qui se sont débrouillées pour arriver à un certain niveau dans leur vie. Elle invite ces femmes à prendre exemple sur ces héroïnes.

Cet homme de teint noir en tenue camouflée, n’exclut pas l’hypothèse selon laquelle certaines d’entre elles aiment la facilité. “C’est devenu fréquent de voir des personnes qui n’ont aucun handicap se réclamer mendiant. En général, ceux qui demandent l’aumône sont incapables de faire des efforts physiques. Mais il y a plus qui font dans la facilité” signale l’homme en tenue, sous couvert de l’anonymat.

Ces femmes mendient parce qu’elles sont dans le besoin. Mais cela ne doit pas signifier que leurs enfants doivent être entourés de danger d’après certains. Les enfants ont des droits qui doivent être respectés à la lettre, selon nos interlocuteurs.