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L’encens, l’odeur douce qui attire les hommes et chasse les mauvais esprits Par Khadidiatou GUÈYE Fall

« La bonne odeur fait vivre », a-t-on l’habitude d’entendre chez les grandes personnes. L’encens appelé thiouraye au Sénégal, de par sa vertu attrayante, laisse certains hommes ivres de bien-être. Les femmes se le sont approprié comme arme dangereusement agréable pour appâter leur époux et obtenir ce qu’elles veulent. Les marabouts l’exploitent dans leurs cérémonies et soignent avec certaines maladies. L’encens est une clé pour l’ouverture de la chance grâce à ses pouvoirs mystiques.


Avec l’approche de la période de fraîcheur, tous les moyens sont bons pour se réchauffer. Au Sénégal, le froid rime avec braise, encensoir et « thiouraye ».

Le thiouraye est de l’encens. Il s’agit d’une substance aromatique dégageant une odeur agréable lorsqu’elle est brûlée. Le thiouraye existe sous plusieurs formes. Certains sont en poudre, en brin, en résine, en éclat de bois, en herbes, en bois ou en épices. L’essentiel, c’est d’embaumer la chambre ou le salon de senteurs aromatisées.

Le thiouraye est utilisé pour diverses raisons. Quand il s’agit d’une arme de séduction, les femmes en raffolent et concoctent elles-mêmes leur mélange de thiouraye. Surtout en cette période où le froid pointe le bout de son…nez, l’encens devient la fidèle compagne des femmes mariées. Elles font leur propre encens avec une macération allant d’une année afin d’obtenir une sensation agréable. A l’aide du charbon braisé, d’un encensoir traditionnel qui est une poterie faite de terre cuite, de taille variable, appelée « Ande » en wolof ”, les femmes procèdent avec délicatesse. Les vieilles dames savent bien utiliser le thiouraye sans une fumée asphyxiante.

Pour cette dame âgée de 63 ans, il est préférable de mettre une cuillère sur la braise avant de poser le thiouraye sur la cuillère. « Avec cette méthode, la chambre sera parfumée convenablement sans provoquer de la fumée », nous confie-t-elle.

Le thiouraye est utilisé à plusieurs fins. Les femmes ne sont pas les seules à y trouver un intérêt. Les marabouts et les guérisseurs sont intéressés par le thiouraye. Ils montrent que le thiouraye a des vertus insoupçonnées. Certains thiouraye soignent des maladies, d’autres sont utilisés pour chasser les mauvais esprits.

Salatou, une femme troublée auparavant par de terribles cauchemars, octroie à certains thiouraye une valeur incommensurable. Selon elle c’est grâce aux encens qu’elle s’est débarrassée des mauvais esprits qui la guettaient la nuit.

Une femme âgée de 28 ans et sous couvert de l’anonymat confirme la précédente. « Je souffre d’atroces maux de tête, mais quand je mets le thiouraye contre les mauvais esprits sur la braise, je me sens allégée et libre : je n’ai plus mal » balance-t-elle.

Ces dernières se servent des thiouraye pour, tantôt se soigner, tantôt se guérir d’un trouble surhumain.

Pour les services rendus, l’encens, de par son origine, était d’un emploi banal. On utilisait pour les rites religieux. Chez les catholiques, lors des messes, l’encens est aussi utilisé. Pourtant, depuis très longtemps, l’homme s’est servi de l’encens pour adorer ses dieux comme chez les Indiens, en Asie. Ces derniers, à l’aide des offrandes et de l’encens, profitent des moments intimes avec leurs dieux. D’où son ancienneté et sa présence totale dans les cérémonies de rites traditionnels ou religieux.

« Depuis l’Antiquité, leur utilisation a été attestée dans les civilisations anciennes, presque toujours à des fins religieuses, mais pas seulement. Leur parfum intense et aromatique était considéré comme appréciable pour les dieux », lit-on dans le blog holyart.

Dans certaines familles au Sénégal, il y a un type d’encens appelé « thiouraye Seytane ». Ce thiouraye est extrait pour purifier la maison et soigner un membre de la famille possédé par un être maléfique. En d’autres occasions, l’utilisation de l’encens est un moyen de connaître si l’inconnu invité à la maison est une personne saine ou le contraire.

En fonction de leurs utilisations, les thiouraye ont des vertus différentes. D’après Cheikh Moussa Seydou Hanne Tijani, sur sa page Facebook, les encens ont chacun une mission.

Le thiouraye « Liban Zakar » est l’encens qui favorise l’ouverture et attire beaucoup de clients dans votre domaine d’activité. « L’Oud » attire les grandes sommes d’argent et donne de l’aura à la personne ; il attire l’amour des gens. Si on mélange le thiouraye Liban et l’Oud, ça favorise l’ouverture totale, surtout dans les affaires et les négociations. La personne qui utilise ce mélange débordera de charisme.

Il y a ce qu’on appelle le bois de Santal très convoité par les marabouts. La résine de Nur Muhamad est efficace pour rester dans un lieu d’habitation ou de travail. D’après notre source, celui qui l’utilise vaincra toujours ses ennemis. La résine de Nur Muhamad mixée avec le Santal attire les grandes personnalités sur vous. Les grandes autorités vous seront toujours dociles. Le thiouraye appelé Diawi est assimilé à une loupe pour mieux interpréter les rêves. Il favorise la clairvoyance dans les rêves et certains choix de vie.

En somme, le thiouraye renferme de nombreuses vertus. Les femmes l’utilisent pour « réchauffer » leurs hommes en période de froid. Du coté de la religion, l’encens occupe une place importante dans les cérémonies de messe ou de rites mortuaires et traditionnels. L’encens a un côté mystique et thérapeutique. Pour chasser les mauvais esprits, certaines personnes l’exploitent malicieusement. L’aspect spirituel n’est pas ménagé dans son contexte authentique. Le bien-être de la maison est maintenu, en partie, grâce aux thiouraye comme le Gowé, le Liban et le Santal. Quant on veut faire tourner la tête des hommes, les dames font appel aux thiouraye de haut niveau appelés « Ne dors pas », « songuema » (attaque-moi) et autres.