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L’Éditorial de Pathé MBODJE: Impair et Manque

Kédougou, le 30 mai, est venu conclure une série d’impairs du président Macky Sall en direction des Sénégalais, mais cette fois-ci en descendant plus bas que bas : alors que rien ne s’y prêtait, il n’a pas eu la hauteur nécessaire pour répondre aux quolibets légitimes de ceux qui craignent un mélange des genres entre économie et politique : sa réponse a manqué d’élégance et de hauteur.

Certains ont appelé de l’extérieur, croyant avoir mal entendu, tant le terme leur semblait peu compatible avec la fonction de l’émetteur.

Il est inconcevable qu’un responsable ayant pratiquement droit de vie et de mort sur les autres n’ait pas le sens symbolique de sa fonction et se permette des écarts de langage que l’on n’ose pas relever, de peur de subir les foudres du prince sous l’épée de Damoclès de l’article 80 ou sous le terme générique « d’offense chef d’Etat » : à Kédougou, Macky Sall a versé dans l’injure, révélant une autre facette de son manque de maîtrise de soi, donc son incapacité à diriger.

Il est possible que l’on soit tyran, incapable d’accepter la contradiction, l’adversité : l’électeur sénégalais avait cru pouvoir l’éviter en invitant à plus de tolérance, de patience, d’ouverture vers l’autre, la solidarité envers le faible et l’opprimé en créant son Macky Sall en 2012 ; récemment encore, à la veille de la Korité, le vénéré Khalife des Mourides le rappelait à la classe politique et aux populations sénégalaises. Depuis, apparemment, la société est tombée dans le travers qu’elle voulait éviter, Macky sall étant très peu tolérant.

Abdou Diouf aussi était intolérant ; ses explosions de colère mal contenue étaient célèbres, plus dans le privé. Il a eu sa « jeunesse malsaine » à Thiès en février 1988, et ses « bandits des grands chemins » qui se permettaient de jouer avec la vie des Sénégalais avec l’électricité, toujours en direction d’un Mademba Sock qui a apparemment le don d’irriter les présidents ; Diouf ne sera cependant jamais descendu aussi bas jusqu’à proférer de gros mots : son éducation et son sens de l’Etat s’y refusaient.

C’est par Mademba Sock en tout cas, le Premier mai dernier, à trente ans d’intervalle, que le président de la République est passé à très grande vitesse par le péage : « Mais il y a toujours une alternative : si vous n’avez pas les moyens d’emprunter l’autoroute à péage, prenez la route de Rufisque, c’est comme ça. Si vous voulez rouler vite avec plus de sécurité et éviter les trous et autres, il y a un coût”, en pensant plus aux “immenses efforts” consentis par l’État pour rendre plus accessible l’autoroute à péage aux usagers qu’à l’impécuniosité méprisable de la majorité des populations sénégalaises.

En mars dernier 2021, devant le bon sens populaire qui incitait au doute méthodologique devant des vaccins anti-Covid-19 qui ont fait grand bruit à travers le monde, le président Sall de rouler dans ses errements : « Si on ne prend pas les vaccins moi je vais les donner à d’autres pays africains ». Pour un produit acquis sur fonds publics, ce qui serait un détournement de deniers.

Trois ans auparavant, en mai 2018, Macky Sall remerciait la France pour sa magnanimité envers les Sénégalais partis sauver la puissance colonisatrice : “Avec la colonisation française, nous avons eu des choses positives, notamment les élections. On a des relations particulières […] et ils ont toujours respecté les Sénégalais parce que le régiment des tirailleurs sénégalais était dans les casernes, ils avaient droit à des desserts pendant que d’autres Africains n’en avaient pas”.

Encore une ?

Le 31 décembre 2020, sa recherche de la paix et de la tranquillité l’incitait à fermer les yeux sur des personnalités de grande envergure qu’on ne peut pas emprisonner. De même, quand il dit sans sourciller que lui-même chef de l’Etat, a mis certains dossiers judiciaires sous le coude.

Les décisions de Macky Sall doivent ainsi être sans appel ni interprétation. Autrement, « le chef suprême des Armées a décidé, un point un trait. Pas de discussion là-dessus. Cela doit être entendu par tout le monde ! », martelait-il en mai 2015 avec la décision controversée par certains d’envoyer 2.100 soldats sénégalais en Arabie Saoudite.

Quand on sort de ses ambiguïtés, disait le Docteur Albert Bachir, c’est toujours à ses détriments : Macky Sall explose à la moindre contradiction, oublie son texte et se lance dans des improvisations malheureuses ; il se met en balance par rapport à ses prédécesseurs et pense avoir fait mieux pour qu’on se permette de douter. D’avoir plus d’épaisseur et de poids, comme si le cerveau était un muscle.

Pour le temps qu’il lui reste à la tête du pays, Macky Sall devrait apprendre à mieux communiquer en se taisant dans ses improvisations. Il est toujours hors texte, donc hors sujet.