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Le Journalisme et les secrets de la lecture: Une si longue histoire d’amour… Entretien dirigé par Chérifa Sadany SOW

La lecture favorise l’instruction à travers la connaissance du monde. Ses utilités sont multiples et bénéfiques pour toute personne, surtout le journaliste qui saura s’en servir sans modération aucune. Dans l’envie de connaître ses fonctions, il a été bien réfléchi d’aller à la rencontre d’Ababacar Sadikh Top, jeune journaliste qualifié, très habile dans sa profession avec un parcours excellent. Son amour pour la lecture se reflète dans ses magnifiques articles. Il a un goût de lecture sans commune mesure, une ouverture et une présence d’esprit inimaginable. Sa grande curiosité intellectuelle l’a poussé à écrire un livre intitulé « Ousmane Sonko ».

 Lisons !

Vous êtes journaliste de profession, en même temps amoureux et prétendant de la lecture. Qu’est-ce qui vous attire chez elle ?

Premièrement, lorsque l’on choisit d’être journaliste, on est obligé d’être toujours en autoformation. Celle-ci passe nécessairement par la lecture qui secrète en elle-même la culture générale. Et deuxièmement, la lecture est un instant de libération, un voyage dans un espace où le temps ainsi que les règles sont suspendus au profit des passions, d’où mon immense amour de la lecture.

Où aimez-vous lire ? Dans un lieu calme, près du jardin, dans la chambre sur les genoux de madame ?

(Rire…) La dernière option n’est pas une mauvaise idée. En effet, définir un lieu exact où j’aime m’enfermer pour lire me semble difficile, d’autant plus que je ne me suis jamais posé cette question. Toutefois, il serait bien de le faire dans un espace où le seul bruit est le murmure que produisent les mots.

La littérature, un monde de l’échec. Êtes-vous du même avis avec ceux qui l’affirment ?

Ceux qui le disent fondent surement leurs pensées sur une comparaison entre littérature et science. Sauf que, suivant ma perception, ces deux domaines ne s’opposent pas, ils sont intrinsèquement liés. Ne peut être un bon scientifique qu’un bon littéraire. Néanmoins, reconnaissons que la science est en elle-même l’incarnation de l’espace de la création alors que la littérature incarne la souplesse, les passions, le voyage, l’apaisement, l’évasion…bref l’humanité à travers l’expression de la multiplicité des cultures qui ne se font et ne peuvent se faire qu’à travers la littérature. Le monde ne se limite pas au matériel. L’homme est un être sensationnel.

Souplesse, passions, voyage, évasion, sensation ! Des mots qui s’allient à la beauté, la classe. Peut-on dire que la littérature rend classique ?

En fait, tout ce qui flirte avec la littérature aspire à la beauté…à la classe, cette classe qui s’assimile à l’élégance et à la noblesse. Élégance par les formes, noblesse par le choix des mots. Et n’oubliez pas que le comportement est la sécrétion d’une éducation. Or lire c’est apprendre, c’est s’éduquer.

C’est quoi l’importance de la lecture ?

La simplicité de cette question n’implique pas une réponse évidente. En effet, chaque personne a sa perception de l’importance et de l’apport de la lecture en fonction de ses expériences. Suivant ma signature, je peux dire que la lecture permet d’abord d’assainir l’esprit, de le structurer, de le rendre fécond et surtout, c’est un point très important, la lecture permet la découverte de l’autre.

Comment la lecture peut-elle être bénéfique pour un journaliste ?

C’est simple. Si le journaliste est subséquent à une bonne culture générale, et qu’en soi, puisque reconnu de tous, la lecture est le réceptacle de toutes les cultures, alors le bon journaliste devrait en principe entretenir une relation d’affinité avec la lecture parce qu’étant la base de son existence.

Pouvez-vous analyser cette phrase : « Pépite de mots, la jouissance de la pensée et des sentiments attendus » ?

Quelle phrase complexe ! (rires…) Faisons alors une petite « élucidation conceptuelle », expression que j’emprunte à Ndèye Marème Sow dite « Thioukhou », qu’elle a utilisée dans son brillant mémoire de licence. En effet, le mot pépite renvoie dans sa définition première de petite particule d’or, donc de la richesse, de la valeur, alors qu’un pupitre permet aux orateurs de pouvoir s’exprimer. Là, des mots de valeur sont imposés aux orateurs. Si ceux-ci sont ordonnés, cohérents et succulents, ils germent de la jouissance.

Le 9 mars 2019, Bernard Dadier avait déposé son stylo. Tous les pères fondateurs de la Négritude ne sont donc plus. Pourrions-nous avoir peur de perdre l’héritage africain ?

Je ne pense pas que nous sommes en train de perdre cet héritage. Parce que cet héritage se trouve dans les livres, donc qui y fait un tour trouvera ce qu’étaient ou même ce que sont, puisqu’un écrivain ne meurt jamais, les précurseurs de la littérature africaine aussi. Et croyez-moi, une belle relève existe et s’affirme.

La relève ! C’est vrai qu’elle existe et s’affirme. Mais obscurément. Qu’est ce qui fait cela selon vous ?

Parce qu’il n’y a pas de relai. Prenons exemple dans la presse ; vous allez voir qu’il n’y a pas d’émissions suffisantes consacrées à la littérature. Également, il n’y a pas de volonté politique pour montrer la belle relève. Quand je lis les jeunes Falilou Dioum, Ndèye Marie Aïda Ndiéguène, Mbougar Sarr, Elgas, et tant d’autres…je suis aux anges par leur style.

Vous avez écrit sur Ousmane Sonko. En tant que journaliste, qu’est-ce qui vous a poussé à appuyer sur l’encre pour le décrire ?

En effet, Sonko est un homme qui a fasciné par son évolution exponentielle dans la scène politique ; alors je trouvais intéressant de faire des recherches sur lui et de le décrire.

C’est sûr que vous ne vouliez pas lever le rideau de fer sur la féroce anarchie au Sénégal, comme disent certains de vos confrères lorsqu’ils posent un pied dans la politique ?

Notre tissu social et l’organisation qui la sous-tend, jadis équilibrés par les paramètres d’éthique, sont en train de s’effriter par la perte de nos valeurs. Nous critiquons et même insultons sans filtre, sans essayer de connaître le choix des uns et des autres. Le phénomène Sonko, un homme qui pour la première en si peu de temps accroche tant d’attention, il était de mon devoir d’aller à la source, là où réside la vérité. Là, tout est à découvert pour connaître ce nouvel homme dans l’espace politique et le raconter aux Sénégalais.

C’était un plaisir, monsieur Top !

J’en sors ragaillardi, merci !